La séance est ouverte à dix heures quinze.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen du 14 décembre 2007.
Avant de donner la parole à M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes, je voudrais me féliciter une nouvelle fois avec vous, mes chers collègues, que l'organisation d'un débat préalable au Conseil européen soit devenue une tradition de notre assemblée.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le souligner M. le président Christian Poncelet, je me félicite de l'occasion qui nous est donnée, comme avant chaque Conseil européen, de débattre des affaires européennes.
La semaine qui s'ouvre est marquée par trois événements européens importants : aujourd'hui, la proclamation de la Charte des droits fondamentaux ; demain, la signature du traité de Lisbonne ; après-demain, la réunion du Conseil européen. Je vais revenir sur ces trois événements.
Je me rends à Strasbourg, dès l'issue de notre débat, pour participer à la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Avec ce texte, l'Union européenne affirme haut et fort ses valeurs en leur donnant pleine force juridique grâce au traité de Lisbonne. Elle disposera ainsi de la déclaration des droits la plus complète et la plus moderne au monde.
Cette Charte garantira notamment la dignité humaine, la protection des données personnelles, des droits en matière de bioéthique, tels que l'interdiction de vendre des parties du corps humain ou l'interdiction de l'eugénisme et du clonage reproductif, mais également de nombreux droits sociaux, notamment l'accès aux services d'intérêt économique général ou la protection contre les licenciements injustifiés.
Nous avons déjà longuement parlé du traité de Lisbonne. Il adapte les institutions de façon efficace dans le cadre d'une Union européenne qui compte désormais 27 membres.
Ce traité sera ratifié par voie parlementaire, car il ne comporte pas de dispositions d'ordre constitutionnel, mais adapte les traités existants. Il représente une étape importante dans l'histoire de l'Union européenne, qui, sans ce traité, serait encore uniquement centrée sur le développement du marché intérieur. C'était le principal risque lié à la panne institutionnelle que nous avons connue.
Ce traité est un moyen et non une fin en soi : il nous donne les instruments pour développer de nouvelles ambitions et traiter les défis de l'avenir, comme la gestion des migrations, la sécurité énergétique, le développement durable, la recherche, l'espace et le renforcement des capacités européennes de défense, autant d'éléments nouveaux qui pourront connaître des avancées significatives. Il permet également de développer des coopérations renforcées dans le domaine de la défense ou de la politique extérieure, notamment pour nos relations avec nos voisins méditerranéens. Grâce à ce traité, nous pouvons unifier la Méditerranée tout en veillant à la solidarité européenne. Je le répète devant vous, toutes les bonnes volontés seront nécessaires pour relever ce défi.
Cinquante ans après la signature du traité de Rome, l'espérance européenne est donc de nouveau présente. Cet instrument efficace permettra d'organiser une Union européenne de 500 millions d'habitants. Comme vous le savez, nous souhaitons que la France figure parmi les premiers États à procéder à la ratification de ce traité, qui devrait pouvoir intervenir au début de l'année 2008, si vous le décidez. Le Conseil européen devrait donner mandat à la présidence slovène et à la présidence française pour préparer l'entrée en vigueur du nouveau traité.
Le Conseil européen du 14 décembre comportera trois volets essentiels que je vous présenterai brièvement, avant de répondre à vos questions.
Le premier volet portera sur les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Ce Conseil européen fournira d'abord l'occasion de remettre en perspective les avancées récentes, qui ne sont pas minces. Un certain nombre de projets concrets ont progressé ces dernières semaines : je pense à Galileo et aux initiatives technologiques conjointes. Mandat sera également donné à la présidence de préparer le Conseil européen de mars prochain, consacré à la « stratégie de Lisbonne », qui devrait adopter des conclusions importantes, notamment en ce qui concerne le développement des PME, avec la mise en place d'un Small Business Act, si vous voulez bien excuser cet anglicisme...
... mais il exprime bien ce que nous voulons réaliser. Le Conseil européen de mars 2008 devra également poursuivre la modernisation du grand marché intérieur, en lien avec les travaux sur les services d'intérêt général auxquels nous sommes tous attachés, et développer des orientations relatives aux politiques d'inclusion active sur le marché du travail, en pleine cohérence avec l'action conduite par le Gouvernement, notamment sur la base des propositions de mon collègue Martin Hirsch.
Enfin, un mandat sera donné à la Commission pour préparer un agenda social, en vue de la présidence française de l'Union européenne, portant sur la mobilité des travailleurs, sur le développement de la santé et de la sécurité au travail, sur l'égalité des chances et la lutte contre toutes les formes de discrimination et sur l'expression de solidarités concrètes, notamment en faveur de la mobilité des jeunes dans le cadre du programme Erasmus.
Une déclaration sur la mondialisation sera annexée aux conclusions du Conseil : elle fera droit à un certain nombre de nos priorités et de nos revendications, notamment une meilleure maîtrise de la mondialisation grâce à l'affirmation du multilatéralisme et des intérêts de l'Europe, la nécessité de fonder les relations économiques sur des bénéfices réciproques, l'attention portée à la stabilité financière internationale et le renforcement de l'aide au développement, qui sera accrue pour atteindre les objectifs dits du Millénaire.
Le deuxième volet du Conseil européen du 14 décembre concerne les politiques de sécurité et de justice. À cet égard, je voudrais signaler un élément important à l'attention de votre Haute Assemblée : l'élargissement de la zone Schengen à neuf nouveaux États membres interviendra le 21 décembre 2007. La zone Schengen comptera ainsi 23 membres, et sans doute bientôt 25, grâce aux accords qui seront signés avec la Suisse et le Liechtenstein en 2008. Elle devient une zone de liberté de circulation de 3, 6 millions de kilomètres carrés, la plus vaste au monde, tout en étant sécurisée grâce aux mesures de coopération policière et au système d'information de Schengen, basé à Strasbourg.
Ce Conseil européen traitera également du renforcement des capacités européennes en matière de protection civile et de l'établissement de nouveaux principes dans la gestion équilibrée des migrations, en développant les accords entre les États membres de destination et les États membres d'origine. Une conférence euro-africaine sur les migrations devrait être organisée pendant la présidence française.
Le troisième et dernier volet du Conseil européen aura trait aux relations extérieures. Je répondrai bien sûr à vos questions sur ces sujets délicats. Je souhaiterai simplement m'attarder sur les Balkans, et rappeler que tous les pays de cette région se sont vu offrir une perspective européenne et que leur avenir est dans l'Union européenne.
En ce qui concerne le Kosovo, nous regrettons que les négociations n'aient pas permis d'aboutir à un accord entre Serbes et Albanais kosovars. Il faudra juger l'unité de l'Union européenne sur sa compétence et sa capacité à consolider la stabilité régionale. C'est sur ce sujet que l'Union devra se montrer unanime !
Le Conseil européen devra également encourager la Serbie à progresser dans son rapprochement avec l'Union européenne, ce qui suppose, de sa part, une coopération pleine et entière avec le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. La signature d'un accord de stabilisation et d'association avec ce pays, qui a aussi vocation à devenir candidat à l'adhésion, devra intervenir le plus rapidement possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'Europe est de nouveau en marche. La sortie rapide du blocage institutionnel est à mettre au crédit des présidences allemande et portugaise qui ont joué un rôle fondamental. L'implication du Président de la République a également joué un rôle important, elle s'est manifestée par une coopération franco-allemande déterminante, je vous l'ai déjà dit. Depuis six mois, la relance de l'Europe institutionnelle est intervenue avec la mise au point du traité et plusieurs dossiers industriels et stratégiques majeurs ont été débloqués, je pense à EADS et à Galileo.
Il convient également de souligner que ce Conseil européen sera déterminant pour l'avenir de l'Union européenne. En effet, le groupe de réflexion restreint que nous avons souhaité réunir devrait être mis en place pour présenter des propositions aux chefs d'État sur notre projet européen à l'échéance 2020-2030, sur une meilleure définition des valeurs européennes et sur l'approfondissement des relations de l'Union européenne avec ses citoyens, mais aussi ses voisins et ses partenaires. Bref, il lui appartiendra d'indiquer quel acteur global sera l'Europe du xxie siècle.
Sur tous les dossiers clés de l'agenda communautaire, la France se prépare à jouer un rôle moteur, durant sa présidence, pour nourrir cette dynamique nouvelle.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen du 14 décembre prochain s'ouvrira sous d'heureux auspices. En effet, depuis un an, l'Europe a beaucoup progressé. Le traité réformateur aura été signé la veille à Lisbonne et on peut espérer qu'il sera ratifié par l'ensemble des signataires avant la fin de 2008.
La France pourra compter sur le bon vouloir de la Commission européenne, à laquelle le Président de la République a eu la très bonne idée de tendre la main au lieu de s'opposer à elle, comme la France en avait la regrettable habitude.
Les sympathies que le Président de la République s'est acquises auprès des nouvelles démocraties d'Europe de l'Est complèteront utilement la relation, pas toujours facile mais qui doit rester privilégiée, avec l'Allemagne. N'oublions jamais que l'entente entre les deux pays est l'axe central de la construction européenne.
En outre, le projet Galileo, élément essentiel à la présence de l'Europe dans l'espace, semble enfin tiré d'affaire, EADS a été remis sur la bonne voie et l'aire de libre circulation créée par les accords de Schengen s'est élargie ou s'élargira à de nouveaux États membres.
Ces progrès ouvrent un vaste champ aux initiatives de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera en juillet de l'année prochaine.
Cependant, il y a des problèmes, monsieur le secrétaire d'État, qui n'attendront pas jusque-là, en particulier celui du Kosovo, dont le Conseil européen ne pourra pas ne pas débattre. Aucun accord n'a été trouvé avec la Serbie et la Russie, et le gouvernement kosovar ne cache pas qu'il a la ferme intention de proclamer l'indépendance de la province, proclamation qui peut être retardée, mais qui, même si c'est le cas, interviendra au plus tard dans les premiers mois de 2008.
Cela pose un certain nombre de questions, monsieur le secrétaire d'État.
Tout d'abord, la France a-t-elle l'intention de reconnaître l'indépendance du Kosovo ?
Ensuite, sur quelle base juridique reposera l'indispensable présence des soldats de l'OTAN si, comme tout l'indique, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies est paralysé par un veto russe ?
Enfin, les pays européens se diviseront-ils sur cette question ? Je comprends que ce sera le cas. Ceux dont l'unité est menacée par des mouvements irrédentistes, comme l'Espagne, parmi d'autres pays, ne reconnaîtront pas l'indépendance du Kosovo, craignant qu'elle ne fasse figure de précédent. On peut juger ces réactions légitimes. Mais, si l'Europe est incapable de s'unir à propos d'un sujet qui la concerne aussi directement que le Kosovo, comment peut-elle espérer construire une politique étrangère commune ?
Ce sont autant de questions, monsieur le secrétaire d'État, sur lesquelles nous souhaiterions bénéficier de vos lumières.
J'évoquerai maintenant brièvement la préparation de la présidence française de l'Union européenne.
La France exercera la dernière des présidences semestrielles de l'Union européenne. Pour cette raison, cette présidence aura un caractère stratégique. Notre pays aura la possibilité de peser sur la configuration des institutions nouvelles créées par le traité réformateur - peut-être faudrait-il dorénavant parler du traité de Lisbonne ? - et qui se mettront en place au début de 2008.
Nous verrons alors prendre forme la présidence durable du Conseil européen, et le Haut Représentant pour la politique étrangère et la défense aura un rôle accru. Que pouvez-vous nous dire des intentions de la France concernant ces institutions ?
Par ailleurs, les initiatives que prendra la France orienteront la façon dont l'Union européenne abordera les problèmes auxquels elle se trouvera confrontée après la mise en oeuvre du traité. Or ces problèmes sont précisément de ceux auxquels l'opinion publique s'intéresse le plus directement : je pense bien entendu à l'immigration et à la sécurité, aux perspectives budgétaires de l'Union européenne et à la place que celles-ci réserveront à la politique agricole commune, aux relations entre l'OTAN et l'Union européenne, qu'il est urgent de clarifier, à la politique européenne de l'énergie et à la lutte contre le réchauffement climatique, domaine dans lequel l'Union européenne peut et doit montrer la voie à la communauté internationale.
