Mission d'information Fonds marins

Réunion du 4 mai 2022 à 8h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Mes chers collègues, nous nous retrouvons pour la troisième table ronde consacrée aux collectivités d'outre-mer dans le cadre de la mission d'information sur l'exploration, la protection et l'exploitation des grands fonds marins. Il s'agit d'analyser la stratégie nationale en la matière et de formuler un certain nombre de recommandations quant à sa mise en oeuvre. Les collectivités d'outre-mer étant très concernées par cette question, il paraissait important de prendre en compte leurs attentes de manière spécifique. Aujourd'hui, nos échanges porteront sur le bassin de l'océan Indien, avec les collectivités de Mayotte et de La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

C'est effectivement notre troisième table ronde sur les outre-mer. Il convient plutôt de parler « des » stratégies des grands fonds marins, avec, comme vous le savez, en 2021, une mise à jour de la stratégie nationale d'exploration et d'exploitation minières datant de 2015, à la suite du rapport de M. Levet, du Secrétariat général de mer. Vous savez aussi que le plan France 2030 a mis en exergue l'espace et l'océan, avec un objectif d'intervention publique chiffré à 300 millions d'euros pour les fonds marins. Enfin, plus récemment, nous avons pris connaissance de la stratégie de maîtrise des fonds marins dans le domaine militaire. Il y a, à l'évidence, une urgence. La France doit défendre sa souveraineté. Nous avons pu entendre les administrations centrales, les forces armées, les scientifiques, les ONG, pour faire le point tant sur le niveau de connaissance et d'appréhension de ces sujets, que sur les attentes et les craintes de toutes les parties prenantes. Il nous semblait à ce stade indispensable que les outre-mer soient entendus, sachant que presque 98 % de la zone économique exclusive (ZEE) nationale est ultramarine. Par ailleurs, la zone indopacifique est devenue un lieu stratégique majeur dans la géopolitique mondiale.

Je précise que le Parlement est tout à fait dans son rôle avec cette mission de contrôle et d'évaluation de la politique du Gouvernement. Nous serons également une force de proposition. Au-delà des strictes compétences de chacune des collectivités, il est important de connaître le ressenti des populations locales et des ONG sur les décisions qui sont prises ou envisagées. C'était aussi le souhait émis par le président Macron aux assises de l'économie de la mer à Marseille et au One Ocean Summit de Brest.

Nous vous avons transmis quelques questions, qui pourront éventuellement être complétées : quelle est votre position sur l'exploitation de ces fonds ? Seriez-vous favorables à un moratoire ? L'idée est de faire en sorte que nos échanges soient les plus complets possible.

Debut de section - Permalien
Wilfrid Bertile, conseiller régional de La Réunion en charge du codéveloppement régional, de la pêche et des relations extérieures

Je suis actuellement élu au conseil régional, mais j'ai également été, dans une vie antérieure, secrétaire général de la Commission de l'océan Indien (COI), ce qui n'est pas sans intérêt pour la réunion d'aujourd'hui. Il s'agit d'une organisation interétatique qui regroupe la France, au titre de La Réunion, les Comores, Madagascar les Seychelles et l'Île Maurice. Elle travaille en étroite relation avec l'Association des États riverains de l'océan Indien, à laquelle la France a adhéré en décembre 2020, et qui regroupe 23 pays. C'est intéressant à préciser, car l'exploration des fonds marins a nécessairement une dimension régionale.

Debut de section - Permalien
Idriss Ingar, référent climat-énergie au conseil départemental de La Réunion

Je représente les services du département de La Réunion, en remplacement de M. Serge Hoarau, conseiller départemental, qui est retenu par une autre réunion. Nous vous remercions de cette invitation à échanger.

