Intervention de Jean-Claude Etienne

Réunion du 21 octobre 2009 à 21h45
Débat sur les pôles d'excellence rural

Photo de Jean-Claude EtienneJean-Claude Etienne :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ma connaissance, c’est la première fois qu’est nommé un ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Je salue avec beaucoup d’émotion le nouvel intitulé de cette fonction ministérielle.

À Rémy Pointereau, dont Jean Boyer disait à l’instant qu’il est le tracteur de la ruralité, je veux dire que plus qu’un semi-diesel de Vierzon, il est un diesel total.

Intervenant le dernier, à plus de vingt-trois heures, après tant d’orateurs qui ont tout disséqué avec le scalpel du chirurgien, je me demande s’il est opportun de lire le discours que j’avais préparé. Je vais m’en garder, car ce serait une redite de ce qui a déjà été exposé si brillamment.

Après avoir entendu mon prédécesseur à cette tribune, Yves Chastan, et tous ceux qui sont intervenus avant lui, je me pose effectivement la question de savoir si nous ne nous trouvons pas à un tournant pour la ruralité en France. En fait, nous sommes à la veille de ce tournant : il commence à s’ébaucher, car beaucoup reste à faire !

La dynamique économique et sociale a longtemps reposé sur la ruralité non seulement dans notre pays, mais également dans le reste du monde, puisque tout ou presque était issu de l’agriculture. L’ère industrielle, avec les services qui s’y rattachent, a créé des agglomérats de populations qui ont fabriqué un déterminant démographique vraiment prééminent en milieu urbain.

Yves Chastan vient de dire à l’instant que les derniers recensements pouvaient peut-être allumer quelques espoirs dont le bien-fondé pourrait reposer sur les prémisses de mutations de la ruralité et sur les comportements de nos concitoyens. Il est vrai, comme La Fontaine le disait déjà en son temps, qu’il y a un comportement des villes et un comportement des champs.

Pour ma part, je suis tellement citadin que certains m’ont demandé ce que je venais faire dans ce débat. Mais il m’a semblé important de mettre en exergue une telle problématique, car nous avons de plus en plus besoin, quand on voit le comportement des villes, de nous référer au comportement des champs et de nous y ressourcer. La ruralité doit enfin renaître des cendres quelque peu refroidies par cette ère industrielle pour retrouver toute sa place dans la dynamique économique et sociale de notre pays. Voilà le fameux tournant que l’on ne peut qu’appeler de nos vœux, car il répondra à bien des questions que se posent nos concitoyens dans notre société actuelle.

Tournons-nous vers cette ruralité ! Sachons en dégager les grandes vertus, qui ont été nourries par l’expérience, la tradition et les cultures qui se sont toujours mues pour faire le cœur des grandes civilisations !

Ce matin, la Haute Assemblée connaissait la première réunion de notre nouvelle délégation à la prospective. Nous sommes d’ailleurs la seule assemblée en Europe, avec les Finlandais, à être dotée d’une telle délégation. Alors que nous réfléchissions à la teneur des premiers débats, savez-vous ce qui est venu tout naturellement à l’esprit du bureau de la délégation ? Eh bien ! s’est posée à nous la fameuse problématique vécue par nos concitoyens dans les villes : comment répondre à cette soif incontestable de retourner vivre en milieu rural afin de retrouver les fondements d’un art de vivre de qualité, que nous avons trop souvent perdu en étant entassés dans des agglomérations qui finissent par avoir une taille démesurée ?

Je pense au Minotaure, qui finit par mourir d’avoir trop mangé les autres. Un jour viendra – il n’est peut-être pas si éloigné – où cette ruralité, qui avait perdu la prééminence de dynamique économique et sociale, pourra enfin retrouver droit de cité. Pendant longtemps, la ruralité était synonyme d’agriculture, et les concentrations urbaines d’industrie. Aujourd’hui, on le sent avec les perspectives qui se dessinent, le monde industriel n’est plus étranger au monde de l’agriculture. Il arrive même à ceux-ci d’entrer en résonnance : on parle parfois d’agro-industrie !

Voilà que la nouvelle industrie, intimement liée à la problématique de l’agriculture, apparaît. Dès lors, un nouveau souffle peu venir habiter un territoire rural, qui s’était désertifié du fait des flux démographiques et des courants provoqués par l’industrialisation.

Au travers de ces formidables pôles d’excellence rurale qui ont été lancés, pour la première fois depuis longtemps, le qualificatif « rurale » est accolé à la notion d’excellence. Quelle avancée ! En comparaison, pour les villes, nous en sommes restés aux pôles de compétitivité…

Aujourd'hui, l’excellence deviendrait-elle enfin le fait des terroirs et des espaces de la ruralité ? Pourquoi pas ? Il semble que la voie soit ouverte. Regardez la nouvelle industrie ! La chimie, par exemple, est une chimie verte. Adieu la chimie du charbon et de l’acier ! Adieu, probablement, les tours de cracking distillant du pétrole : c’est la production agricole qui sera « enfournée » dans ces nouvelles tours.

On voit ainsi bouger la nature de l’industrie, qui revient vers la production agricole. La syncrétie entre les mondes agricole et industriel se trouve ainsi créée, régénérant la ruralité.

Je souhaite revenir sur les pôles d’excellence rurale, auxquels je me suis fortement intéressé. Notre ami parlait de la Gironde ; permettez-moi de dire quelques mots sur la Champagne-Ardenne : cela, c’est de la ruralité, je puis vous l’assurer ! Je dirai au passage aux Girondins que notre petit vin local n’est pas plus mauvais que les autres.

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