Monsieur le secrétaire d'État, mettre les vingt-sept États membres d'accord sur de réelles avancées, alors que la durée utile de la présidence française n'excédera pas quatre mois, en raison des vacances d'été, tiendra du tour de force. §
Cela est d'autant plus vrai que les opinions publiques ne nous pardonneraient pas de nous contenter de projets timides, alors que nous devrons, dans le même temps, veiller à ne pas compliquer, par des initiatives trop audacieuses, la tâche des gouvernements britannique et danois, qui seront occupés à faire ratifier le traité réformateur par des parlements et des opinions publiques quelque peu rétifs.
Les obstacles à surmonter seront donc à la mesure de nos ambitions, qui sont grandes.
Quant aux questions que les citoyens se posent sur l'avenir à plus long terme de l'intégration européenne, la présidence française n'aura évidemment pas le temps d'en traiter. Toutefois, elles ont été posées avec trop d'insistance, lors du débat ayant précédé le référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, pour que l'on puisse durablement les ignorer.
À cet égard, je suis heureux que le Président de la République ait pris l'initiative de proposer que ces questions soient examinées par ce qui devait être un « comité des sages » mais qui est devenu, semble-t-il, un groupe de réflexion. Je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'État, si les travaux de ce groupe de réflexion, lorsque celui-ci aura publié son rapport, quelque deux années après sa mise en place, permettront vraiment d'ouvrir un débat, que l'opinion attend, sur les frontières de l'Union européenne, dont certains de nos partenaires ne veulent pas entendre parler.
Monsieur le secrétaire d'État, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat vous souhaite énergie et succès dans l'accomplissement de votre haute et difficile mission, qui, si elle réussit, pèsera lourd dans l'histoire de l'intégration européenne.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen du 14 décembre prochain est important à plus d'un titre, mais il convient surtout de souligner, pour s'en féliciter, qu'il prend acte de l'accord intervenu sur le traité de Lisbonne mettant fin à une période d'incertitude politique gravement préjudiciable à la construction européenne.
L'engagement sans faille du Président de la République, depuis son élection, aux côtés des présidents des autres États membres de l'Union européenne a permis d'aboutir à un texte d'équilibre. Il est important que désormais la France montre l'exemple et que le Parlement ratifie ce nouveau traité dans des délais rapides. L'examen de ce texte aura donc lieu en janvier prochain et le Congrès se réunira le 4 février 2008.
À propos des autres sujets à l'ordre du jour de ce Conseil européen, je souhaite insister sur deux points qui intéressent la commission des affaires économiques : la stratégie de Lisbonne et les questions relatives au changement climatique.
Le Conseil européen doit faire le bilan des travaux préparatoires et lancer le prochain cycle des lignes directrices intégrées de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, qui doivent être approuvées par le Conseil européen du printemps de 2008.
À ce stade, il m'apparaît important de réaffirmer toute l'actualité de ce processus, qui recouvre l'ensemble des objectifs et des moyens dont s'est dotée l'Europe pour devenir, à l'horizon de 2010, « l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde ».
Après des débuts que l'on peut qualifier de décevants, faute d'une gouvernance adaptée et en raison de la multiplicité des objectifs affichés, le recentrage opéré au printemps de 2005 a permis de relancer efficacement le processus, qui demeure un cadre de référence pertinent.
En effet, l'Europe doit relever le défi de la mondialisation, par la pleine mobilisation de ses ressources en travail, par des investissements accrus en matière de recherche et de développement, par des efforts dans le domaine de l'éducation et de la formation et par le développement des petites et moyennes entreprises.
En vue d'atteindre un taux de croissance de 3 %, l'objectif d'un taux d'emploi de 70 % et celui d'une part de 3 % des dépenses de recherche et développement dans le produit intérieur brut ont été confirmés.
Le président Barroso a réaffirmé, à juste titre, la volonté de l'Union européenne de progresser dans sept domaines d'action prioritaires pour répondre au défi de la mondialisation. Je citerai, à titre d'exemples, l'adaptation du marché intérieur au XXIe siècle, la défense des intérêts de l'Europe dans la mondialisation ou encore la promotion de nos normes sur le plan mondial.
Dans ce contexte, je me félicite de la volonté affichée par le Gouvernement d'inscrire notre programme de réformes à l'échelle nationale dans les objectifs de la stratégie de Lisbonne. Cette nouvelle convergence est un signe tangible du « retour de la France en Europe ».
Si la France a pu enregistrer quelques retards, les années passées, en matière tant de performances économiques que de respect du rythme des réformes à engager, je crois que les orientations adoptées ces derniers mois vont permettre de tourner la page.
Il en est ainsi des mesures assouplissant les règles du marché du travail, de la réforme des universités, des efforts en faveur de la recherche au travers de la réforme du crédit d'impôt recherche, ou encore de l'assainissement des finances publiques.
Il est également très positif que le Parlement soit étroitement associé au suivi de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne au plan national. Ainsi, la commission des affaires économiques du Sénat vous a entendu à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, le 22 novembre dernier, et nous sommes destinataires du rapport annuel de suivi du programme national des réformes établi pour 2005-2008, ce qui permet de rester mobilisés autour des objectifs à atteindre et des moyens d'y parvenir.
Pour l'avenir, je souhaite qu'un dialogue fructueux s'établisse avec le Gouvernement en 2008 s'agissant de l'actualisation des lignes directrices de la stratégie pour la période 2008-2011.
La Commission européenne a confirmé les quatre axes stratégiques suivant lesquels l'Union européenne doit progresser : la recherche et l'innovation, l'éducation et la formation, l'environnement des entreprises et, enfin, le changement climatique.
C'est sur ce dernier thème que je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, dire quelques mots, compte tenu de son actualité à l'échelle mondiale.
En effet, la conférence annuelle de l'ONU sur le changement climatique qui se déroule en ce moment même à Bali est l'occasion, tout à la fois, de faire le bilan de l'application du protocole de Kyoto, signé voilà tout juste dix ans, et surtout de définir le cadre des négociations pour l'après 2012.
Selon les uns, le bilan est très insuffisant, alors même que l'objectif fixé était limité. L'engagement portait, pour les pays signataires, sur la réduction du volume des rejets de gaz carbonique à hauteur de 5, 2 % d'ici à 2012, par rapport au niveau de 1990. Or la baisse enregistrée pour l'Union européenne est très largement due aux difficultés économiques des anciens pays de l'Est. Surtout, les deux principaux émetteurs de gaz carbonique, les États-Unis et la Chine, n'ont souscrit aucun engagement de réduction. On peut également s'inquiéter du fait que l'aviation internationale, dont les émissions ont crû de 83 % entre 1990 et 2005, ne soit pas concernée par le protocole de Kyoto.
Mais, au-delà de ces chiffres, je souhaite souligner la dynamique vertueuse enclenchée par le protocole de Kyoto et le consensus qui se dégage, à l'échelon mondial, sur les enjeux du changement climatique.
Le climat est désormais reconnu comme un bien public global, dont la gestion doit être assurée au niveau planétaire. Le rapport de sir Nicholas Stern, l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale, rendu public en octobre 2006, souligne les effets désastreux que l'inaction aurait sur l'activité économique et sociale, en faisant valoir que les pays les plus pauvres risquent d'être les premiers et les plus durement touchés. Le laisser-faire pourrait coûter jusqu'à 5 % du PIB mondial chaque année, alors qu'agir pour réduire les gaz à effet de serre suppose une dépense annuelle limitée à 1 % environ du PIB mondial.
Comme l'indique le rapport Stern, il ne s'agit plus d'avoir à choisir entre éviter le changement climatique et promouvoir la croissance et le développement. Bien au contraire, il faut encourager les mutations de nos systèmes économiques, à travers la promotion de nouvelles technologies sobres en carbone, afin de pérenniser les perspectives de croissance tant des pays riches que des pays pauvres.
Le dernier rapport publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat confirme cette analyse en indiquant que l'on peut agir contre le réchauffement climatique avec des moyens relativement peu coûteux qui favoriseraient la croissance.
L'Union européenne s'affiche en position de leader pour entraîner le reste du monde sur le chemin d'une croissance vertueuse. La France s'inscrit dans cette dynamique, comme l'a affirmé le Président de la République lors de la conclusion du « Grenelle de l'environnement ». Rappelons que, pour la période après 2012, les vingt-sept États membres ont décidé de se fixer un objectif de réduction de 20 % de leurs émissions, objectif qu'ils proposent de porter à 30 % si un accord international est trouvé sur cette période.
Je mesure, à sa juste valeur, toute la difficulté qu'il y a à conduire une négociation globale, alors même que vingt pays concentrent 80 % des émissions et que les impacts négatifs de ces émissions vont frapper principalement les pays pauvres.
Il est donc impératif de progresser sur plusieurs thèmes et principalement sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, les transferts de technologies et l'aide aux pays pauvres pour s'adapter au changement climatique.
Quant aux moyens à mettre en oeuvre dans le cadre d'un accord international, il convient d'en proposer plusieurs, à employer de manière pragmatique.
Il en est ainsi du mécanisme, défendu par la France, d'ajustement aux frontières taxant le contenu en C02 des importations provenant de pays hors protocole de Kyoto, ou encore de la mise en place d'un système international d'échange des droits d'émission de carbone. Il faut aussi innover pour lutter contre la déforestation, responsable de 20 % des émissions de carbone, - pourquoi pas ? - par un mécanisme de compensation pour dédommager les pays qui préserveraient leurs forêts. Enfin, une piste de réflexion à privilégier porte sur la conclusion d'accords sectoriels - sur le ciment, l'aluminium, ou encore l'acier - dans lesquels les pays émergents pourraient accepter de s'engager à limiter leurs émissions.
Les enjeux, au niveau mondial, de la lutte contre le changement climatique, me conduisent tout naturellement à plaider une nouvelle fois encore pour le nécessaire renforcement de la gouvernance mondiale en matière d'environnement.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques soutient sans réserve la position de la France et de l'Union européenne sur la création de l'Organisation des Nations unies pour l'environnement.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les deux aspects les plus marquants de la réunion du Conseil européen seront, sans nul doute, la signature du traité de Lisbonne et la position prise sur le Kosovo.
Il n'est d'ailleurs pas difficile d'établir un lien entre ces deux aspects.
Lorsque la guerre a éclaté dans l'ex-Yougoslavie, il y a plus de quinze ans, je me souviens de ce que me disaient la plupart des Alsaciens : « Que fait l'Europe ? Où est l'Europe ? »
De fait, à l'époque, les Européens n'avaient ni une volonté commune, ni une analyse partagée, ni les moyens de décision et d'action qui auraient été nécessaires. Et, malgré la présence européenne sur le terrain, c'est de l'extérieur de l'Europe qu'est venue en grande partie la solution. Ce ne serait sans doute plus vrai aujourd'hui. Les États-Unis ont d'autres centres d'intérêt et de préoccupation.
Les choses ont changé. La crise irakienne a certes montré que, devant un choix décisif, l'Europe pouvait se diviser profondément. Malheureusement, comme on le dit en Alsace, « l'arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse ». Il n'en reste pas moins que la construction européenne, en matière d'action extérieure et de défense, a considérablement progressé depuis quinze ans.
Cette évolution a été rythmée par les traités successifs : le traité de Maastricht a mis en place la politique étrangère commune ; le traité d'Amsterdam a renforcé le rôle du Conseil européen et institué le haut représentant ; le traité de Nice a institutionnalisé le comité politique et de sécurité et transféré à l'Union les structures et moyens de l'Union de l'Europe occidentale.
Sur ces bases, la politique européenne de sécurité et de défense n'a cessé de se développer au cours des dernières années : elle est aujourd'hui une réalité concrète, puisque l'Union s'est montrée capable de conduire des opérations sur différents théâtres. Le traité de Lisbonne va considérablement renforcer les instruments d'action de l'Europe en matière de politique étrangère et de défense.
Si j'ai rappelé cette évolution, c'est parce que, face à la question du Kosovo, l'Union européenne devra assumer de lourdes responsabilités. Malgré les progrès accomplis, serons-nous capables d'y faire face ? Nous devons bien mesurer quel est l'enjeu pour la construction européenne. Une question comme celle du Kosovo est l'une de celles pour lesquelles nous avons voulu construire l'Europe. Si nous échouons, si nous nous enlisons, ce sera un échec pour l'idée européenne elle-même.