Debut de section - Permalien
Zaminou Ahamadi, conseillère départementale de Mayotte

Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation au nom du conseil départemental de Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Avec Zaminou Ahamadi, nous sommes aujourd'hui les dignes représentants de Mayotte. Je précise que Mayotte est historiquement le premier DROM, département et région d'outre-mer, à la fois composé des représentations départementales et régionales. Or il n'y a que 26 élus, ce qui est évidemment insuffisant pour prendre en charge toutes les compétences dévolues à cette collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Malet

J'ai lu avec attention les derniers travaux de la mission, qui m'ont beaucoup appris. On connaît trop peu les fonds marins, notre territoire n'étant pas assez tourné vers la mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nassimah Dindar

J'ai commencé à être sensibilisée à la problématique des fonds marins en siégeant à l'Office français de la biodiversité (OFB). Il me semble nécessaire que les élus de nos territoires soient mieux informés sur tous ces sujets. À La Réunion, je rappelle que nous avons une ceinture récifale de 25 kilomètres de long et 3 500 espèces animales et végétales à protéger. Cependant, on a le sentiment d'un manque de cohérence de toutes les politiques publiques : biodiversité, économie bleue, énergie. Enfin, j'appelle de mes voeux le développement d'une coordination entre La Réunion et Mayotte en matière environnementale et économique. Sur la pêche, par exemple, la population réunionnaise n'est sensibilisée qu'à la question de la pêche côtière. Je le répète, il y a aujourd'hui un manque d'information et de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dennemont

Comme l'ont dit nos deux collègues sénatrices, La Réunion n'est pas assez tournée vers la mer. Aussi, en tant que béotien, j'attends beaucoup des travaux de cette mission d'information.

Debut de section - Permalien
Wilfrid Bertile, conseiller régional de La Réunion en charge du codéveloppement régional, de la pêche et des relations extérieures

Le sujet est mondial. Il y a eu une surconsommation des ressources naturelles que la terre peut fournir. Les fonds marins représentent l'avenir dans un contexte où les ressources minières s'épuisent rapidement.

Dans ce cadre, notre rôle est essentiel. La France est la deuxième puissance maritime mondiale pour ce qui concerne les zones économiques exclusives. Par conséquent, elle a une responsabilité particulière. Nous avons longtemps été à la pointe en matière de recherche et de technologies appliquées aux fonds marins, mais nous nous sommes fait concurrencer par un certain nombre de puissances, dont la Chine.

Les outre-mer ont un rôle important à jouer compte tenu de la superficie des zones économiques exclusives qu'elles représentent.

S'agissant plus précisément de La Réunion, du sud-ouest de l'océan Indien et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), la superficie maritime contrôlée par la France est supérieure à la superficie de toute la Méditerranée. C'est dire l'enjeu.

Pour en venir aux fonds marins, on peut identifier plusieurs sujets.

Il y a d'abord la connaissance. Comme l'a dit le Président de la République, on ne peut exploiter, protéger, ou les deux, que si l'on connaît l'existant. Or, d'après certains, on connaît mieux la Lune que nos fonds marins. Il y a donc un énorme travail de recherche à faire.

Se pose ensuite le problème de la préservation et de l'exploitation. Il faut évidemment trouver une formule qui concilie au mieux ces deux aspects. On aura sûrement besoin d'exploiter, mais on a aussi besoin de préserver la biodiversité des fonds marins. Je pense que c'est possible avec les technologies modernes.

Le monde est aujourd'hui tourné vers l'Indopacifique, qui concentre 40 % du PIB mondial. Par son appartenance à la Commission de l'océan Indien et à l'Association des États riverains de l'océan Indien, la France a des leviers pour mettre en oeuvre dans cette zone les grandes orientations voulues par le Président de la République. Il s'agit d'offrir une autre voie que celle des tensions grandissantes entre les États-Unis et la Chine.

À La Réunion, tout cela est suivi avec grand intérêt. N'oublions pas que le code minier est en partie de la compétence des régions.

Debut de section - Permalien
Idriss Ingar, référent climat-énergie au conseil départemental de La Réunion

C'est un grand honneur de se présenter ici devant vous pour évoquer ce sujet, qui est pleinement stratégique dans le développement de la souveraineté de la France dans l'océan Indien, donc dans le monde.

À la Réunion, nous avons tendance à dire que le Réunionnais a tourné le dos à la mer. C'est vrai, et cela découle directement du peuplement de l'île, qui a débuté au XVIIe siècle. À l'origine, c'était un territoire vierge, caractérisé par une biodiversité exceptionnelle. Nous sommes l'un des trente hotspots de biodiversité mondiale. Nous avons le plus haut sommet de l'océan Indien et la seule source thermale de l'océan Indien. Les premiers habitants issus des différentes communautés, qui sont venues de métropole, d'Afrique, d'Asie se sont attachés à agir ensemble pour rendre l'île habitable. C'était le premier besoin et c'est ce qui a forgé l'identité réunionnaise : rendre cette île habitable, mais toujours en lien avec l'environnement. Ainsi, nous avons un parc national qui abrite 90 % de la biodiversité du territoire, sur 40 % de la surface de l'île. Jusqu'à présent, c'est vrai, nous étions très centrés sur la terre.

