Je crois savoir qu’à cet instant Bordeaux mène au score.
Réjouissons-nous également, monsieur le ministre, de votre initiative d’organiser les assises des territoires ruraux afin d’établir un plan d’action permettant d’apporter des réponses concrètes pour favoriser l’attractivité des territoires ruraux sur les plans économique et social, en partenariat, et pour répondre aux besoins et attentes des habitants, notamment en termes d’accès aux services et aux commerces. Les pôles d’excellence rurale y contribuent en partie.
La ruralité est aujourd’hui multiple.
C’est bien sûr le monde agricole, fondement de l’économie rurale et gardien des paysages, qui donne à la France rurale son attrait, unique en Europe, me semble-t-il. Le monde agricole souffre, pris en tenailles entre la chute des cours et la hausse des charges, ne l’oublions pas.
Mais les espaces ruraux, c’est aussi une multitude de PME et de PMI, de commerces de proximité. Ce sont de nouvelles populations aux besoins différents – les néo-ruraux veulent disposer des mêmes services qu’en ville – en termes d’infrastructures, d’offres de services publics et au public, de commerces de proximité.
L’animation de ces territoires demande aujourd’hui un esprit « projet » et une réactivité particulière de la part des élus et de tous les acteurs locaux. C’est pourquoi nous avons pris note, avec la plus grande satisfaction, de l’annonce officielle faite par le Premier ministre, le mois dernier, du lancement d’un nouvel appel à projets de pôles d’excellence rurale. Elle rejoint en effet les conclusions auxquelles la commission de l’économie est parvenue à l’issue des travaux du groupe de travail sur les pôles d’excellence rurale, que j’ai eu l’honneur de présider pendant six mois.
Permettez-moi d’indiquer que notre groupe de travail a été constitué au mois de février dernier, sur l’initiative du président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine. Nous avons reçu M. Hubert Falco, puis vous-même, monsieur le ministre. Je vous remercie tout particulièrement de la pleine coopération que vous avez apportée à nos travaux.
Nous avons également accueilli le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, M. Pierre Dartout, mais il faut à nouveau l'appeler le Datar, puisque vous avez décidé, monsieur le ministre, de redonner à la délégation son nom historique, et je m’en félicite.
Nous avons écouté les principales organisations concernées au niveau national par la politique des pôles d’excellence rurale : l’Association des communautés de communes de France, l’Association de promotion et de fédération des pays, l’Agence de services et de paiements, qui a remplacé le Centre national pour l’aménagement des structures et des exploitations agricoles. Enfin, nous avons sollicité l’avis de M. Jean Boyer, sénateur émérite.
Sur le plan local, nous nous sommes rendus dans mon département du Cher avec nos collègues François Pillet et Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’économie, ainsi que dans celui du Gers avec Gérard César, où M. Raymond Vall nous a excellemment reçus. Partout, nous avons pu constater l’engagement important des élus et des entrepreneurs comme des représentants de l’État autour de ces projets.
Les résultats de ces travaux ont été présentés dans le cadre d’un rapport, voté et adopté à l’unanimité le 16 septembre dernier par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un pôle d’excellence rurale ? Rappelons que le Gouvernement a lancé le 15 décembre 2005 un appel à projets incitant les territoires ruraux à proposer des projets innovants sur quatre thématiques adaptées à la réalité des territoires ruraux d’aujourd’hui : promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques ; valorisation et gestion des bio-ressources ; offre de services et accueil de nouvelles populations ; enfin, productions industrielles, artisanales et de services localisées.
Le Gouvernement comptait labelliser 300 pôles : l’extraordinaire réactivité des territoires s’est traduite par le dépôt de près de 800 projets, parmi lesquels 379 ont finalement reçu le label de « pôle d’excellence rurale ». Conçus dans des délais très contraints, ils ont pourtant réussi à se développer et à prospérer : une vingtaine d’entre eux seulement ont été abandonnés par la suite.
La plupart des pôles devraient atteindre leur terme cette année ou dans le courant de l’année prochaine, moyennant une certaine souplesse dans les délais à laquelle le Gouvernement s’est engagé devant notre groupe de travail.
Avant de nous tourner vers l’avenir, je voudrais d’abord constater que les PER ont été un formidable accélérateur de projets pour les territoires, pour reprendre la formule que j’ai choisie comme titre du rapport.
D’une part, les territoires se sont mobilisés très rapidement pour mettre en place des projets sur les thématiques définies par l’appel à projets.
D’autre part, les PER ont insufflé un esprit « projet », dans un objectif de partenariat public-privé. Le PER, c’est en effet une vision d’ensemble du développement local, portée bien souvent par un élu local « porteur » du projet au niveau d’une communauté de communes, d’un département ou d’un pays.
Cette vision se traduit par des projets concrets, mis en œuvre à la fois par des collectivités et par des entreprises, dans un esprit « public-privé » inspiré des pôles de compétitivité.
L’État n’est pas absent, loin de là : il est à l’origine de l’appel à projets, et la labellisation s’est accompagnée d’une aide au financement qui, en pratique, a représenté 20 % en moyenne du coût des projets.
L’État a toutefois laissé l’initiative aux acteurs locaux. L’aménagement du territoire ne se réalise plus, désormais, du haut vers le bas : il est pris en main par les collectivités locales elles-mêmes, au plus près du terrain, car celles-ci savent déceler les possibilités de croissance et les blocages qui gênent le développement des projets.
Les PER ont ainsi permis de faire aboutir des idées en germe, qui peinaient à démarrer, parce qu’il leur manquait le « coup de pouce » indispensable.