Cela suppose, tout d'abord, une réelle communauté de vues. À l'approche du Conseil européen, il semble que l'on progresse en ce sens. Mais pourrons-nous maintenir cette communauté de vues dans la durée, en acceptant toutes les conséquences du choix initial ?
Nous le voyons bien, nous nous acheminons à brève échéance vers une forme d'indépendance du Kosovo. Pendant une certaine période, ce ne sera sans doute pas une indépendance pleine et entière - nous manquons d'un Edgar Faure pour trouver le mot qui conviendrait -, mais les frontières de la Serbie auront de facto été modifiées.
Nous serons dans un cas de figure inédit. Certes, la carte de l'Europe d'aujourd'hui n'est plus celle qui résultait de la Seconde Guerre mondiale. L'Allemagne a retrouvé son unité, tandis que plusieurs ensembles fédéraux ont éclaté. Mais l'unité allemande s'est faite sans changement des frontières, et lorsque des fédérations ont éclaté, les frontières des entités fédérées ont toujours été respectées.
Bien sûr, nous affirmons haut et fort que le cas du Kosovo ne pourra en aucun cas servir de précédent. Mais il nous faudra beaucoup de force de conviction pour le faire admettre.
Paradoxalement, le type d'indépendance dont va bénéficier le Kosovo ne nous facilitera pas la tâche sur ce point. Il y a plus d'un territoire en Europe qui aspire, plus ou moins clairement, à une quasi-indépendance plus encore qu'à une indépendance pleine et entière. Prenons garde que les vocations à ce type d'indépendance ne viennent à se multiplier.
J'espère que nous saurons décourager cette tentation, car il serait paradoxal que la construction européenne, faite pour unifier, ne conduise finalement à des séparations supplémentaires.
Le risque est d'autant plus grand que nos règles institutionnelles encouragent la balkanisation. Nous avons reconnu la vocation à l'adhésion de tous les États issus de l'ex-Yougoslavie, qui seront finalement sept. Or, ces sept États auront, au sein de l'Union, un poids sans commune mesure avec celui qu'aurait eu une Yougoslavie unie. Ainsi, une Yougoslavie unie aurait eu 37 ou 38 sièges au Parlement européen ; les sept États successeurs en auront au total plus du double, plus par exemple que la France ou le Royaume-Uni. Et que ce soit au Conseil européen, à la Commission, à la Cour de justice, ces mêmes États pèseront sept fois plus que n'aurait pesé une Yougoslavie unie. À l'encontre du proverbe, la division fait la force !
Il est vrai qu'il s'agit là de problèmes pour le long terme. Mais, à court terme, des difficultés redoutables risquent d'apparaître. Comment les Serbes du Kosovo réagiront-ils à une proclamation d'indépendance ? Serons-nous en mesure d'assurer leur sécurité, de les dissuader de choisir l'exode ? Que se passera-t-il dans la zone Nord, de peuplement serbe et contiguë à la Serbie ? Quelles seront les répercussions sur les fragiles équilibres de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine ?
À cela s'ajoute que, au Kosovo, tout reste à faire. Ce n'est pas parce qu'un nouvel État apparaît qu'il s'agit d'un État viable. Et l'on risque de rendre l'Europe responsable d'un échec. Je suis allé au Kosovo à plusieurs reprises, je sais donc de quoi je parle.
Il est vrai que le traité de Lisbonne, comme je l'ai déjà indiqué, apporte de nouveaux instruments.
Avec la présidence stable du Conseil européen, l'institution d'un Haut représentant de l'Union, la mise en place d'un service européen pour l'action extérieure et l'attribution de la personnalité juridique, l'Union européenne aura désormais les moyens d'une action cohérente, jouant sur l'ensemble des leviers de l'action extérieure.
Cependant, il faudra du temps pour que le nouveau traité entre dans la réalité. Après son entrée en vigueur, prévue au mieux pour le 1er janvier 2009, il y aura nécessairement une période de rodage, car le traité de Lisbonne, sur certains points, laisse à la pratique le soin de trancher.
Comment vont se répartir les responsabilités entre le nouveau président stable du Conseil européen, le président de la Commission, et le Haut représentant ? Comment fonctionnera le nouveau service européen pour l'action extérieure ? Ce n'est pas dans le traité qu'on peut trouver des réponses précises à ces questions. C'est très largement la pratique qui le fera.
L'année prochaine, l'Union devra donc faire face au problème du Kosovo sans disposer de tous les instruments qu'elle a jugé nécessaire de faire figurer dans le nouveau traité. Seule une constante volonté commune pourra provisoirement les remplacer.
En conclusion, je voudrais dire quelques mots du « comité des sages », ou plutôt du « groupe de réflexion à l'horizon 2020-2030 » comme on l'appelle maintenant.
Tel qu'il est envisagé aujourd'hui, son mandat exclut les questions institutionnelles, et c'est bien. Le débat institutionnel a été tranché par le traité de Lisbonne : tâchons de faire vivre ce traité, avant de songer à revoir une fois de plus les règles de fonctionnement de l'Union.
Son mandat exclut également qu'il s'occupe de la révision des politiques communes et du futur cadre financier de l'Union : là encore, c'est justifié, car il s'agit d'un autre exercice.
En revanche, je suis quelque peu déçu que l'on souhaite, apparemment, cantonner ce groupe dans une réflexion sur l'avenir du modèle européen dans des domaines comme l'économie, la protection sociale, le développement durable, la sécurité intérieure. C'est assurément un aspect important de la question, mais il faudrait aller plus loin. C'est le sens même du projet européen qui fait problème depuis la fin de la guerre froide. Et c'est cette incertitude qui désoriente beaucoup nos citoyens. Pourquoi sommes-nous ensemble ? C'est à cette question qu'il faudrait d'abord répondre avant d'aller plus loin.
Il y a quelques semaines, le ministre des affaires étrangères britannique, David Milliband, déclarait que l'Union n'était pas et ne serait jamais une superpuissance. C'est bien là un aspect essentiel du débat : souhaitons-nous être l'un des pôles de puissance du monde globalisé, souhaitons-nous plutôt devenir une Suisse de 500 millions d'habitants, ou souhaitons-nous encore un autre modèle ?
Lorsque, il y a quarante ans ou cinquante ans, on parlait des « États-Unis d'Europe », le propos était clair : il s'agissait de construire une grande puissance à partir des puissances européennes amenuisées. Aujourd'hui, seul M. Verhofstadt ose encore employer ce terme : faut-il en conclure que ce projet est abandonné ?
Or, on ne peut pas dire que cette question n'a rien à voir avec celle des frontières de l'Europe, ou, si l'on préfère, des limites de l'élargissement. Si l'Union a vocation à réunir un jour à peu près tous les États membres du Conseil de l'Europe, sa vocation est donc celle d'une organisation régionale plus que d'un pôle de puissance. Il est même alors difficile d'expliquer pourquoi l'entreprise devrait se borner à la rive nord de la Méditerranée. Mais la philosophie de la construction européenne, est-ce uniquement de construire la plus vaste zone possible de paix et de commerce ? N'est-ce pas aussi d'incarner et de promouvoir une identité spécifique, et d'exercer une influence sur l'évolution du monde ? Sommes-nous, ou non, une civilisation ?
J'espère que le Conseil européen saura ouvrir la voie à la large réflexion qui est nécessaire. Nous n'arriverons à rien en continuant à éviter les sujets qui fâchent. Comme l'a dit le Président de la République lorsqu'il s'est exprimé à Strasbourg, il faut qu'au sein de l'Europe on soit enfin capable de parler de tout.
Monsieur le secrétaire d'État, parlons-en donc, et bon courage !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC -UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les interventions du président de la commission des affaires étrangères, du président de la commission des affaires économiques et du président de la délégation pour l'Union européenne ont bien marqué que nous sommes aujourd'hui entrés dans une période nouvelle pour l'Europe.
Il fallait sortir de l'impasse dans laquelle nous étions et que personne ne pouvait nier. Rendons ici hommage au Président de la République, qui a osé dire, pendant sa campagne, qu'il fallait un traité simplifié pour redonner toutes ses chances à l'Europe.
Mesurons les avancées que le Conseil européen de juin, avec M. Nicolas Sarkozy et Mme Angela Merkel, a permises. Félicitons les Portugais d'avoir été capables de traduire dans les textes les volontés qui avaient été exprimées.
Le traité va être signé ! C'est un élément majeur, qui doit nous redonner l'espérance. L'Europe ne sera plus bloquée. Elle pourra désormais aborder les problèmes dans leur réalité, même s'ils sont parfois angoissants.
En ce qui concerne ce nouveau traité - le rapport de M. Hubert Haenel est très intéressant à ce sujet -, je soulignerai l'évolution des objectifs de l'Union, qui répond aux attentes des Françaises et des Français.
Certes, le traité prévoit des modifications de gouvernance, mais aussi un élargissement des objectifs de l'Union en matière d'économie sociale de marché, de lutte contre l'exclusion et la discrimination, de justice sociale, de solidarité entre les générations, de protection des droits de l'enfant, de cohésion territoriale, ce qui s'apparente, si je puis dire, à une révolution culturelle !
En tant que président du Comité des régions d'Europe, j'avais organisé une conférence régionale à Amsterdam avant le vote du traité. Je n'avais pas réussi à faire passer l'idée d'un nécessaire aménagement du territoire, qui n'était peut-être pas encore très bien perçue par tout le monde.
Aujourd'hui, la cohésion territoriale est affichée comme un objectif au même titre que la cohésion économique et sociale, et nécessite des équilibres dans le développement des régions en Europe. Il faut affirmer que c'est une chance et même une force pour l'Europe d'avoir des territoires qui, tous, ont vocation à aller de l'avant et à vivre.
La liste des objectifs de l'Union européenne comprend notamment la promotion du progrès scientifique et technique, pour laquelle nous avions déjà pris des engagements, le respect de la diversité culturelle et linguistique, la sauvegarde et le développement du patrimoine culturel.
Ces objectifs seront peut-être des réponses à ceux qui étaient opposés à la constitution européenne et qui n'avaient pas mesuré que de telles avancées étaient possibles. Cela sera fait demain lorsque le traité sera signé. On ne peut que s'en féliciter et s'en réjouir.
Avec ce traité, l'Europe se donne les moyens non pas de régler toutes les difficultés, mais au moins de les aborder avec l'espoir d'apporter des solutions.
MM. Hubert Haenel et Jean François-Poncet ont évoqué la question, qui nous interpelle tous, du Kosovo et des Balkans. Il s'agit incontestablement de l'un des problèmes majeurs d'équilibre sur le continent européen.
Aujourd'hui, parce que nous avons tourné une page grâce à ce traité, je ne dis pas que nous pourrons régler le problème du Kosovo, mais nous pourrons l'examiner en ayant plus de chances d'être efficaces. On s'aperçoit ainsi - je le dis à l'intention de ceux qui l'avaient peut-être oublié - que l'Union européenne est une exigence pour assurer la stabilité et la paix. Sans une intervention européenne forte, personne ne peut écarter l'hypothèse d'un drame, avec toutes les conséquences qu'il pourrait entraîner. L'Union européenne s'est donc donné les moyens de mieux répondre aux attentes des uns et des autres.
J'évoquerai maintenant la politique de voisinage, qui est reprise dans le traité, et dont on ne parle pas beaucoup, en tout cas pas assez. Or cette démarche importante, qui permet à l'Europe d'aller vers les pays voisins, implique qu'il y ait des frontières. Or l'Europe s'est interdit jusqu'à présent d'en fixer. À cet égard, M. Barroso a indiqué à Lisbonne, lors de la réunion des commissions des affaires étrangères des parlements de l'Europe, que chaque génération définissait des frontières et qu'il ne fallait donc pas anticiper sur ce que feraient les générations futures, sous réserve - et M. Haenel l'a rappelé - que soit bien définie la finalité de l'Union européenne. Les réponses ne sont pas toutes identiques, car l'Europe se cherche.
Un comité restreint, le comité des sages, sera chargé de définir un projet global européen et, libéré des aléas et des contraintes immédiates, de donner un grand dessein européen, qui doit être reformaté et perceptible par les uns et par les autres.
