Intervention de Uma Rani

Mission d'information Uberisation — Réunion du 24 juin 2021 à 11h00
Audition de Mme Uma Rani chercheuse à l'organisation internationale du travail co-auteure du rapport « les plateformes de travail numérique et l'avenir du travail : pour un travail décent dans le monde en ligne »

Uma Rani, chercheuse à l'Organisation internationale du travail :

Merci pour ces excellentes questions. Je commencerai par la deuxième : comment envisageons-nous la représentation, qui inclut notamment la négociation collective ? La technologie, qui entraîne l'exploitation des travailleurs peut également être utilisée de façon très efficace par les travailleurs eux-mêmes afin de lutter pour leurs droits. Ce fut le cas au Royaume-Uni où des associations de chauffeurs ont organisé des grèves sur leur site. De même, au Costa Rica, des travailleurs s'organisent sur WhatsApp pour refuser certaines commandes dans le but de modifier la façon dont le calcul des paiements est réalisé. Ces manifestations informelles se sont révélées efficaces.

Des tentatives similaires ont eu lieu un peu partout dans le monde pour améliorer les relations de travail. Il faut voir comment les syndicats traditionnels peuvent en reprendre certaines et les intégrer pour lutter en faveur des droits des travailleurs. Quel que soit le résultat escompté, l'élan est déjà donné pour que nous allions à la table des négociations. Nous avons constaté que, très souvent, les livreurs essaient de créer un espace avec d'autres travailleurs précaires pour attirer l'attention du public, faire intervenir les municipalités et avoir un échange sur l'amélioration de leurs droits. Ce sont des cas particuliers, mais ils ont montré que toute action pouvait avoir un retentissement positif. Dans les pays nordiques, la négociation collective est en train de se mettre en place, mais à une très petite échelle. Cela pourrait être un moyen pour qu'un grand nombre de ces entreprises concluent des accords sectoriels et s'assurent de la protection de leurs travailleurs. Voilà comment faire en sorte que les travailleurs soient en mesure de négocier leurs conditions de travail.

Vous avez indiqué, à juste titre, que les plateformes concernaient de plus en plus de secteurs traditionnels et les précarisaient. Il est très difficile de savoir dans quelle mesure les services publics sont visés, mais je ne serai pas surprise que cela se produise déjà dans les hôpitaux, dont certains établissements de santé privés, où des plateformes ont proposé les services d'infirmières ou de médecins très qualifiés. Pendant la pandémie de la covid, ces deux plateformes ont fort bien fonctionné pour faire face à la pandémie. Au demeurant, on ne sait pas très bien si cette pratique s'est développée en Europe ou ailleurs. Quoi qu'il en soit, la pénétration est maintenant très nette dans ce domaine.

S'agissant des algorithmes et l'intermédiation numérique, il faut effectivement parler de réglementation nationale et internationale. Une convention de l'OIT sur les agences de travail devrait s'appliquer à ces plateformes. Ce pourrait être un point de départ pour nous, mais une réglementation au niveau international est également nécessaire, car il s'agit d'un domaine virtuel, avec le risque de mouvance vers d'autres pays. Il faut se pencher très sérieusement sur ce sujet, ainsi que sur la fiscalité des entreprises. Certaines mesures ont déjà été prises lors du dernier G7, et la situation de ce type de plateformes devrait être approfondie la prochaine fois.

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