Intervention de Jean François-Poncet

Réunion du 12 décembre 2007 à 10h15
Conseil européen du 14 décembre 2007 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet, en remplacement de M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen du 14 décembre prochain s'ouvrira sous d'heureux auspices. En effet, depuis un an, l'Europe a beaucoup progressé. Le traité réformateur aura été signé la veille à Lisbonne et on peut espérer qu'il sera ratifié par l'ensemble des signataires avant la fin de 2008.

La France pourra compter sur le bon vouloir de la Commission européenne, à laquelle le Président de la République a eu la très bonne idée de tendre la main au lieu de s'opposer à elle, comme la France en avait la regrettable habitude.

Les sympathies que le Président de la République s'est acquises auprès des nouvelles démocraties d'Europe de l'Est complèteront utilement la relation, pas toujours facile mais qui doit rester privilégiée, avec l'Allemagne. N'oublions jamais que l'entente entre les deux pays est l'axe central de la construction européenne.

En outre, le projet Galileo, élément essentiel à la présence de l'Europe dans l'espace, semble enfin tiré d'affaire, EADS a été remis sur la bonne voie et l'aire de libre circulation créée par les accords de Schengen s'est élargie ou s'élargira à de nouveaux États membres.

Ces progrès ouvrent un vaste champ aux initiatives de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera en juillet de l'année prochaine.

Cependant, il y a des problèmes, monsieur le secrétaire d'État, qui n'attendront pas jusque-là, en particulier celui du Kosovo, dont le Conseil européen ne pourra pas ne pas débattre. Aucun accord n'a été trouvé avec la Serbie et la Russie, et le gouvernement kosovar ne cache pas qu'il a la ferme intention de proclamer l'indépendance de la province, proclamation qui peut être retardée, mais qui, même si c'est le cas, interviendra au plus tard dans les premiers mois de 2008.

Cela pose un certain nombre de questions, monsieur le secrétaire d'État.

Tout d'abord, la France a-t-elle l'intention de reconnaître l'indépendance du Kosovo ?

Ensuite, sur quelle base juridique reposera l'indispensable présence des soldats de l'OTAN si, comme tout l'indique, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies est paralysé par un veto russe ?

Enfin, les pays européens se diviseront-ils sur cette question ? Je comprends que ce sera le cas. Ceux dont l'unité est menacée par des mouvements irrédentistes, comme l'Espagne, parmi d'autres pays, ne reconnaîtront pas l'indépendance du Kosovo, craignant qu'elle ne fasse figure de précédent. On peut juger ces réactions légitimes. Mais, si l'Europe est incapable de s'unir à propos d'un sujet qui la concerne aussi directement que le Kosovo, comment peut-elle espérer construire une politique étrangère commune ?

Ce sont autant de questions, monsieur le secrétaire d'État, sur lesquelles nous souhaiterions bénéficier de vos lumières.

J'évoquerai maintenant brièvement la préparation de la présidence française de l'Union européenne.

La France exercera la dernière des présidences semestrielles de l'Union européenne. Pour cette raison, cette présidence aura un caractère stratégique. Notre pays aura la possibilité de peser sur la configuration des institutions nouvelles créées par le traité réformateur - peut-être faudrait-il dorénavant parler du traité de Lisbonne ? - et qui se mettront en place au début de 2008.

Nous verrons alors prendre forme la présidence durable du Conseil européen, et le Haut Représentant pour la politique étrangère et la défense aura un rôle accru. Que pouvez-vous nous dire des intentions de la France concernant ces institutions ?

Par ailleurs, les initiatives que prendra la France orienteront la façon dont l'Union européenne abordera les problèmes auxquels elle se trouvera confrontée après la mise en oeuvre du traité. Or ces problèmes sont précisément de ceux auxquels l'opinion publique s'intéresse le plus directement : je pense bien entendu à l'immigration et à la sécurité, aux perspectives budgétaires de l'Union européenne et à la place que celles-ci réserveront à la politique agricole commune, aux relations entre l'OTAN et l'Union européenne, qu'il est urgent de clarifier, à la politique européenne de l'énergie et à la lutte contre le réchauffement climatique, domaine dans lequel l'Union européenne peut et doit montrer la voie à la communauté internationale.

Monsieur le secrétaire d'État, mettre les vingt-sept États membres d'accord sur de réelles avancées, alors que la durée utile de la présidence française n'excédera pas quatre mois, en raison des vacances d'été, tiendra du tour de force. §

Cela est d'autant plus vrai que les opinions publiques ne nous pardonneraient pas de nous contenter de projets timides, alors que nous devrons, dans le même temps, veiller à ne pas compliquer, par des initiatives trop audacieuses, la tâche des gouvernements britannique et danois, qui seront occupés à faire ratifier le traité réformateur par des parlements et des opinions publiques quelque peu rétifs.

Les obstacles à surmonter seront donc à la mesure de nos ambitions, qui sont grandes.

Quant aux questions que les citoyens se posent sur l'avenir à plus long terme de l'intégration européenne, la présidence française n'aura évidemment pas le temps d'en traiter. Toutefois, elles ont été posées avec trop d'insistance, lors du débat ayant précédé le référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, pour que l'on puisse durablement les ignorer.

À cet égard, je suis heureux que le Président de la République ait pris l'initiative de proposer que ces questions soient examinées par ce qui devait être un « comité des sages » mais qui est devenu, semble-t-il, un groupe de réflexion. Je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'État, si les travaux de ce groupe de réflexion, lorsque celui-ci aura publié son rapport, quelque deux années après sa mise en place, permettront vraiment d'ouvrir un débat, que l'opinion attend, sur les frontières de l'Union européenne, dont certains de nos partenaires ne veulent pas entendre parler.

Monsieur le secrétaire d'État, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat vous souhaite énergie et succès dans l'accomplissement de votre haute et difficile mission, qui, si elle réussit, pèsera lourd dans l'histoire de l'intégration européenne.

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