Quand on regarde ces trois siècles et demi passés, on peut identifier trois caractères principaux chez les Réunionnais : l'audace, l'innovation - invention de la cristallisation du sucre, notamment -, respect du cadre national.

Cela me fait dire que nous sommes aujourd'hui dans le bon tempo pour regarder vers cet autre horizon qu'est la mer. Il s'agit désormais de regarder La Réunion avec une frontière qui partirait du sommet du Piton des neiges, jusqu'à l'extrémité de notre ZEE.

L'enjeu principal est de concilier exploitation et protection. Il s'agit d'avoir une approche environnementale, ce que nous avons toujours eu sur notre île, mais c'est aussi une question de souveraineté. Les pays de la zone - Madagascar, Maurice, Seychelles - sont des partenaires de longue date, mais nous devons aussi faire face à des concurrents, comme l'Allemagne, l'Inde ou la Corée du Sud, qui disposent de licences d'exploration dans la région délivrées par l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Cependant, les deux plus gros compétiteurs auxquels nous sommes confrontés sont la Chine et la Russie. La Chine a énormément investi en Afrique en finançant des infrastructures, en contrepartie d'un accès privilégié aux ressources minières, alimentaires et forestières de ces pays. Je rappelle également que, dans le cadre de la stratégie des Nouvelles Routes de la soie, il y a aujourd'hui un port militaire chinois à Djibouti, ce qui nous aurait semblé inimaginable dans les années quatre-vingt-dix. Enfin, Madagascar, qui dispose d'importantes ressources minières, a signé en janvier un accord de coopération militaire avec la Russie. Il est vraiment fondamental de prendre en considération la protection de notre ZEE face à ces prédateurs, au besoin en renforçant les moyens militaires de surveillance.

La caractérisation des fonds marins est la question principale. C'est un peu l'inconnu. J'attire néanmoins votre attention sur la nécessité d'aborder le sujet sous l'angle tant des ressources minières ou halieutiques que des organismes vivants, qui peuvent représenter des atouts dans le domaine de la santé ou de la chimie verte. On peut imaginer que La Réunion aura un rôle à jouer à cet égard compte tenu de sa biodiversité. J'y vois de fortes potentialités de développement pour l'île. La jeunesse réunionnaise, de plus en plus qualifiée, peut trouver là des débouchés. Il faudrait donc retenir une approche régionale de nos politiques publiques. Malheureusement, notre collectivité n'a pas été associée aux discussions sur la mer dans le cadre de France 2030.

Enfin, il importe de structurer l'administration, tant déconcentrée que décentralisée, pour faire aboutir les projets sur la mer. Nous ne savons pas encore qui fait quoi dans les différents intervenants publics et il y a toujours des vides juridiques.

En conclusion, soyez assurés que le département prendra toute sa place, dans le cadre de ses compétences, pour mettre en oeuvre un écosystème dédié à cette exploitation de la mer, de sorte que nous puissions créer des activités à forte valeur ajoutée.

Debut de section - Permalien
Zaminou Ahamadi, conseillère départementale de Mayotte

La France est le deuxième espace maritime mondial et Mayotte occupe à elle seule 74 000 kilomètres carrés de ZEE. Nous misons beaucoup sur la mer pour notre développement économique. De nombreuses études ont été réalisées à Mayotte sur les fonds marins, mais nous n'y sommes pas toujours associés. Pourtant, nous avons besoin d'accéder à ces données afin de pouvoir construire un avenir pour notre île et protéger notre environnement, ce qui passe par une meilleure connaissance de nos fonds marins.

Il y a de grandes campagnes de pêche, notamment au thon, dans nos eaux, mais tout se décide à Paris. Encore une fois, nous aimerions être mieux associés.

Enfin, l'apparition du volcan, voilà quelques années, a fait naître le besoin d'une meilleure information dans la population locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je vais tout à fait dans le sens de ce que vient de dire ma collègue de Mayotte. Tout à l'heure, j'ai pris la précaution de préciser que la collectivité de Mayotte englobait les compétences départementales et régionales. Nous n'avions auparavant jamais expérimenté le statut d'un département ou celui d'une région, contrairement à la Guyane. La situation est très complexe à gérer, mais il est temps que l'on fasse confiance à Mayotte. Les élus mahorais ont acquis la maturité suffisante pour que Paris cesse de prendre des décisions très importantes sans nous consulter.