Voilà ce que nous avons constaté au cours de nos travaux et auprès des personnes que nous avons rencontrées.
Il a ainsi paru naturel, à l’issue de la première génération de pôles, de poursuivre par une deuxième génération. Nos travaux ne se sont donc pas limités à un bilan : ils se sont tournés résolument vers l’avenir.
Je ne reprendrai pas l’ensemble des vingt propositions que nous avons faites et qui ont été approuvées par la commission de l’économie. Je sais, monsieur le ministre, que votre réflexion a bien progressé, et je souhaiterais mettre l’accent sur certains points : le calendrier de l’appel à projets, les thèmes abordés, enfin la gouvernance et le financement des pôles.
S’agissant du calendrier, certains ont critiqué la brièveté du délai laissé en 2005-2006 pour le dépôt des dossiers, notamment pour ceux qui ont fait partie de la « première vague ». Pouvez-vous nous rappeler le calendrier qui est aujourd’hui envisagé par le Gouvernement ? Il me semble important de ne pas allonger excessivement les délais, afin que le programme des PER conserve cet effet d’entraînement et de réactivité qui l’a caractérisé.
Je note d’ailleurs que, cette fois-ci, on ne va pas dans l’inconnu : la procédure est mieux connue, certains projets sont déjà en préparation. En un mot, l’« esprit PER » commence à faire partie de la culture des territoires ruraux.
Au sujet des thèmes abordés, vous avez d’ores et déjà mis l’accent sur les socles de services publics et au public. C’est un enjeu essentiel d’attractivité des territoires pour les entreprises et les nouvelles populations, mais aussi, tout simplement, la sauvegarde de la qualité de la vie : l’accès au haut ou au très haut débit peut être la condition de l’implantation d’une entreprise, tandis que l’animation d’un territoire passe aujourd’hui par la création de maisons de service public, de maisons médicales de santé, ainsi que par l’accueil de la petite enfance et des personnes âgées ou à mobilité réduite.
L’attachement de nos concitoyens à la permanence d’un réseau de services publics de proximité s’illustre particulièrement s’agissant de La Poste. L’une des voies à explorer pour renforcer les services au public est celle de leur mutualisation.
Pour autant, il ne faut pas oublier les autres sources de croissance des territoires ruraux ; je pense au développement durable, aux énergies renouvelables, mais aussi à certaines filières existantes – agricoles, bois, élevage –, ancrées sur un savoir-faire local. L’« esprit PER », c’est de savoir trouver dans chaque territoire les projets qui peuvent le revitaliser.
Il faut évoquer, enfin, la vie des projets : leur gouvernance et leur financement.
L’une des principales difficultés rencontrées par les porteurs de projet a été le manque de crédits d’ingénierie : le montage du dossier, la définition de la stratégie, la mise au point du plan de financement sont des tâches complexes pour lesquelles les petites collectivités n’avaient pas toujours les moyens nécessaires.
Il faut sauvegarder et améliorer encore la coopération entre les responsables de PER et l’administration déconcentrée.
Les préfets et les sous-préfets sont de bons connaisseurs des problèmes rencontrés localement. Dès la phase de candidature, ils sont à même, avec leur administration, d’aider les acteurs locaux à mettre en forme leur idée et à préparer un plan de financement. Ils doivent ensuite rester à leur côté pendant la vie du projet.
Cette relation de confiance entre l’État et les collectivités, qui passe par la contractualisation, est source d’efficacité et améliore d’ailleurs l’image de l’État dans les territoires.
Cette confiance doit se traduire également dans les modalités de financement.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quels moyens le Gouvernement compte consacrer à la nouvelle génération de PER ? Mais au-delà du montant, il est nécessaire de clarifier les règles. Actuellement, les ressources d’État passent par une dizaine de ministères et une demi-douzaine de fonds différents, selon des règles variées qui compliquent sans nécessité la vie des porteurs de projet.
Dans un but de simplification et de transparence, il faudrait rassembler tous ces financements, ou la plus grande partie possible, sur une ligne budgétaire unique avec des fonds dédiés aux PER.
Par ailleurs, pourquoi limiter l’enveloppe de financement à 1 million d’euros par pôle ? La diversité des projets peut justifier un éventail plus large des financements, fondé sur la prise en compte des spécificités locales et non sur une limitation fixée a priori.
Ces difficultés ont été sensibles lors de la première génération de pôles d’excellence rurale. Elles pourraient être résolues, afin de donner au dispositif une efficacité plus grande encore. Un éventail de 500 000 euros à 1, 5 million d’euros me paraîtrait intéressant.
Je voudrais conclure sur un souhait : les PER doivent être considérés non pas comme un dispositif de plus, mais comme un outil au service d’une vision intégrée du développement des territoires. Il ne faut pas opposer les territoires urbains aux territoires ruraux : les habitants qui viennent résider à la campagne, les entreprises qui vont s’y installer ne se reconnaissent pas dans cette séparation.
Il ne faut pas non plus mettre en concurrence les pôles d’excellence rurale et les pôles de compétitivité : ils ont vocation à participer tous ensemble au développement d’un territoire, et même à mieux collaborer et à mieux communiquer ensemble.
Les PER ont montré que les espaces ruraux sont, eux aussi, des réservoirs de croissance. Il n’y a pas de territoire condamné d’avance par les départs d’activités ou de population.
Là où il y a la volonté des hommes et des femmes, la volonté d’élus ou d’entrepreneurs, les territoires se développent. Le nouvel appel à projets, que nous appelons de nos vœux, pourra contribuer à cette autre ambition pour nos territoires ruraux.