En ce qui concerne les financements croisés, vous avez raison de dire, monsieur Boyer, qu’ils sont toujours complexes. En matière de financement, il faut choisir entre soutenir un grand nombre de pôles d’excellence rurale ou opter pour un champ d’intervention réduit. Mon ministère prévoit d’ores et déjà de réserver un peu plus de 100 millions d’euros à la nouvelle génération de PER, mais d’autres ministères peuvent également contribuer au financement du dispositif : je pense, en particulier, au ministère de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Lorsque j’ai été nommé ministre, on m’a notamment confié la mission d’instaurer une plus grande équité des dotations versées par l’État aux communes rurales par rapport à celles qu’il attribue aux communes urbaines. La dotation de développement rural constitue naturellement l’une des sources de financement des PER, mais il convient à mon sens d’utiliser complètement les fonds européens. Or, parfois, la réglementation européenne nous conduit à en rendre une partie. Il serait préférable de prévoir des contreparties budgétaires avec certains ministères afin de pouvoir mobiliser leurs fonds européens et disposer ainsi d’une masse de crédits plus importante pour financer les PER, l’Agence de services et de paiement de l’État pouvant gérer l’ensemble.
Monsieur Boyer, vous considérez enfin que le montage des dossiers a été trop rapide. Nous veillerons à répondre à la préoccupation que vous avez exprimée.
Madame Des Esgaulx, il est vrai que notre premier objectif est de créer des emplois et d’assurer le développement économique des territoires ruraux. Il est exact que ces derniers sont très divers : si l’agriculture constitue leur épine dorsale, d’autres activités économiques y existent également. Les PER, qui comporteront une forte dimension économique, contribueront à dynamiser les territoires ruraux et à stimuler certaines filières, comme la filière bois, que vous avez évoquée.
Les PER pourront également permettre la mise en place d’un certain nombre de services : je pense en particulier au haut débit et au très haut débit, et j’ai à l’esprit la proposition de loi de M. Pintat.
M. Chastan a souligné avec raison que, pendant très longtemps, gérer les territoires ruraux est revenu à gérer un déclin. Aujourd'hui, nous devons accompagner leur redressement démographique, en maintenant les services publics et les services au public. À cet égard, je vous félicite, monsieur le sénateur, d’avoir bien fait la distinction entre ces deux notions, car elle est essentielle : dans la vie de tous les jours, on a davantage besoin d’un médecin que d’une perception, même s’il est très important de pouvoir payer ses impôts !
En ce qui concerne cette question des services publics, nous devons être le plus clairs possible. J’ai suivi, il y a bien longtemps, l’enseignement d’un professeur qui avait lui-même été formé, à Bordeaux, dans la grande école du service public du doyen Duguit. J’ai appris qu’un service public se caractérisait par un certain nombre de principes, dont celui de mutabilité : un service public doit toujours s’adapter pour remplir au mieux son rôle, car on ne peut plus gérer les choses aujourd'hui comme il y a cinquante ans. Cela ne signifie pas que les services publics doivent disparaître, mais ils doivent évoluer.
À cet égard, les PER pourront être utilisés, par exemple pour développer le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ainsi, j’ai inauguré voilà quelques jours une maison des services publics équipée d’une borne de visioconférence, qui permet aux habitants d’un territoire où il n’y a jamais eu de service de sécurité sociale de s’entretenir de leur dossier avec un agent.
Il est donc possible aujourd'hui de faire vivre autrement les services publics, et c’est à juste titre que vous avez souligné que les territoires ruraux peuvent être des lieux d’innovation sur ce plan. Ainsi, j’ai décidé il y a quelques jours de créer une nouvelle aide, d’un montant de 20 millions d’euros, pour les « grappes d’entreprises », qui assurent les services publics locaux. En milieu rural, ces grappes d’entreprises doivent travailler en lien avec les pôles de compétitivité : il n’y a pas d’opposition entre ces deux structures, qui doivent au contraire être complémentaires.
Vous avez donc raison de dire que la ruralité est à un tournant, monsieur Étienne. Nous devons non plus la cacher, mais à l’inverse la montrer comme un espace de modernité et de progrès, où les gens ont envie de vivre.
Tel est le but des assises de la ruralité qui se tiendront prochainement. Tout ne doit pas être décidé depuis Paris : il faut écouter les acteurs de terrain. Je vais demander aux préfets d’organiser, dans les semaines qui viennent, des débats dont ils feront remonter les conclusions, ce qui nous permettra, dès la fin du mois de janvier prochain, de définir les lignes de force de notre politique en faveur des territoires ruraux.
J’évoquerai maintenant les axes de la nouvelle génération d’appels à projets, lesquels doivent s’inscrire dans les problématiques des territoires ruraux. Ils visent à favoriser de nouvelles dynamiques territoriales, concernant aussi bien la valorisation du potentiel local existant que la gouvernance et les relations entre les acteurs. Je souhaite que les appels à projets permettent de faire émerger des propositions d’actions diversifiées et adaptées en prenant en compte la complémentarité des instances.