Il faut certes préserver les fonds marins, mais il y a aussi la surface, le littoral et le lagon, qui est magnifique à Mayotte. C'est tout cela qu'il faut protéger.

Lorsque l'on parle de Mayotte, on ne parle que d'immigration. C'est un sujet important, mais l'environnement et la protection du littoral sont tout aussi importants. C'est une véritable course contre la montre, car nous enregistrons des montées des eaux mettant en péril des zones habitées dans certaines régions.

Je ne peux pas ne pas évoquer la « dispute » territoriale avec l'Union des Comores. Ce n'est pas vraiment sérieux, car Mayotte a acquis le statut de région ultrapériphérique, avec l'aval de tous les pays de l'UE. Lorsque l'Union des Comores émet des revendications sur Mayotte, c'est juste pour servir de variable d'ajustement dans l'ensemble de ses demandes à la France. J'en parle ici parce que La Réunion, notre voisine et cousine, a un rôle important à jouer dans ce rapport de force, notamment au sein des instances représentatives de l'océan Indien. Il ne faut pas nous laisser seuls face aux Comores. Or, tout à l'heure, à part Mme Dindar, je n'ai entendu aucun de nos interlocuteurs de La Réunion citer Mayotte. C'est un appel du coeur de ma part. Ce qui peut se passer à Mayotte a des répercussions à La Réunion. Cette solidarité française de l'océan Indien doit se faire davantage entendre.

Je ne passerai pas sous silence le volcan. C'est un événement inédit qui a beaucoup effrayé les Mahorais en 2018, lorsque des essaims de séismes se sont accumulés. Les études scientifiques ont montré qu'un volcan était né dans le fond de l'océan, à 50 kilomètres de la Petite Terre de Mayotte. Aussi, monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous demande de mener un complément d'information sur ce volcan, qui fascine et intéresse les scientifiques du monde entier, notamment les Américains. C'est la première fois que l'on observe et décrit ce phénomène dans l'histoire de l'Homme et on ne sait pas ce que cela peut produire à l'avenir : tsunamis, risques pour le littoral et la biodiversité. Nous avons besoin d'en savoir plus.

Je conclus en rappelant que le Mozambique n'est pas très loin. Or ce pays est en proie à des mouvements fondamentalistes qui pourraient nous menacer. C'est aussi pour cette raison que je réclame plus de protection, une protection psychologique, environnementale et militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

S'agissant du volcan, pouvez-vous développer ? Quel est le sentiment des Mahorais ? Avez-vous des retours d'information suffisants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Des mesures ont été prises, notamment l'installation de dispositifs d'alerte au moyen de sirènes lorsque des dangers se présenteront.

Le problème, c'est le manque d'information des Mahorais, notamment des élus de la collectivité. C'est devenu une affaire de scientifiques, qui communiquent parfois à travers les médias. S'agissant d'une telle menace, les élus devraient être plus étroitement associés.

Debut de section - Permalien
Zaminou Ahamadi, conseillère départementale de Mayotte

Je partage le même sentiment. Beaucoup de chercheurs mahorais s'intéressent au sujet, mais ils ne se sentent pas associés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Sans vouloir alourdir les débats, je reviens sur le côté institutionnel. Jusqu'à présent, seul l'aspect départemental s'est exprimé, et non l'aspect régional. C'est l'échelon manquant. Depuis la départementalisation de 2011, les compétences régionales ont été dévolues à la collectivité au compte-gouttes. Récemment, nous avons enfin hérité d'un rectorat, d'une agence régionale de santé (ARS) et d'un Pôle emploi de plein exercice. Cependant, les compétences régionales font encore l'objet d'un accompagnement de l'État. On est dans le flou à ce sujet. Actuellement, un projet de clarification institutionnelle est dans les tuyaux. Il faut qu'il aboutisse rapidement sur un texte clair, qui prévoie également une augmentation du nombre d'élus. Songez qu'ils ne sont que 26 pour presque 400 000 habitants. C'est notoirement insuffisant pour s'occuper de toutes ces compétences. Pardon de faire cette parenthèse institutionnelle, mais il me semble qu'elle illustre bien l'insuffisance de la prise en considération de l'avis des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Je souhaite recentrer notre débat sur les fonds marins, même si j'ai bien compris le lien que faisait notre collègue avec un problème institutionnel.