Le rôle de ce comité sera-t-il bien de définir la grande espérance européenne ? Dans une société qui se cherche, où il est difficile d'avoir des repères notamment spirituels, qui a besoin de retrouver une éthique et un environnement naturel répondant à l'attente des hommes, comme en témoignent les démarches visant à lutter contre les effets du réchauffement climatique ou à favoriser le développement durable, les femmes et les hommes sont en quête. Le comité restreint pourra-t-il leur apporter une réponse ?
Enfin, comment le Conseil européen abordera-t-il la question du projet de l'Union méditerranéenne ? Il n'y a pas d'opposition entre l'Union méditerranéenne et le processus de Barcelone, entre la mise en oeuvre de la politique de voisinage et la volonté de créer une nouvelle capacité d'action et de partenariat entre l'ensemble des pays de la Méditerranée. À mes yeux, l'Union européenne et l'Union méditerranéenne sont complémentaires. L'Union méditerranéenne est un plus par rapport à Barcelone et à la politique de voisinage.
Le projet d'Union méditerranéenne répond en tous les cas à une ambition très forte, que le Président de la République a eu l'intelligence, le courage et la volonté de porter. Nous partageons cette ambition, qui, je l'espère, mobilisera les énergies, tant au nord qu'au sud de la Méditerranée.
Nous vivons un moment formidable. Certes, il y a des interrogations, mais, grâce à votre action, monsieur le secrétaire d'État, et à celle du Président de la République, l'Europe est sortie de l'impasse et peut répondre à nos espérances.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la veille de la signature par les chefs d'État et de gouvernement du traité modificatif, force est de constater que la stratégie censée relancer la construction européenne consiste à contourner les problèmes en déclarant les avoir résolus !
Quels enseignements les dirigeants européens ont-ils tirés du rejet du traité constitutionnel par les Français et les Néerlandais en 2005, monsieur le secrétaire d'État ? Ils ont tous simplement essayé de faire passer ce « non » pour un incident de parcours, de le nier, de l'effacer, comme si de rien n'était. Surtout, les dirigeants européens ont décidé une reprise en main loin des peuples, ce qui s'est traduit très clairement dans la méthode choisie pour élaborer le traité de Lisbonne.
Tout est allé très vite, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne : « Il s'agit sans doute de la Conférence intergouvernementale la plus courte de l'histoire de la construction européenne. Les délais d'élaboration du traité ont été particulièrement rapides entre mai 2007 et mi-octobre ».
En effet, après l'échec de la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe, la relance de l'Union européenne a été décidée en contournant les peuples. Les États membres ont tout orchestré sans consulter ni informer les citoyens européens.
Pour la première fois dans l'histoire des révisions des traités, la Conférence intergouvernementale a été chargée non pas d'élaborer les modifications du nouveau traité, mais simplement de « retranscrire » les principes et règles arrêtés par les chefs d'État et de gouvernement réunis lors du Conseil européen de Bruxelles les 21 et 22 juin 2007.
Autrement dit, monsieur le secrétaire d'État, après l'échec de la constitution européenne, les dirigeants européens ont décidé d'abandonner l'expérience qui avait été mise en place pour l'élaboration du traité constitutionnel européen. Je rappelle qu'une Convention sur l'avenir de l'Europe avait élaboré le projet de constitution européenne. L'originalité de la méthode conventionnelle résidait dans sa mixité organique : des membres des parlements nationaux et européens côtoyaient les représentants des exécutifs nationaux et de la Commission européenne.
Les dirigeants européens ont pourtant opté pour le retour à la méthode intergouvernementale, totalement opaque, caractérisée par des négociations à huis clos, sans représentation des institutions démocratiques que sont les parlements.
Sans surprise donc, la Conférence intergouvernementale et le sommet de Lisbonne ont donné lieu à des marchandages interétatiques, qui se sont faits au détriment de la défense de l'intérêt général européen. Les tractations pour obtenir un siège supplémentaire au Parlement européen, un poste d'avocat général à la Cour de justice des Communautés européennes ou encore pour se voir accorder quelques dérogations témoignent, monsieur le secrétaire d'État, que la définition d'une grande ambition pour l'Union européenne n'est pas encore à l'ordre du jour.
Nous regrettons le renoncement des dirigeants européens à la transparence et à la simplification. Nous pouvons également mesurer les limites de leur unité pour relever les défis de la mondialisation.
Au-delà de la méthode choisie pour l'élaboration du traité, son contenu, sur lequel les chefs d'État et de gouvernement se sont mis d'accord lors du Conseil européen informel de Lisbonne des 18 et 19 octobre 2007, ne répond pas aux attentes que notre peuple a majoritairement exprimées.
Comme son nom l'indique, le traité modificatif amende les traités existants, c'est-à-dire le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.
Pendant la campagne pour l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait annoncé qu'il ferait ratifier par voie parlementaire un « mini-traité » ou un « traité simplifié » prenant en considération les attentes des Français ayant rejeté le traité constitutionnel européen.
En fait de prétendue « simplification », le texte amoncelle les amendements apportés aux traités en vigueur avec des modifications d'articles renvoyant elles-mêmes à d'autres articles. Le nouveau traité est tout simplement illisible pour les non-spécialistes. L'ambition initiale de simplification a donc été écartée. L'illisibilité du traité rend ainsi impossible tout débat citoyen. Je ne sais pas si c'était l'objectif recherché, mais si tel est le cas, c'est un franc succès, monsieur le secrétaire d'État !
Plus précisément, comme tous les observateurs peuvent le constater, le traité de Lisbonne reprend en règle générale le contenu du traité constitutionnel. Ainsi, au lendemain du Conseil européen de juin, le principal auteur du traité constitutionnel, Valéry Giscard d'Estaing, reconnaissait que ce texte était, en fait, « le retour d'une grande partie de la substance du traité constitutionnel ».
Certes, le terme « constitution » a été abandonné, de même que la référence aux symboles, comme l'hymne ou le drapeau. En revanche, le déficit démocratique et l'orientation libérale de toutes les politiques européennes demeurent intacts.
D'un point de vue institutionnel, rien n'est fait pour combler le déficit démocratique de l'Union.
La Banque centrale européenne restera indépendante du pouvoir politique et continuera d'avoir pour seule mission de rendre crédible la zone euro aux marchés financiers.
Les pouvoirs seront toujours concentrés dans les instances non élues, comme la Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européennes.
S'agissant de l'évolution du rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel communautaire, le traité de Lisbonne, comme le traité établissant une Constitution pour l'Europe, semble, à première vue, apporter une évolution positive, mais si faible.
Ainsi, force est de constater que les prérogatives reconnues aux parlements nationaux sont absolument insuffisantes.
Tout d'abord, rappelons que les résolutions votées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution n'ont aucun caractère contraignant.
Ensuite, concernant l'évolution relative à l'application du principe de subsidiarité, le protocole n° 2 annexé au traité de Lisbonne ne fait pas des parlements nationaux les nouveaux garants de son respect, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire.
En outre, la faculté reconnue aux parlements nationaux de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée n'est qu'un pouvoir d'empêchement relatif et, en aucun cas, un pouvoir de proposition.
Par ailleurs, l'opposition peut seulement intervenir dans le cadre du Parlement national, c'est-à-dire via une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, ce qui donne un droit de veto à ce dernier quand la majorité de l'Assemblée nationale n'est pas de la même couleur politique.
De surcroît, nous contestons que cette procédure ne soit pas soumise au peuple souverain. Selon nous, le recours à ces « clauses passerelles » exigerait une consultation des Françaises et des Français.
Monsieur le secrétaire d'État, le traité de Lisbonne ne change rien non plus au contenu des politiques économiques et sociales européennes. Contrairement aux déclarations de Nicolas Sarkozy, le nouveau traité reconduit la « concurrence libre et non faussée ». En effet, si la mention ne figure plus parmi les objectifs de l'Union, elle est reprise dans un protocole annexé au traité et reste la référence de toutes les politiques. Prétendre avoir fait un geste fort en faisant disparaître cette mention de la concurrence des objectifs de l'Union européenne ne constitue rien de moins qu'une simulation d'acte politique, un simulacre de rupture.
Et, comme le traité constitutionnel européen, le nouveau traité reprend intégralement le carcan du pacte de stabilité et de croissance, en enlevant aux États toute marge de manoeuvre pour conduire des politiques de croissance et d'investissements publics, sans compter que les services publics restent soumis aux règles de la concurrence.
Dans ce cadre, la lutte contre le changement climatique, qui a été évoquée ce matin, ou le renforcement du marché de l'énergie, objectifs pointés par l'Union européenne, ne pourront pas s'accomplir, monsieur le secrétaire d'État.
En effet, laisser la régulation du secteur de l'énergie aux mains des entreprises privées et des impératifs de marché de court terme place de fait les pouvoirs publics en dehors de la recherche d'une réponse aux enjeux de préservation de l'environnement et d'accès de tous à un bien universel.
Pour cette raison, nous demandons régulièrement qu'un bilan soit réalisé sur les conséquences de l'ouverture aux marchés imposée par les politiques menées par l'Union européenne.
Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux, adoptée en 2000, qui faisait partie intégrante du traité constitutionnel européen, a été retirée du corps du texte. Le nouveau traité en fait seulement mention à l'article 6, précisant tout de même que la Charte a « la même valeur juridique que les traités ».
Un protocole annexé au traité prévoit que la Charte n'est pas applicable à la Pologne ou au Royaume-Uni, ce qui est bien regrettable.
En outre, il est rappelé que « les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union ».
De plus, la version de la Charte qui sera retenue est celle qui figure dans l'ex-projet de traité constitutionnel, dont nous savons qu'elle vide certains articles de toute substance.
Voilà comment les droits et libertés inscrits dans la Charte des droits fondamentaux sont restreints ou mis purement et simplement à l'écart.
S'agissant de la politique de sécurité et de défense commune, comment ne pas faire mention de sa subordination directe à l'OTAN ? Ainsi, le deuxième alinéa de l'article 42 du traité dispose que la politique de l'Union européenne « respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord » et qu'elle est « compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». Nous contestons cette allégeance.
Permettez-moi également d'aborder brièvement les opérations extérieures. Au-delà de ce qui a été évoqué pour le Kosovo - je pense notamment au devenir de la KFOR -, nous verrons bien quelles initiatives seront prises pour assurer la sécurité des réfugiés du Darfour au Tchad, sujet qui devrait être abordé demain lors du Conseil européen. Pour ma part, compte tenu des positions des différents pays européens, notamment du Royaume-Uni et de l'Allemagne, j'ai les plus grandes inquiétudes à cet égard.
Par ailleurs, des signes clairs sont donnés pour la course à l'armement. Ainsi, selon le troisième alinéa de l'article 42 du traité, les États membres « s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ». Ce type de dispositions avait alimenté les craintes d'une dérive militariste de l'Union et consolidé le « non ». Nous restons donc sur nos positions, puisque rien n'a changé de ce point de vue.
Ce nouveau traité, dit « simplifié », est présenté comme une étape historique par certains et le Président de la République souhaite obtenir sa ratification par voie parlementaire. Or il est admis que l'essentiel du traité constitutionnel européen rejeté par les Français au mois de mai 2005 est maintenu par le traité de Lisbonne. Dès lors, comment comprendre que le Président de la République décide seul d'une ratification par voie parlementaire ?
Il s'agit là d'un choix inacceptable, qui s'apparente à un déni de démocratie. On ne peut pas ainsi revenir sur le choix des Français sans les consulter. Le déficit démocratique dont souffre l'Union européenne ne sera certainement pas résorbé en contournant le peuple ou par la création d'un « comité de sages » dont le manque de légitimité démocratique traduit, au contraire, l'aggravation du fossé entre les dirigeants européens et les peuples.
Non, monsieur le secrétaire d'État, la page n'est pas tournée et les doutes ne sont pas levés sur cette construction européenne qui s'impose aux peuples ! À vouloir faire sans eux, on finit toujours par faire contre eux. C'est pourquoi nous appelons tous les parlementaires attachés à la démocratie et à une Europe fondée sur l'adhésion des peuples, qu'ils soient pour ou contre ce nouveau traité, à exiger la tenue d'un référendum !
M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chaque époque connaît ses défis.
Dans cette perspective, il nous incombe de tenter de saisir le sens éminent de l'Histoire. Face à la mondialisation des échanges et aux mutations profondes de notre environnement, la France doit désormais considérer l'Europe comme son horizon essentiel.