Deux enjeux fondamentaux pour les territoires doivent, à mes yeux, structurer les appels à projets : le renforcement de la capacité économique des territoires ruraux et la prise en compte des besoins des populations dans le domaine des services publics et des services au public, en fonction des évolutions des territoires.
Je crois en la diversité économique des territoires, qui est, selon moi, un atout à valoriser. Les nouveaux emplois ne relèvent pas uniquement des productions agricoles ou agroalimentaires ; il faut aussi mieux prendre en compte les potentialités naturelles des territoires, leurs savoir-faire techniques, leurs spécialisations artisanales et industrielles, leur patrimoine, voire leur vocation.
Je pense en particulier au développement des entreprises et des filières, à la création d’activités marchandes fondées sur les productions de nos territoires. Plusieurs exemples pourraient être cités, mais je n’évoquerai que celui de la filière pierre volcanique qui a été relancée dans le Puy-de-Dôme.
Je pense aussi à la création d’ateliers-relais ou de pépinières d’entreprises dans une logique de développement durable, en lien avec les bio-constructions et les bioénergies. Les ressources forestières peuvent ainsi trouver une valorisation et un débouché dans les chaufferies, en milieu rural ou en milieu urbain.
L’emploi et l’économie sont bien sûr les priorités des pôles d’excellence rurale, mais, parallèlement, il est essentiel de répondre aux besoins des habitants en termes de services.
Plusieurs d’entre vous ont observé que, du fait de l’essor démographique des territoires ruraux, de nouveaux habitants côtoient désormais les ruraux « historiques ». Ce mélange de populations, l’accès aux nouvelles technologies, ainsi que l’ouverture sur le monde de ces territoires, font que, aujourd'hui, les standards de vie sont les mêmes que l’on vive en ville ou en milieu rural : les besoins et les envies sont les mêmes, on s’habille de la même façon, on regarde les mêmes chaînes de télévision.
Il faut donc offrir un socle de services adaptés à la demande de la population. Cela passe par l'utilisation de nouvelles technologies et par de nouveaux types de partenariats : je pense aux missions de service public et aux maisons médicales de santé. Cet après-midi, j'ai travaillé avec Mme Bachelot-Narquin pour que nos ministères puissent concevoir ensemble des réponses au problème de la démographie médicale, que les habitants de certaines zones rurales subissent quotidiennement.
On peut bien sûr envisager le déploiement, comme dans la Manche, de bornes visio-relais pour assurer le maintien et l'amélioration des services publics, mais il faudra aller plus loin.
Les pôles d’excellence rurale pourront ainsi contribuer à développer des formes expérimentales de services, comme les espaces publics numériques, les télé-centres avec visioconférence ou la télémédecine : nous lancerons une expérimentation en ce sens avec le ministère de la santé.
Cette deuxième génération se caractérise donc par une ouverture de l'objet des pôles d'excellence rurale, qui pourront parfaitement servir à développer les services publics et les services au public. Pour être sélectionnés au titre de cette nouvelle génération de PER, les projets devront répondre à des objectifs précis, que M. Pointereau a d’ailleurs mentionnés dans son intervention.
En ce qui concerne le calendrier, le premier appel à projets sera lancé dès la fin de ce mois, les réponses pouvant être adressées jusqu’en janvier 2010, en vue d’une prise de décisions vers le mois d’avril de la même année. Une seconde vague sera lancée au début de 2010, après les assises des territoires ruraux, les décisions devant être arrêtées pendant l’été. Ces délais, de quatre mois pour la première vague et de dix mois pour la seconde, sont, me semble-t-il, de nature à répondre à vos attentes. S’agissant de l’ingénierie publique, les sous-préfets, notamment, se tiendront à la disposition des collectivités territoriales pour les aider à élaborer des projets. Pour l’heure, nous avons prévu, pour la seconde vague, un financement au moins égal à celui de la première vague.
Nous comptons articuler ce dispositif avec l’ensemble des autres instruments de la politique en faveur des territoires ruraux, qui ne se résume pas aux seuls pôles d’excellence rurale, même si ces derniers sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils associent des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble jusque-là.
Afin d’aller plus loin, d’autres actions seront menées. Ainsi, s’agissant du numérique, M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique et moi-même avons lancé aujourd'hui un appel à projets pour utiliser les 30 millions d’euros de crédits européens qui viennent d’être mis à disposition de la France. En outre, j’ai déjà évoqué les grappes d’entreprises et les actions que nous envisageons de mener avec le ministère de la santé pour répondre à un certain nombre de problèmes en matière de permanence des soins et de démographie médicale.
J'ai le sentiment d’avoir été un peu long, ce dont je vous prie de m'excuser, …