Je veux revenir sur le rapport à la mer plus qu'aux fonds marins, puisqu'on sent bien qu'il y a un manque de connaissances. Dans chacune de vos collectivités, quelle est l'approche sur la protection de l'océan ? Y a-t-il des initiatives en faveur de la protection des ressources halieutiques ? Des plans de gestion ? Comment les populations sont-elles associées ? Est-ce que les ONG sont sensibilisées à ces questions de protection de l'océan et des grands fonds marins ? Est-ce que l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) est bien présent sur vos territoires ? Les équipes sur places sont-elles suffisamment dotées pour bien accompagner vos collectivités ?

Debut de section - Permalien
Wilfrid Bertile, conseiller régional de La Réunion en charge du codéveloppement régional, de la pêche et des relations extérieures

Je veux dire à M. Mohamed Soilihi que je pensais bien évidemment à Mayotte dans ma première intervention. Pour moi, les sorts de Mayotte et de La Réunion sont indissociables. On devrait d'ailleurs coopérer beaucoup plus, mais on aura l'occasion d'en reparler dans un proche avenir.

La gestion des ressources halieutiques se fait surtout au niveau régional au sens large du terme, c'est-à-dire à l'échelle du sud-ouest de l'océan Indien. Ainsi, pour ce qui concerne les pélagiques, c'est la commission des thons de l'océan Indien qui gère ces ressources. Il y a également d'autres organisations régionales de gestion de la pêche. Sur le plan franco-français, la gestion est faite dans les TAAF pour la pêche à la légine et la pêche à la langouste grâce à un système de quotas assez remarquable.

Les ONG de La Réunion sont très dynamiques en matière de biodiversité marine. L'ONG Globis, par exemple, étudie les grands cétacés. La région, pour sa part, finance un centre de recherche sur les tortues marines à Saint-Leu. Dans les années 92-93, il y a eu des recherches sur les fonds marins qui ont mis au jour la présence de nodules métalliques, mais les technologies d'alors ne permettaient pas d'aller plus loin dans l'exploitation. Maintenant que l'exploitation se rapproche, j'imagine qu'un certain nombre d'ONG vont se positionner sur le sujet.

À ma connaissance, la représentation de l'Ifremer à La Réunion ne se plaint pas de ne pas avoir suffisamment de crédits. Il faut savoir que ces organismes peuvent émarger à des budgets européens importants, notamment le Feder ou Interreg. L'Ifremer est pleinement compétent à Mayotte et à La Réunion, alors qu'il est relativement absent dans les TAAF, où c'est le Museum d'histoire naturelle de Paris qui intervient. Le débat est posé sur cette répartition des compétences.

Même si le sud-ouest de l'océan Indien est une des régions du monde où les ressources halieutiques sont les moins obérées, certaines espèces sont arrivées à un seuil critique. Il y a incontestablement un problème de ressources et de partage de celles-ci entre les populations. Il y a de plus en plus de grands navires modernes qui viennent pêcher les pélagiques, avec des méthodes extrêmement efficaces. Ces méthodes sont autorisées par l'Europe, mais interdites par la France. Ces prélèvements inconsidérés font diminuer la ressource et frappent de plein fouet des populations côtières, qui vivent de la pêche artisanale, comme aux Maldives ou en Afrique orientale. À La Réunion même, il y a une opposition entre cette pêche industrielle, qui concerne peu de gens, et une pêche traditionnelle, qui a une forte dimension sociale. Sur ce sujet, il conviendrait de mener une action au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Avez-vous entendu parler du projet de démonstrateur ? Le premier défi pour exploiter nos fonds marins, c'est de disposer des technologies permettant d'intervenir jusqu'à 6 000 mètres sous le niveau de la mer. Est-ce que vos collectivités sont candidates pour se positionner sur ces sujets ? Savez-vous si d'autres pays de la région ont des projets en la matière ?