Dans un contexte de crise, le déblocage institutionnel constitue un préalable indispensable. L'option du traité modificatif porté par la France exprime son volontarisme. Le choix du pragmatisme institutionnel nous semble la solution, dès lors que les conditions d'une renégociation globale pour une nouvelle architecture constitutionnelle ne sont pas, et ne seront vraisemblablement plus jamais, réunies.
En outre, dans l'immédiat, la lourde procédure qu'exigerait la tenue d'une nouvelle convention pour l'avenir de l'Europe n'est plus guère possible, une ratification devant intervenir avant les échéances électorales du mois de juin 2009. La négociation doit désormais s'opérer à vingt-sept. Bon nombre des nouveaux États entrants d'Europe centrale et orientale ne veulent pas de nouvelles normes européennes. Ils sont également réticents au renforcement des politiques sociales de l'Union.
La « Constitution bis » était bien une chimère. Aujourd'hui, une ligne d'opposition à la constitutionnalisation de l'Europe, au-delà le Royaume-Uni, à qui cette tradition juridique est étrangère, comprend la Tchéquie et, dans une moindre mesure, le Danemark et la Suède.
Le choix de la ratification par voie parlementaire avait été clairement énoncé par le Président de la République dans son projet pour la France, puis scellé par l'élection. De plus, cette ratification consacre in concreto la légitimité de la représentation nationale.
Sur le fond, les choix opérés vont dans le bon sens. Le refus de l'option d'un simple abandon de la partie III du traité constitutionnel européen, au profit d'une reprise des dispositifs relatifs à l'amélioration de la codécision et du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, de même que l'agencement général des pouvoirs rendront possibles le fonctionnement à vingt-sept.
Les récents acquis sont préservés, la nature juridique contraignante de la Charte des droits fondamentaux étant entérinée par la création du poste de Haut représentant pour la politique étrangère.
Le maintien formel de deux traités ouvre les possibilités d'un approfondissement à venir des politiques européennes. Il prend en compte les réticences exprimées à l'égard d'une inscription des principes néolibéraux de libre concurrence dans le marbre institutionnel.
La politique d'intégration ne signifie pas l'Europe à tout prix, au risque d'une fracture citoyenne aux effets difficilement mesurables. Sur ce point, le « non » au projet de traité constitutionnel européen au mois de mai 2005 fait figure de piqûre de rappel très douloureuse, mais, espérons-le, salutaire.
En ce sens, le pragmatisme institutionnel ne fait pas une politique. Au-delà d'une pérennisation de l'Union européenne, le groupe du RDSE souhaite défendre les conditions d'un approfondissement du processus d'intégration.
La présidence française de l'Union doit être l'occasion de poser les termes de la réforme à venir de la politique agricole commune, la PAC, en 2009, des enjeux énergétiques et du développement durable et de l'innovation. J'y reviendrai. Un renforcement des politiques concertées est indispensable.
Deux impératifs doivent guider ces réformes : ne pas contraindre et ne pas bloquer. Les citoyens ne souhaitent pas que la supranationalité induise une perte de souveraineté, ce qui peut paraître paradoxal. Dès lors, il faut faire preuve d'habileté afin de pouvoir agencer une Europe à la carte. Une « intégration multi-niveaux » permet cette possibilité.
Une telle option est depuis longtemps choisie par certains experts. Le traité modificatif, qui maintient déjà l'existence de deux traités européens, rend possible l'édification d'un protocole social additionnel. Il permet à certains États membres de l'Union d'y échapper ou à un ensemble plus ambitieux d'« États fer de lance », inspiré de la zone euro et porteur d'une solidarité renforcée en matière de fonds de cohésion, de gouvernance économique et financière, de politique environnementale et d'innovation, de s'organiser.
Permettez-moi d'en mentionner une illustration concrète. M. Pierre Laffitte, par ailleurs président du groupe du RDSE, présidera un groupe d'experts chargé de proposer à la Commission européenne et aux États membres un mémorandum sur l'innovation fondé sur la coopération des pôles de compétitivité et des clusters européens. Ce mémorandum devrait être signé par les vingt-sept membres lors de la présidence française, à Sophia-Antipolis, les 13 et 14 novembre 2008. L'innovation constitue une des grandes priorités du programme de Lisbonne.
Mais l'intégration ne saurait se passer d'une légitimation populaire accrue des politiques engagées. Les récentes enquêtes sur les valeurs propres aux Européens, au-delà des spécificités nationales, démontrent que jamais les citoyens d'Europe n'ont été aussi proches et transnationaux dans leur rapport au politique et à l'action civique, leur exigence des droits de l'homme ou leurs principes moraux.
Le philosophe allemand Jürgen Habermas a même fait des manifestations européennes contre la guerre en Irak de 2003 la marque de l'édification d'une véritable opinion publique européenne. Cette identité européenne doit trouver sa traduction dans le renforcement du lien entre le citoyen et ses institutions. Voilà le nouveau défi politique de ce début du xxie siècle.
La légitimation de l'Union passe par une réaffirmation des liens entre les niveaux local et national, d'une part, et supranational, d'autre part. Le « mécanisme d'alerte précoce » des parlements nationaux, souvent évoqué par le Président de la République, ainsi que le renforcement de l'information en direction des parlements, entériné dans le traité modificatif, vont en ce sens.
Ce débat, voulu par le Gouvernement, s'inscrit dans cette démarche. Il faudra sans doute aller plus loin ; le rôle et la prise en compte des collectivités locales dans le cadre de la politique des fonds européens, mais pas uniquement - je pense à la réforme de la PAC -, doivent être renforcés. Toutefois, ce déficit de légitimité de l'Union ne pourra être comblé sans un renforcement du lien direct avec les citoyens.
Le groupe du RDSE soutient la proposition formulée en faveur d'un droit d'initiative citoyenne. Même si le choix d'abandonner les formules régaliennes de « lois » et de « règlements » pour le niveau européen se comprend, il n'en reste pas moins que l'architecture institutionnelle ne pourra se passer d'une simplification sémantique.
Comment un citoyen peut-il ne pas se perdre dans la double existence d'un « Conseil » des chefs d'État et de gouvernement, mais aussi de « Conseils » de gouvernement ?
Cette revitalisation de l'idée européenne devra passer par une meilleure communication, à laquelle la représentation nationale doit participer, afin de souligner les apports de l'Union et non pas tant ses contraintes.
L'un des pères du concept juridique contemporain d'« institution » indiquait, au milieu des années vingt, que l'existence d'organes ne suffisait pas à l'établir, mais qu'aux côtés d'une « idée d'oeuvre à accomplir » devait se réaliser une « manifestation de communion » en faveur de l'institution : les pères de l'Europe ont construit l'Europe pacifique comme une idée d'oeuvre. Il nous reste désormais à réenchanter le politique en faisant naître à nouveau une manifestation de communion citoyenne pour l'Europe.
Après avoir été portée par un véritable élan populaire, l'Europe fut trop longtemps ressentie comme réservée aux technocrates, puis seuls les technocrates la comprirent, enfin ils en firent leur domaine réservé.
Il est indispensable que nous comprenions le rejet du référendum de mai 2005 pour appréhender l'hostilité populaire à ce qui reste pour beaucoup un projet exaltant. Nous devons absolument retrouver l'élan originel, retrouver l'enthousiasme provoqué par un projet de paix dans une Europe dévastée, retrouver la conviction que l'Union détient une part du futur du monde. Alors les peuples qui la constituent lui redonneront leur confiance !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Charles Josselin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les parlements nationaux vont voir leur responsabilité européenne consacrée et amplifiée. Il était bon que nous ayons pris l'habitude de débattre à la veille des conseils européens ; par la suite, il faudra sans doute le faire « l'avant-veille » plutôt que la veille, en temps utile, donc, pour que nos suggestions ou nos observations puissent être complètement valorisées. Mais la veille, c'est déjà assez bien, car nous savons, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous écoutez.
Le Conseil de cette semaine - je l'espère et je le crois - devrait rester comme celui du traité, qui pourra donc se nommer « de Lisbonne », plutôt que « réformateur », ou « modificatif », ou « simplifié » parce qu'il ne l'est plus vraiment, ou « mini » parce que c'était un peu désobligeant pour l'Europe. Alors, souhaitons au traité de Lisbonne une destinée aussi féconde que celle qu'a connue le traité de Rome. Pour que l'Union à vingt-sept puisse exister en « portant du fruit », il fallait qu'elle dispose d'institutions lui offrant une réelle capacité de décider. Avec ce traité, ce sera le cas.
Ce sera le cas si le Conseil se passe bien. Nous avons longtemps craint, vous aussi sans doute, monsieur le secrétaire d'État, que le débat ô combien sensible sur le devenir du Kosovo ne vienne le bouleverser. Ce ne devrait finalement pas être le cas. Nous souhaitons donc, d'abord bien sûr pour les Balkans, mais aussi pour le Conseil, que celui-ci puisse se déterminer clairement sur la relève de la mission des Nations unies au Kosovo : une manière de « reprendre la main » dans une région qui aura vocation à s'intégrer un jour dans l'Union. Le succès de cette mission qu'assumera l'Union implique que celle-ci affiche dès cette semaine une unité sans faille au service de la paix dans la région.
Pour que le traité de Lisbonne porte du bon fruit, il sera également important qu'il soit ratifié rapidement, dans la clarté et par les Vingt-Sept.
À cet égard, nous pouvons voir un signe encourageant dans les récentes déclarations du premier ministre danois, M. Rasmussen, reconduit dans ses fonctions. Parlant de l'euro et de Schengen, il vient de marquer une volonté assez nouvelle de voir son pays jouer désormais sans réserves le jeu européen. Puisse cet exemple être entraînant et marquer la fin des dérogations et autres optings out, de ces sortes de « coopérations renforcées » à l'envers, pour ne pas faire ! On ne construit pas l'Europe pour s'en dispenser immédiatement ou pour choisir soi-même son menu à la carte.
Je ne citerai pas ici les pays dans lesquels la ratification peut poser problème. La France n'est sans doute pas la mieux placée pour les montrer du doigt. Il vaut sans doute mieux leur tendre la main avec compréhension... Je sais que c'est ce que vous faites, monsieur le secrétaire d'État, patiemment, inlassablement, de pays en pays. La ratification doit unir et non diviser. Je ferai amicale mention, tout de même, de nos voisins belges, dont nous souhaitons évidemment, non seulement qu'ils ratifient, mais bien plus encore qu'ils surmontent leurs difficultés actuelles.
La France, donc, a opéré un retour en Europe. Je tiens ici à saluer l'engagement très actif du Président de la République à ce sujet. Il fallait que l'Europe sorte de la crise et il était nécessaire, pour cela, que la France y soit très présente C'est fait et c'est bien.
Je veux à mon tour saluer, après vous, monsieur le secrétaire d'État, l'admirable travail réalisé au premier semestre de cette année par la présidence allemande, par Mme Merkel personnellement et par la Chancellerie, ce superbe travail ayant été ensuite consacré, dans des conditions dignes d'éloges, par une présidence portugaise exemplaire ! Nous avons ici une nouvelle démonstration du fait que, si l'Europe peut s'arrêter du fait de tel ou tel de ses membres, elle ne peut avancer qu'à vingt-sept, chacun, petit ou grand, fondateur ou plus récent membre, contributeur net ou bénéficiaire, étant appelé de la même manière à apporter sa « part d'Europe » dans une oeuvre vraiment commune.
Le candidat Sarkozy avait annoncé un traité simplifié et une ratification par voie parlementaire. Les Français ne sont donc pas pris en traîtres et la démarche, sans surprise, a de plus une évidente cohérence.
Le nouveau texte, en effet, est exclusivement consacré au fonctionnement institutionnel de l'Union. Même si certains, dont je suis, peuvent le regretter, il n'est plus question de Constitution pour l'Europe, ni de symboles, ni surtout des choix politiques plus ou moins libéraux que certains avaient cru lire dans la troisième partie du traité institutionnel. La ratification par voie parlementaire pour un tel texte se justifie donc parfaitement et ne constitue en rien une confiscation de la démocratie.
Ne sommes-nous pas en démocratie parlementaire ? Le Parlement n'est-il pas précisément dans son rôle lorsqu'il s'agit de travailler sur des textes de cette nature et de les adopter au nom du peuple ? Simplement, il faut l'expliquer aux Français, afin qu'ils n'aient pas le sentiment qu'on ne les consulte plus par crainte de les voir apporter une réponse que l'on ne souhaite pas.