Debut de section - Permalien
Wilfrid Bertile, conseiller régional de La Réunion en charge du codéveloppement régional, de la pêche et des relations extérieures

Le grand public n'a pas connaissance de ce type de technologie expérimenté par l'Ifremer. Je pense que les collectivités locales de La Réunion sont favorables à une expérimentation pour mieux exploiter et protéger les fonds marins. C'est un passage obligé pour donner un contenu opérationnel à ces problématiques, d'autant que les campagnes de 92-93 ont montré que les fonds marins de Mayotte, de La Réunion et des TAAF étaient riches de potentialités, autour des cheminées hydrothermales notamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Nassimah Dindar

Pour en avoir souvent parlé avec M. Bertile, je pense pouvoir dire que c'est lui qui, le premier, a mis en évidence la cohérence entre Mayotte et La Réunion.

Le plateau continental autour de ces deux îles est très étroit, et les fonds marins sont abrupts. Cela limite les sites de mouillage, mais, en même temps, c'est un atout pour préserver les fonds marins. Il faut vraiment faire des recherches approfondies avec les nouveaux outils dont on dispose.

Je pense que le rapport devrait demander une synthèse des différents travaux menés, que ce soit par l'OFB, par les ONG, par les services de l'État, en lien avec La Réunion et Mayotte, afin d'identifier une bonne fois pour toutes le parc naturel marin, ses limites, les doubles barrières récifales, l'espace de la pêche, côtière ou grande pêche, le tout en intégrant les TAAF. Enfin, il s'agit de connaître très précisément les limites de la ZEE.

S'agissant des énergies marines, un centre de recherche existe aujourd'hui à La Réunion. Nous ne sommes pas destinataires de ses travaux, ce qui limite l'appréhension de ces problématiques pour les élus locaux. Le rapport doit aborder cette nécessaire mise en commun des différentes études et recherches existantes.

Je suggère également que le travail fait à La Réunion sur la production des micro-algues soit dupliqué à Mayotte. Il en va de même pour les recherches menées sur les oiseaux.

Bref, vous l'avez compris, il importe d'avoir un référentiel commun de l'existant pour que les élus soient en mesure de prendre de bonnes décisions. Dans le même ordre d'idée, ne serait-il pas opportun de créer une cellule Mayotte-La Réunion-TAAF au sein de l'OFB ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur Bertile, mon intention n'était pas de polémiquer. C'est un discours que je tiens systématiquement, parce que cette coopération est vraiment nécessaire.

Les ONG et l'Ifremer agissent, mais c'est toujours la même sensation d'absence de communication. Il y a un grand besoin de coordination et de pérennité dans les actions. Il faut enfin davantage associer les élus locaux.

Debut de section - Permalien
Zaminou Ahamadi, conseillère départementale de Mayotte

Nous avons adopté des documents stratégiques pour l'économie bleue à Mayotte. Il s'agit de mettre en valeur nos ressources marines et notre lagon. Une étude de 2008 a montré que nos eaux sont propices au développement de l'aquaculture. Nous vous communiquerons le plan d'action qui a été défini par le conseil départemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

J'insiste sur les initiatives éventuelles d'autres pays de la région. Je rappelle que des permis d'exploitation ont été délivrés par l'AIFM dans la zone.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

On peut évoquer à ce stade les discussions engagées entre le Mozambique, Mayotte et La Réunion sur l'exportation de gaz. Je cite le sujet, mais je n'en connais pas le détail.

Debut de section - Permalien
Wilfrid Bertile, conseiller régional de La Réunion en charge du codéveloppement régional, de la pêche et des relations extérieures

Nous n'avons pas plus de précisions que M. le rapporteur. Nous savons que la Chine est très proactive dans ce domaine. La Commission de l'océan Indien est en mesure de porter des projets puisque c'est en plein dans ses prérogatives. Cela pourrait se faire avec des financements de l'Union européenne ou de la Banque mondiale. Il y a là des pistes à explorer pour associer les pays de la zone à des actions portant sur les grands fonds marins.

Debut de section - PermalienPhoto de Nassimah Dindar

Nous pourrions devenir une base avancée de l'observation des changements climatiques, en lien avec la COI.