Dans ce contexte, il va nous falloir, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, faire oeuvre de pédagogie, sur la procédure, sur le contenu du traité et à nouveau et toujours sur l'Europe, en faisant vivre sereinement et de manière constructive le débat que les Français attendent - ils l'ont montré en mai 2005. L'Europe sera vivante si elle est la leur !
Heureusement, peu de Français lisent le Financial Times, monsieur le secrétaire d'État. À la une de son édition de lundi, il donne en effet la parole à un conseiller proche du Président de la République - les Britanniques ont bien vu l'aubaine que cela représentait - dans un sens tout différent et qui m'inquiète, mais qui fait sûrement la joie outre-Manche. Ce « conseiller » remet en cause en effet l'idée que des « règles préétablies » puissent sous-tendre l'action de l'Union, en souhaitant « des institutions plus pragmatiques, plus flexibles, réactives face à des circonstances changeantes et des revirements de l'opinion ». Il se situe donc dans une perspective radicalement différente de celle du traité que le Président de la République va signer et que nous nous apprêtons à ratifier.
Peut-on imaginer une Europe sans règles et sans respect du droit ? Pire, ce conseiller réintroduit la confusion entre le Traité - dont je rappelais à l'instant qu'il dit seulement comment on peut faire - et les politiques qui seront développées. Il réintroduit cette confusion quand il vient demander une renationalisation des choix fondamentaux déjà faits que sont les politiques commerciale, monétaire ou de concurrence de l'Union. Certains lecteurs britanniques n'en attendaient pas tant et vont se réjouir de ces « coups de boutoir », considérant que la PAC peut bien sûr être ajoutée à la liste des politiques à renationaliser.
Ces déclarations, monsieur le secrétaire d'État, sont-elles bien utiles et opportunes ? Est-ce bien le moment, à la veille du Conseil au cours duquel le Président de la République va signer le traité, à la veille de sa ratification par les Français ? Est-ce ce que nous voulons ? Cette prise de position ne va-t-elle pas nourrir l'argumentation de ceux qui veulent « détricoter » l'Union et compliquer la tâche du gouvernement britannique sur la voie de la ratification ?
Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai pas le sentiment que ce soit dans ce sens que vous travailliez inlassablement en France et avec tous nos partenaires. Je souhaite évidemment que vous puissiez très vite nous rassurer en confirmant que ces prises de position n'engagent que leur auteur. Il va vous falloir aussi très vite recoller la « vaisselle » ainsi cassée outre-Manche.
Que cette malheureuse déclaration soit au moins l'occasion pour le Président et pour vous-même de réaffirmer fortement que la France est vraiment, et sans arrière-pensée, « de retour en Europe » !
Alors on pourra dire qu'à quelque chose malheur fut bon...
Le « retour en Europe », monsieur le secrétaire d'État, c'est aussi les symboles. Le choix a été fait de ne plus les « consacrer » dans le traité, dont acte. Ce n'est pas pour autant qu'ils ont moins d'importance dans une Union dont les valeurs constituent l'identité. Et c'est vrai même à Mayotte ; mon cher collègue Adrien Giraud me le rappelait encore à l'instant, en déplorant que cette collectivité ne soit pas encore concernée par les fonds structurels. Monsieur le secrétaire d'État, cette incidente résulte d'un pari : je m'étais engagé auprès de M. Adrien Giraud à citer sa préoccupation, dont nous connaissons tous la réalité et l'importance, concernant Mayotte.
M. Adrien Giraud applaudit.
Le Président de la République a manifesté son attachement aux valeurs et aux symboles en donnant un sens européen aux cérémonies du 14 juillet et du 11 novembre, et c'était bien. Vous le manifestez vous-même en toutes occasions, monsieur le secrétaire d'État, et je vous en remercie. Je vous sais gré en particulier d'avoir fait pavoiser le Quai d'Orsay aux couleurs de l'Union, aux côtés de nos couleurs nationales, montrant là aussi, en un lieu et d'une manière hautement symboliques, que l'on ne pourra plus opposer intérêts nationaux et intérêts communs.
Une démarche vient d'être lancée par seize États de l'Union pour demander une reconnaissance éclatante de ces symboles que sont le drapeau, l'hymne, la devise et sans aucun doute, même si c'est d'abord un instrument, notre monnaie. Cette démarche va dans le bon sens et nous devrions nous y associer d'une manière ou d'une autre.
Comme va également dans le bon sens la « nouvelle proclamation » de la Charte des droits fondamentaux, aujourd'hui même à Strasbourg, où vous vous rendrez d'ailleurs à l'issue de notre débat de ce matin, monsieur le secrétaire d'État.
Comme doit pouvoir aller dans le bon sens et répondre à l'attente de nos concitoyens la mise en place d'un Comité des sages ou d'un groupe de réflexion à haut niveau chargé de faire des propositions concernant l'avenir de l'Union.
La société change. Elle s'est profondément transformée depuis les pères fondateurs. C'est notamment sur Internet que le « non » l'a emporté, signe de ces bouleversements. Les citoyens veulent « participer » toujours davantage. Il faut prendre en compte leur attente et leur disponibilité, leurs insatisfactions comme leurs ambitions.
Le Comité pourrait donc se demander quelles raisons pousseraient aujourd'hui à la création d'une Union européenne si elle n'existait pas encore, quelle configuration on lui donnerait alors et quel serait son projet au service des Européens et dans le monde ?
Le Comité devra surtout réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour restaurer le sens d'un intérêt commun, mis à mal, jour après jour, par des débats tels que celui sur les retours nets. Où sont les « valeurs » là où l'on voit d'abord l'expression des égoïsmes nationaux et des « j'en veux pour mon argent » ?
C'est pour cela que je souhaite, pour ma part, que le Comité s'appuie sur le mandat le plus ouvert possible, que sa composition soit au maximum laissée à la main du président - ou de la présidente - qui sera chargé de l'animer. Ne bridons surtout pas la réflexion et l'imagination. C'est notre avenir qui est en jeu.
Les travaux de ce comité pourront et devront au passage saluer le chemin parcouru depuis la guerre, au fil des élargissements et des approfondissements. On ne le fait jamais assez, tout encombrés que nous sommes des difficultés de l'instant.
On en verra encore une étape, le 21 décembre prochain, avec l'élargissement de l'espace Schengen qui comptera alors vingt-trois États. Vous le rappeliez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, pour vous en réjouir. J'ai été heureux à cet égard et très honoré de vous accompagner la semaine dernière en Slovaquie pour voir dans quelles conditions de sérieux et d'efficacité nos partenaires slovaques s'étaient préparés à cette échéance, avec notamment - il faut le dire et nous en réjouir, là aussi - le concours d'experts français.
L'Union ouvre un avenir à notre continent, à chacun de ses peuples, à chacun d'entre nous et à nos enfants. Dans le monde tourmenté d'aujourd'hui, l'Union est un signe d'espérance pour tant de peuples privés des droits humains les plus élémentaires. Ne l'oublions jamais !
Monsieur le secrétaire d'État, c'est dans cet esprit que le groupe UC-UDF vous fait confiance pour aller de l'avant sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que le traité européen modificatif sera signé demain à Lisbonne et que le Conseil européen se tiendra vendredi, sous présidence portugaise, à Bruxelles, c'est avec toute la conviction d'un parlementaire foncièrement européen - mais farouchement opposé à la cause fédéraliste et supranationale - que je m'exprime à cette tribune.
Sachez que j'aurais souhaité applaudir sans réserve au traité simplifié s'il avait marqué une véritable et profonde rupture par rapport au traité constitutionnel que nos concitoyens ont rejeté par référendum, le 29 mai 2005. Hélas ! il n'en est rien.
Bien évidemment, sur le fond, il serait malhonnête de ma part de ne pas reconnaître les avancées obtenues par le Président de la République à l'issue de son élection, ...
... qu'il s'agisse du principe d'un traité réformateur plutôt que refondateur, ou de la place et du rôle plus importants accordés aux parlements nationaux, sans oublier la suppression de la référence à « la concurrence libre et non faussée » au titre des objectifs de l'Union ou le protocole sur les services d'intérêt général.
Mais ne nous leurrons pas, les mécanismes supranationaux que nous avons rejetés, et condamnés, demeurent.
En outre, alors que ce n'était pas le cas jusqu'à présent, nous assistons à la naissance d'un État propre et en devenir, doté de la personnalité juridique pour signer les traités, d'une présidence indépendante des États membres et d'un service diplomatique supranational.
Enfin, trop de compétences seront soumises à la règle de la majorité qualifiée et donc trop de pouvoirs seront directement accordés à la Commission de Bruxelles.
Malheureusement, sur la forme, « tous les chemins mènent bien à Bruxelles » et la logique fédérale continue inlassablement son chemin, mais cette fois-ci par la voie parlementaire et versaillaise.
Oui, monsieur le secrétaire d'État, la forme n'est pas la bonne, car cette nouvelle tentative de relance de la construction européenne s'effectue en l'absence de consentement populaire, et partant en l'absence de véritable légitimité politique !
Faut-il que rien ne change dans le texte pour que rien ne bouge dans l'opinion ? Ce traité est inacceptable, car c'est une Constitution bis, « succédané édulcoré » de celle que nous avons déjà rejetée.
Ce n'est pas moi qui l'affirme, ce sont nos partenaires européens en la personne de la chancelière allemande Angela Merkel, qui affirmait le 29 juin dernier : « La substance de la Constitution est maintenue, c'est un fait ».
Je pourrais également citer le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, qui indique : « Nous n'avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution » ; ou encore le Premier ministre irlandais, qui dit : « 90% de la Constitution sont toujours là. Aucune modification spectaculaire n'a été apportée à l'accord de 2004 ».
Derrière l'emballage ou le camouflage, si j'ose dire, du traité simplifié se cache insidieusement la même Constitution remaquillée, qui avait déjà été sanctionnée une première fois - et sans appel - par un camouflet référendaire et populaire des Français et des Néerlandais.
Soucieux de garantir leur propre souveraineté nationale, nos concitoyens ne veulent plus que l'on décide à leur place. À aucun prix, sous couvert d'un intérêt communautaire qui n'existe pas, ils ne renonceront à la défense de leurs propres intérêts nationaux, qu'il s'agisse de dire « non » par référendum à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, qu'il s'agisse de replacer la devise européenne trop chère et qui ruine les Français au service de l'économique et du social et non au seul profit de la spéculation financière internationale, qu'il s'agisse de défendre l'avenir de notre pêche, de nos zones côtières ou de la biodiversité de notre environnement naturel face aux risques à venir des OGM.
Un seul exemple suffira. Alors que la Commission européenne vient de renoncer aux quotas textiles sur les importations chinoises, la France n'a rien dit ! À lire le « maxi-traité » simplifié de 256 pages, il n'y a pas un mot dans le texte, mes chers collègues, sur l'indispensable rétablissement de la « préférence communautaire ».
Petit à petit, la France s'aligne sur les États-Unis. Cet atlantisme proclamé la rend inutile dans le monde, car il lui fait perdre sa véritable vocation historique de puissance d'équilibre face aux empires de la mondialisation. Monsieur le secrétaire d'État, je ne l'accepte pas !
En tant que législateur, je rappelle que seul le peuple français est habilité à se prononcer sur ce nouveau traité.
En tant que parlementaire, j'affirme ici que, à aucun moment, je n'ai reçu de mandat du peuple, pas plus que quiconque d'ailleurs, pour ratifier par la voie parlementaire le transfert de la souveraineté de la France ni même son déclassement en simple « province européenne ».
Une telle décision ne peut faire l'économie d'un référendum, que je réclame officiellement à cette tribune. Car c'est bien en le soustrayant au verdict populaire que l'on kidnappe le débat !
J'achèverai mon propos en rappelant l'étymologie grecque du mot Europe, qui est composé de la contraction du préfixe eurus signifiant vaste, large ou ample et du suffixe ôps évoquant le regard ou le visage. Cette Europe « au vaste regard » est bien celle de tous les horizons, de tous les devenirs des nations qui la composent au sein d'un espace clairement délimité par des frontières intangibles.
Mes chers collègues, face au fédéralisme sclérosant et épuisant, une « autre Europe » est toujours possible, une autre Europe est plus que jamais souhaitable. Je veux parler d'une Europe légitime, respectueuse des démocraties nationales qui la composent, d'une Europe forte, car fondée sur des coopérations différenciées qui en feront toute la richesse.
Car, si nous n'y prenons garde, l'heure viendra où nous devrons rendre des comptes !
La semaine en cours, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, est un moment capital dans le processus de la construction européenne.
Aujourd'hui même sera adoptée à Strasbourg la charte des droits fondamentaux, pour laquelle le parti socialiste européen, le PSE, s'est beaucoup battu. Elle constitue le texte fondateur sans doute le plus avancé et le plus précis au monde en matière de droits de l'homme et de droits sociaux. Même si le Royaume-Uni et la Pologne s'en sont exemptés, il s'agit globalement d'une avancée considérable de l'Europe dans le domaine des valeurs de référence qui conditionneront in fine l'ensemble des politiques communes qui seront menées.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que la présence sur notre sol de M. Kadhafi, dont la politique reste, chacun le sait, aux antipodes des valeurs contenues dans cette charte, au moment précis où nous l'adoptons à Strasbourg, est évidemment du plus mauvais effet. Je rappelle notre opposition forte à cet accueil en grande pompe dans la patrie des droits de l'homme.
Demain donc, à Lisbonne, les chefs d'État et de gouvernement signeront ce traité de Lisbonne dans la capitale du pays qui préside le Conseil européen.
Je le dis d'emblée, je me félicite personnellement de cette nouvelle avancée de la construction européenne et je n'entrerai pas dans la querelle de la paternité ou de la maternité de cette initiative.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il y a un père et une mère !
Sourires
Que le Président Nicolas Sarkozy y ait joué un rôle essentiel est évident ; que la chancelière Angela Merkel ait engagé dès janvier 2007, au moment de la présidence allemande, des consultations préparatoires avec l'ensemble des pays de l'Union européenne est une réalité historique ; que l'affaire soit finalisée sous la présidence du Portugais José Sócrates est tout aussi incontestable. Il s'agit donc bien d'un succès collectif où chacun a eu sa part et qui, c'est le plus important, doit permettre de sortir l'Europe de l'impasse institutionnelle où elle s'enlisait depuis 2005.
Sur ce point, j'adhère complètement à cette phrase de Jean Monnet, qui figure dans ses mémoires, relative au traité de Rome de 1957 : « Je ne me suis pas demandé si le traité pouvait être meilleur. II correspondait à tout le possible du moment et à la sagesse de l'époque ».
On ne saurait en effet mieux dire et cette vérité reste totalement d'actualité. J'enregistre donc avec satisfaction les avancées que contient ce traité dit « simplifié » en matière de fonctionnement des institutions européennes.
Certes, le traité de Lisbonne s'éloigne de l'ambition constitutionnelle qui était celle du traité constitutionnel européen, le TCE, pour renouer plutôt avec la tradition de la « politique des petits pas ». Mais n'est-ce pas là, au fond, ce qui caractérise presque toute l'histoire de la construction européenne ? De ce point de vue, nous revenons à un exercice plus classique de diplomatie intergouvernementale négociant des « modifications » importantes aux traités existants plutôt que se livrant à une mutation brusque.
Nous sommes donc plus proches, cher Hubert Haenel, de la formule que vous citiez tout à l'heure, issue, semble-t-il, de la sagesse alsacienne : « L'arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse ». L'arbre du TCE est bien tombé, mais la forêt européenne peut à présent continuer à pousser. À vrai dire, je ne suis pas sûr que ce soit de la sagesse alsacienne. Il s'agit peut-être de Confucius.
Sourires
Nouveaux sourires.
Toujours est-il que ce traité comporte de vraies avancées s'agissant du fonctionnement des institutions et de véritables progrès en matière de démocratie européenne.
Tout d'abord, en ce qui concerne la Commission, le système qui entrera en vigueur à partir de 2014 permettra sans doute de sortir des logiques nationales qui structurent sa composition.
Ensuite, en ce qui concerne le Conseil européen, le traité apporte une importante innovation avec la création d'une présidence stable. Élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen, le président pourra -- enfin ! - donner une voix et un visage à l'Union européenne. Il pourra assurer la représentation de l'Union sur la scène internationale et présidera les travaux du Conseil européen.
Avec le traité de Lisbonne, le Parlement européen se trouve, lui aussi, renforcé en matière tant législative et budgétaire que de contrôle politique. Il investira le président de la Commission sur proposition du Conseil européen « en tenant compte des élections du Parlement européen ». On ne peut que se réjouir du fait que les choix politiques des électeurs lors des élections des députés au Parlement européen pèseront sur la vie politique européenne.
S'agissant des orientations politiques et économiques de l'Union européenne, nous sommes heureux de constater que le texte supprime la référence à une « concurrence libre et non faussée ». Il n'était pas utile de graver dans le marbre constitutionnel des orientations économiques, qui, outre le fait qu'elles sont loin de faire l'unanimité, n'ont pas leur place dans un traité portant pour l'essentiel sur le fonctionnement de nos institutions.
Toujours au registre des avancées, on peut se féliciter de la reprise du protocole sur l'Eurogroupe ou de la quasi-généralisation de la procédure de la codécision. De même, une clause sociale horizontale et une base juridique sur les services publics sont enfin introduites.
On peut saluer cette orientation qui permettra de sauvegarder les services d'intérêt général en les faisant sortir de la sphère marchande et en admettant des subventions à des entreprises publiques ou privées pour leur permettre d'exercer leurs missions spécifiques.
En résumé, le traité de Lisbonne contient un certain nombre d'avancées essentielles permettant d'améliorer à la fois le fonctionnement des institutions et la répartition des compétences au sein de l'Union européenne. Le parti socialiste européen avait émis un jugement positif à ce sujet, je n'y reviens donc pas.
Pour ma part, dans le droit-fil de la déclaration du PSE, je pense qu'il faut à présent, après les ratifications à venir des vingt-sept pays de l'Union européenne, arrêter de modifier encore et toujours nos règles du jeu institutionnel.
Nous en sommes aujourd'hui au cinquième traité négocié et signé depuis la chute du mur de Berlin : Maastricht en 1992, Amsterdam en 1997, Nice en 2000, Rome en 2004 et maintenant Lisbonne, soit un traité tous les quatre ans en moyenne. Cela suffit !
Il convient maintenant de nous concentrer sur le fond des politiques communes, notamment en matière économique et sociale, où il reste beaucoup à faire pour construire une vraie politique alternative à l'ultralibéralisme mondialisé.
Je dirai un mot, à présent, sur les perspectives de ratification de ce traité dans l'année qui vient, puisqu'en principe le traité devrait s'appliquer au 1er janvier 2009.
À ce jour, seule l'Irlande a annoncé qu'elle procéderait par référendum ; la loi en fait une obligation dans ce pays. Les autres pays ont le choix d'organiser ou non un referendum, comme la France, ou ont interdiction de le faire, comme l'Allemagne.
La situation de la France est spécifique : vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, nous avons opté en 2005 pour la ratification par référendum du traité constitutionnel européen et, en principe, la décision souveraine du peuple enregistrée à l'occasion de cette consultation ne peut être modifiée que par une autre décision du peuple consulté selon la même procédure.
C'est donc cette procédure qui aurait ma préférence, étant entendu que, dans cette perspective, un second vote négatif du peuple français ne pourrait plus constituer un veto pour les autres peuples et qu'ils seraient fondés à poursuivre le projet de construction européenne, éventuellement sans la France.
Comme le disait le député européen Bernard Poignant : l'histoire de l'Europe ne peut pas se jouer à la roulette française !
Je dois ajouter, pour être honnête sur cette question, que le Président de la République française avait annoncé pendant sa campagne électorale qu'il soumettrait la ratification du traité au Parlement. Qu'on le regrette ou non, il faut reconnaître que l'engagement était clair et net !
En ce qui me concerne, même si je suis en désaccord sur la forme de cette consultation pour les raisons que j'ai indiquées, je voterai positivement sur le fond...
...afin de ne pas risquer un nouveau blocage dans la construction de cette Europe démocratique, sociale et pacifique, dont le rêve a commencé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et dont nous avons aujourd'hui plus que jamais besoin.
J'ai pourtant bien conscience, mes chers collègues, des insuffisances de ce texte, voire des dangers qu'il comporte.
C'est bien dans le cadre des nouvelles institutions prévues par le traité qu'il faudra donner du contenu politique à la construction européenne.
Le Conseil européen d'après-demain est, de ce point de vue, une étape importante puisque l'ordre du jour en est particulièrement chargé.
Outre les questions institutionnelles, notamment la ratification du nouveau traité et la charte des droits fondamentaux, la question du changement climatique, l'élargissement de l'espace Schengen, la perspective de développement de l'Union méditerranéenne, le partenariat entre l'Union européenne et l'Afrique, ainsi que la lutte contre le terrorisme international constituent les sujets majeurs pour définir le modèle politique original que l'Europe peut proposer à ses citoyens.
Sur ce point, il faut bien reconnaître qu'il existe un danger de voir l'Europe se construire au détriment des droits, de la sécurité juridique et de l'égalité entre les citoyens européens.
Le risque est en effet sérieux de voir se créer au sein de l'Union européenne deux catégories de citoyens : ceux qui bénéficient de droits pleins et ceux qui devront se contenter de la portion congrue. Cette disparité est évidemment dangereuse dans la mesure où elle peut porter atteinte à la citoyenneté européenne globale, alors même que celle-ci n'est encore, pour l'essentiel, qu'une citoyenneté en devenir.
En définitive, toute la question est de savoir si l'on veut une Europe à la carte, différenciée selon les sujets - méthode qui ferait la part belle à l'approche intergouvernementale -, ou si l'on veut, au contraire, favoriser une organisation politique européenne plus intégrée autour d'un corps de politiques publiques communes.
En ce qui me concerne, c'est évidemment cette dernière perspective que je souhaite privilégier, étant entendu que les nécessaires harmonisations fiscales et sociales devront se faire vers le haut et non vers le bas, même si ces rapprochements, à l'évidence, prendront, chacun le sait, beaucoup de temps.
Je terminerai en soulignant que si ce traité constitue un pas dans la bonne direction, les choix politiques principaux restent aujourd'hui en suspens. Quelle Europe voulons-nous construire ? Quels transferts de compétence sommes-nous prêts à accepter dans le cadre de la subsidiarité ? Quel socle commun sur les plans économiques et sociaux serons-nous capables de promouvoir dans la disparité des situations des membres de l'Union européenne ? Quelles frontières souhaitons-nous, à terme, pour l'Union européenne ?
Toutes ces questions sont aujourd'hui ouvertes et il conviendra, dans le cadre notamment de la présidence française de l'Union européenne, de les inscrire à l'ordre du jour.
Il faudra que nous sortions des discussions interminables sur les problèmes institutionnels pour nous concentrer résolument sur les questions de fond. Nos concitoyens européens attendent des réponses sur ces questions essentielles qui concernent leur vie quotidienne.
Au nom du groupe socialiste, mes chers collègues, je voudrais rappeler la nécessité impérieuse de construire l'Europe des citoyens et de les associer à ce projet afin qu'ils se l'approprient. Jean Monnet disait : « Rien n'est possible sans les hommes ».
L'Europe se fera si elle apporte le progrès aux nations qui la composent. L'Europe ne se fera pas si elle apparaît seulement comme une superstructure technocratique. Elle a en revanche toutes ses chances si elle apporte un plus aux nations et aux citoyens qui la composent parce qu'ils se sentiront personnellement concernés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité et de la richesse de ce débat. Un grand nombre de questions ont été abordées sur des sujets véritablement fondamentaux.
Mes réponses porteront sur le traité, sur le comité de réflexion, sur ce qui a été dit par M. Jean-Paul Emorine - je remercie la commission des affaires économiques de s'être associée pour la première fois à un débat de préparation du Conseil européen - en matière économique et sur le changement climatique ; je terminerai par la question du Kosovo, qui est cruciale pour l'avenir de l'Europe.
En ce qui concerne le traité, MM. Aymeri de Montesquiou, Jacques Blanc et Roland Ries ont parfaitement souligné l'élargissement des objectifs ainsi que le rééquilibrage économique et social. Je retiendrai deux formules : c'est un traité qui ne contraint pas et c'est un traité qui ne bloque pas. Comme l'a souligné M. Aymeri de Montesquiou, c'est une bonne philosophie. Il s'agit, M. Roland Ries l'a dit à juste titre, d'un succès collectif. C'est un traité qui permet tout le possible du moment.