Debut de section - Permalien
Idriss Ingar, référent climat-énergie au conseil départemental de La Réunion

Je reviens rapidement sur la question de l'Ifremer, qui est centrale. C'est l'organisme qui dispose de toutes les infrastructures pour atteindre les fonds sous-marins. Pourtant, à La Réunion, il ne s'occupe que des ressources halieutiques, et l'expertise est localisée à Brest, au département ressources physiques et écosystèmes du fond de mer. C'est l'Ifremer qui est intervenu lorsqu'il a été question de l'extension du plateau continental pour La Réunion. En général, les thématiques de recherche ne sont pas définies localement, mais au niveau national, au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou dans les universités. Nous sommes juste un sujet d'étude. C'est regrettable. Il faut ramener le centre de décision au niveau local.

Il y a un autre acteur important, c'est le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La France a de grandes compétences en matière de forage en profondeur qui pourraient être mises en oeuvre pour l'exploitation des fonds marins. Sur le modèle du commissariat à l'énergie atomique pour le secteur nucléaire, il faudrait une structure dédiée au domaine de la mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Je voudrais revenir sur le sujet institutionnel évoqué par Thani Mohamed Soilihi. Pensez-vous qu'il faille clarifier les choses statutairement à Mayotte dans le domaine des grands fonds marins ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

C'est le serpent qui se mord la queue. Pour l'instant, nous n'avons pas tous les outils pour penser plus grand. Nous n'avons pas assez d'élus pour s'occuper de ces sujets. Le préalable est d'augmenter le nombre d'élus. Ensuite, nous pourrons songer à prendre en charge ces compétences. Au référendum de 2009, on a demandé aux Mahorais s'ils voulaient que Mayotte devienne un département d'outre-mer exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer, mais, sur le volet régional, tout est à clarifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

On connaît la force du tissu industriel réunionnais. Pensez-vous disposer d'un cluster d'entreprises capable de faire le saut technologique nécessaire pour cette exploration ? On a l'impression que la question pourrait se poser assez rapidement vu l'accélération des progrès scientifiques.

Debut de section - Permalien
Wilfrid Bertile, conseiller régional de La Réunion en charge du codéveloppement régional, de la pêche et des relations extérieures

La réponse est incluse dans votre question. Le tissu économique réunionnais est assez diversifié et performant pour s'adapter. Qui plus est, de grandes transformations sont en cours dans le grand port maritime.

Pour ce qui est de la recherche dans l'océan Indien, le Marion-Dufresne a joué un rôle pionnier dans les TAAF. Je tiens à saluer les apports de ce navire dans le domaine de l'exploration maritime.

Beaucoup de choses existent à La Réunion. Reste à les mettre en cohérence pour que le tout fasse système.

Nous apporterons des réponses beaucoup plus développées dans le questionnaire que nous vous renverrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nassimah Dindar

La Réunion a vraiment un fort potentiel, que ce soit dans le privé ou dans ses institutions. Le Marion-Dufresne nous manque. Je le répète, il y a une forte demande de synthèse des travaux existants chez les élus locaux. Je milite aussi pour un renforcement du rôle de l'OFB à Mayotte et à La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Il y a un véritable sujet sur la relation entre les territoires littoraux ou insulaires et la ZEE. La convention de Montego Bay est très claire : elle donne des droits souverains à l'État côtier, lequel a parfois des difficultés à organiser sa relation avec les collectivités territoriales ou insulaires. C'est flagrant pour les énergies marines renouvelables en Manche. Il n'y a aucune retombée économique directe sur les territoires qui « génèrent » cette ZEE. Les retombées sont justes indirectes, avec le développement d'activités, mais il n'y a aucune redevance à attendre. Il faut revoir cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

J'ai bien retenu les insatisfactions des élus d'outre-mer et leurs aspirations à une meilleure association à ces stratégies.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Je tiens à remercier tous les participants de la qualité de leurs interventions. Nous avons tous les mêmes problématiques. Je rejoins Thani Mohamed Soilihi sur ses préoccupations institutionnelles. Les territoires ultramarins sont des miroirs extraordinaires de la France et il faut les mettre en valeur.

Debut de section - Permalien
Zaminou Ahamadi, conseillère départementale de Mayotte

Nous allons également vous renvoyer des réponses plus étayées à votre questionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Malet

Je remercie tous les intervenants. M. Ingar a mis l'accent sur la gouvernance. Je pense aussi que c'est essentiel, de même que la coopération entre Mayotte et La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Je remercie tous nos collègues et l'ensemble des représentants des différentes collectivités. Nous vous remercions pour les réponses écrites que vous nous transmettrez, si possible dans les deux semaines qui viennent.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 9 heures 55.