M. Roland Ries a souligné les avancées qui ont été réalisées en matière de service public et d'intérêt général, en ce qui concerne le rôle de l'Eurogroupe et dans d'autres domaines.
M. Jacques Blanc a indiqué les progrès qui ont été accomplis en matière de rééquilibrage des politiques territoriales, qui sont bien conçues dans ce traité. Le rôle qui est donné au Comité des régions est un point également important.
Je veux dire très clairement à M. Philippe Darniche qu'il n'y a aucune régression démocratique ; il n'y a au contraire que des avancées. La présidence du Conseil ne retire aucun pouvoir aux chefs d'État et de gouvernement, qui représentent leur peuple. Sa raison d'être est simplement d'assurer la continuité des travaux.
Le service diplomatique extérieur n'est absolument pas un instrument supranational ou suprafédéral : il permettra de regrouper les moyens qui sont aujourd'hui à la disposition de la Commission européenne. Le service diplomatique qui existe dans le cadre du Conseil permettra d'associer également les représentants des différentes diplomaties nationales, qui seront détachés au sein de ce service.
Il s'agit donc d'un équilibre parfait entre ce qui existe aujourd'hui à l'échelon intergouvernemental et ce qui se pratique au niveau communautaire. La fusion de ces deux approches est réalisée dans une politique extérieure qui garde, dans le cadre du traité, sa spécificité, conformément aux intérêts de chacun. Le Haut Représentant de l'Union européenne, vice-président de la Commission, sera le porte-parole de cette politique. Il en assurera la conduite, mais sous le contrôle, bien évidemment, du Conseil européen.
À l'évidence, ce traité n'est pas une constitution ; c'est un traité modificatif. Je veux dire à M. Robert Bret, en réponse aux arguments qu'il a avancés, que la Conférence intergouvernementale a été rapide grâce à une discussion politique au fond, menée par les chefs d'État et de gouvernement, qui sont les représentants désignés par leur peuple pour faire en sorte que la politique se retrouve au coeur de la construction européenne et de l'élaboration des traités.
Le Conseil européen, qui est entré le plus possible dans le détail et qui se prononcera demain sur le traité, est donc un organe parfaitement démocratique.
Je souligne, simplement pour l'information de la Haute Assemblée, que nous n'avons pas été les seuls à dire non en 2005 à ce traité par la voie référendaire : les Pays-Bas sont dans la même situation. Ils ont consulté leur Conseil d'État, lequel a bien montré en quoi la légitimité du recours à une procédure de ratification parlementaire par rapport au référendum était justifiée en ce cas : c'est un traité qui préserve les État nations et les identités nationales ; c'est un traité qui modifie les traités existants selon les méthodes qui ont été retenues dans les traités antérieurs ; c'est un traité qui confirme une charte des droits fondamentaux déjà protégée dans l'ordre juridique communautaire ; c'est un traité qui précise le partage des compétences entre l'Union européenne et les États membres, compétences qui sont limitées par différents éléments, les États membres pouvant recouvrer leurs compétences lorsque l'Union n'a pas exercé la sienne dans les domaines de compétences partagées.
Par ailleurs, un protocole sur les services publics laisse un large pouvoir discrétionnaire dans l'organisation et la fourniture des services d'intérêt économique général.
Dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, des processus permettent aux États membres soit de s'associer à des mécanismes de coopération renforcée, soit de rester à l'écart dans des domaines qui sont essentiels pour la souveraineté.
Enfin, contrairement à ce qui a été indiqué par M. Philippe Darniche, il est clair que ce traité marque une avancée en ce qui concerne le rôle et le contrôle des parlements nationaux : ceux-ci auront la possibilité, dès lors qu'une majorité d'entre eux aura fait valoir des observations sur des propositions ou des actes établis par la Commission européenne, soit de les modifier, soit d'en obtenir le retrait une fois passé le filtre du Conseil et du Parlement européen, à la majorité simple.
Par conséquent, la procédure choisie en France, et qui a été retenue par une très large majorité des autres pays européens, est conforme à l'ordre démocratique, à l'ordre européen.
Voilà ce que je souhaitais répondre aux questions légitimes posées par MM. Robert Bret et Philippe Darniche.
J'en viens maintenant à ce qui concerne la mise en oeuvre de ce traité et aux questions qui ont été posées par MM. Jean François-Poncet et Hubert Haenel.
Il est vrai que des défis importants devront être relevés sous la présidence française dans un laps de temps limité. Il nous faudra effectivement approfondir un certain nombre de politiques communes et ne pas refuser le débat sur la politique énergétique et sur la politique de défense.
À cet égard, M. Robert Bret a souligné qu'il y avait, d'une part, une allégeance à l'OTAN et, d'autre part, un risque de renforcement des politiques d'armement à l'échelle européenne. Cela me paraît un peu contradictoire : si on fait l'un, on ne fait pas l'autre ! Notre ambition, sous la présidence française, est bien de renforcer la politique de défense sur le plan européen ainsi que nos capacités opérationnelles, et de faire en sorte d'apporter des réponses claires aux défis démographiques qui sont les nôtres.
Il est vrai aussi que, dans le même temps, nous aurons à mettre en oeuvre ce traité - je réponds ainsi à MM. Hubert Haenel et Jean François-Poncet -, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
Je signale que, selon nos informations et les contacts que nous avons avec le secrétariat général du Conseil, en liaison avec la présidence slovène, nous aurons à travailler sur plus d'une trentaine de dispositions pratiques permettant la mise en place de ce traité, à laquelle il faut donc s'atteler suffisamment tôt.
Nous devrons aussi être clairs quant à l'articulation entre la présidence stable du Conseil européen et les présidences tournantes des conseils qui subsisteront, qui devront travailler en étroite collaboration. La présidence stable a pour but d'assurer la continuité des travaux du Conseil européen ; les présidences tournantes continuent d'exercer la direction effective de ces conseils, à formuler un certain nombre de propositions par rapport à la nécessaire continuité de l'action du Conseil européen, qui faisait défaut jusqu'à présent, et à travailler en relation avec le président de la Commission. Ce dernier garde son pouvoir d'initiative et voit sa légitimité renforcée compte tenu du fait qu'il sera élu par la majorité issue du Parlement européen. Nous devrons donc trouver, d'ici au 1er janvier 2009, les procédures permettant la meilleure articulation.
Mener à bien ces défis est en effet une gageure, notamment dans le domaine de la défense. Nous devons les relever en veillant - ce sera le devoir des présidences slovène et française - à ne pas compromettre le processus de ratification en cours dans les différents pays.
Il faudra donc réaliser un habile dosage entre le volontarisme nécessaire pour anticiper sur le traité afin de mener les débats qui doivent avoir lieu sur les politiques communes et l'attention portée à la sensibilité de chacun de manière que le processus de ratification soit mené à son terme le 1er janvier 2009. Là est le premier devoir de notre présidence.
En ce qui concerne le groupe de réflexion qu'ont évoqué MM. Hubert Haenel, Jean François-Poncet, Denis Badré et Roland Ries, effectivement il ne traitera pas des institutions parce que, comme l'a dit très justement M. Roland Ries, il est temps de cesser les modifications institutionnelles, déjà trop nombreuses, et de stabiliser le dispositif à vingt-sept grâce à une action collective.
Nous devons - et c'est tout l'objet du mandat donné à ce groupe de réflexion - définir un projet et répondre à la question posée par M. Jean François-Poncet : pourquoi sommes-nous ensemble ? Conformément à l'étymologie rappelée par M. Philippe Darniche, il nous faut donner à l'Europe un large visage, de manière qu'elle se positionne comme un acteur global dans le monde du XXIe siècle.
Mais, dans ce cadre, quand on veut une Europe au large visage qui soit un acteur global, la question de l'identité se pose, surtout lorsque l'on souhaite réunifier le continent. Cela suppose que nous posions la question de la configuration de l'Europe le plus intelligemment possible et en accord avec nos partenaires. Nous devons faire de l'Europe un pôle de puissance au travers duquel doit pouvoir s'opérer, comme l'ont souligné MM. Denis Badré et Roland Ries, un rapprochement entre les citoyens et l'Union européenne.
Trouver la plus juste articulation entre cette nouvelle citoyenneté européenne et la mise en oeuvre d'une Europe qui soit elle-même plus puissante n'est pas le moindre des défis qu'il nous faudra relever dans les années à venir. Nous devons donc veiller, dans ce cadre, à parler de tout, mais en faisant en sorte que ce traité soit ratifié dans les meilleures conditions.
Ainsi que M. Denis Badré l'a souligné, le président, ou la présidente, de ce groupe de réflexion, qui devrait être désigné à Bruxelles vendredi prochain, aura pour mission de formuler des propositions sur la composition de ce groupe qui devrait être soumise au futur Conseil européen. C'est à mon sens une bonne démarche.
J'en viens maintenant aux questions d'ordre économique qui ont été soulevées par M. Jean-Paul Emorine.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'il a indiqué sur la stratégie de Lisbonne et sur le fait que l'adaptation et l'actualisation des lignes directrices pour la période 2008-2011 ont marqué un progrès.
Je souscris également aux propos qu'il a tenus sur les conséquences de la conférence de Bali. Il faut un mécanisme d'ajustement aux frontières, des échanges de quotas d'émission, même au niveau international, dans différents secteurs, principalement dans celui de l'aéronautique. Il importe de prévoir des dédommagements pour les déforestations opérées dans un certain nombre de pays et de procéder par voie d'accords sectoriels. Nous devons tendre vers une organisation plus universelle de l'environnement, une « ONU de l'environnement ».
J'en viens à la question très délicate du Kosovo, qui a été évoquée par MM. Jean François-Poncet, Hubert Haenel Roland Ries et Robert Bret.
Je vais être clair : en cas de déclaration d'indépendance du Kosovo - événement que nous aurons probablement un jour à affronter, même si nous ne savons pas quand il interviendra - il n'y aura pas de reconnaissance automatique simultanée, compte tenu de la sensibilité, de l'histoire et des compétences qui sont celles de chacun des États membres
Toutefois, nous sommes d'accord avec nos partenaires - et c'est le plus important dans le développement d'une approche commune - pour affronter cette situation selon nos sensibilités. Je veux rassurer M. Hubert Haenel sur ce point : du temps s'est écoulé depuis 1991 et il n'est pas question de répéter le processus de reconnaissances désordonnées tel qu'il s'était alors déroulé. Nous savons qu'il existe une périodicité, que chacun a sa propre sensibilité et qu'une majorité des États membres soutiendra la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo lorsque celle-ci sera prononcée.
Le plus important est que l'Europe soit unie afin d'assurer la stabilisation du Kosovo et des frontières avec la Serbie, d'assurer la protection des minorités, la surveillance aux frontières et la viabilité de l'État ; ce ne sera pas chose facile, je suis d'accord avec M. Hubert Haenel sur ce point, mais là est la véritable responsabilité de l'Union européenne.
Nous n'estimons pas nécessaire de recourir à une nouvelle résolution du Conseil de sécurité et nous nous attendons à ce que le Secrétaire général des Nations unies fasse appel à l'Union européenne pour déployer la mission européenne de sécurité et de défense.
Nous devons appeler les deux parties à la retenue, éviter l'humiliation des uns et des autres. Il n'est pas question de créer de nouvelles frontières, c'est-à-dire que nous en restons à la doctrine des frontières internes de l'ex-Yougoslavie. En application des travaux qui ont été conduits par M. Robert Badinter, l'Union est opposée à la partition du Kosovo.
Nous avons conscience qu'il y va de la crédibilité de l'Union européenne. Tous les États membres sont mobilisés et chacun est d'accord pour assumer ses responsabilités face à un problème qui servira de test non seulement pour la politique extérieure européenne, mais également pour l'identité de l'Union européenne.
Nous sommes aussi d'accord pour donner une perspective européenne à ces parties, particulièrement à la Serbie, lorsqu'elle aura rempli ses engagements. Nous devons toutefois veiller au respect des sensibilités des uns et des autres et ouvrir des perspectives d'avenir - ce que nous faisons déjà à l'égard des autres citoyens - au travers de la mise en place du nouveau traité.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 120 et distribuée.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.