Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen du 14 décembre prochain est important à plus d'un titre, mais il convient surtout de souligner, pour s'en féliciter, qu'il prend acte de l'accord intervenu sur le traité de Lisbonne mettant fin à une période d'incertitude politique gravement préjudiciable à la construction européenne.
L'engagement sans faille du Président de la République, depuis son élection, aux côtés des présidents des autres États membres de l'Union européenne a permis d'aboutir à un texte d'équilibre. Il est important que désormais la France montre l'exemple et que le Parlement ratifie ce nouveau traité dans des délais rapides. L'examen de ce texte aura donc lieu en janvier prochain et le Congrès se réunira le 4 février 2008.
À propos des autres sujets à l'ordre du jour de ce Conseil européen, je souhaite insister sur deux points qui intéressent la commission des affaires économiques : la stratégie de Lisbonne et les questions relatives au changement climatique.
Le Conseil européen doit faire le bilan des travaux préparatoires et lancer le prochain cycle des lignes directrices intégrées de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, qui doivent être approuvées par le Conseil européen du printemps de 2008.
À ce stade, il m'apparaît important de réaffirmer toute l'actualité de ce processus, qui recouvre l'ensemble des objectifs et des moyens dont s'est dotée l'Europe pour devenir, à l'horizon de 2010, « l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde ».
Après des débuts que l'on peut qualifier de décevants, faute d'une gouvernance adaptée et en raison de la multiplicité des objectifs affichés, le recentrage opéré au printemps de 2005 a permis de relancer efficacement le processus, qui demeure un cadre de référence pertinent.
En effet, l'Europe doit relever le défi de la mondialisation, par la pleine mobilisation de ses ressources en travail, par des investissements accrus en matière de recherche et de développement, par des efforts dans le domaine de l'éducation et de la formation et par le développement des petites et moyennes entreprises.
En vue d'atteindre un taux de croissance de 3 %, l'objectif d'un taux d'emploi de 70 % et celui d'une part de 3 % des dépenses de recherche et développement dans le produit intérieur brut ont été confirmés.
Le président Barroso a réaffirmé, à juste titre, la volonté de l'Union européenne de progresser dans sept domaines d'action prioritaires pour répondre au défi de la mondialisation. Je citerai, à titre d'exemples, l'adaptation du marché intérieur au XXIe siècle, la défense des intérêts de l'Europe dans la mondialisation ou encore la promotion de nos normes sur le plan mondial.
Dans ce contexte, je me félicite de la volonté affichée par le Gouvernement d'inscrire notre programme de réformes à l'échelle nationale dans les objectifs de la stratégie de Lisbonne. Cette nouvelle convergence est un signe tangible du « retour de la France en Europe ».
Si la France a pu enregistrer quelques retards, les années passées, en matière tant de performances économiques que de respect du rythme des réformes à engager, je crois que les orientations adoptées ces derniers mois vont permettre de tourner la page.
Il en est ainsi des mesures assouplissant les règles du marché du travail, de la réforme des universités, des efforts en faveur de la recherche au travers de la réforme du crédit d'impôt recherche, ou encore de l'assainissement des finances publiques.
Il est également très positif que le Parlement soit étroitement associé au suivi de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne au plan national. Ainsi, la commission des affaires économiques du Sénat vous a entendu à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, le 22 novembre dernier, et nous sommes destinataires du rapport annuel de suivi du programme national des réformes établi pour 2005-2008, ce qui permet de rester mobilisés autour des objectifs à atteindre et des moyens d'y parvenir.
Pour l'avenir, je souhaite qu'un dialogue fructueux s'établisse avec le Gouvernement en 2008 s'agissant de l'actualisation des lignes directrices de la stratégie pour la période 2008-2011.
La Commission européenne a confirmé les quatre axes stratégiques suivant lesquels l'Union européenne doit progresser : la recherche et l'innovation, l'éducation et la formation, l'environnement des entreprises et, enfin, le changement climatique.
C'est sur ce dernier thème que je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, dire quelques mots, compte tenu de son actualité à l'échelle mondiale.
En effet, la conférence annuelle de l'ONU sur le changement climatique qui se déroule en ce moment même à Bali est l'occasion, tout à la fois, de faire le bilan de l'application du protocole de Kyoto, signé voilà tout juste dix ans, et surtout de définir le cadre des négociations pour l'après 2012.
Selon les uns, le bilan est très insuffisant, alors même que l'objectif fixé était limité. L'engagement portait, pour les pays signataires, sur la réduction du volume des rejets de gaz carbonique à hauteur de 5, 2 % d'ici à 2012, par rapport au niveau de 1990. Or la baisse enregistrée pour l'Union européenne est très largement due aux difficultés économiques des anciens pays de l'Est. Surtout, les deux principaux émetteurs de gaz carbonique, les États-Unis et la Chine, n'ont souscrit aucun engagement de réduction. On peut également s'inquiéter du fait que l'aviation internationale, dont les émissions ont crû de 83 % entre 1990 et 2005, ne soit pas concernée par le protocole de Kyoto.
Mais, au-delà de ces chiffres, je souhaite souligner la dynamique vertueuse enclenchée par le protocole de Kyoto et le consensus qui se dégage, à l'échelon mondial, sur les enjeux du changement climatique.
Le climat est désormais reconnu comme un bien public global, dont la gestion doit être assurée au niveau planétaire. Le rapport de sir Nicholas Stern, l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale, rendu public en octobre 2006, souligne les effets désastreux que l'inaction aurait sur l'activité économique et sociale, en faisant valoir que les pays les plus pauvres risquent d'être les premiers et les plus durement touchés. Le laisser-faire pourrait coûter jusqu'à 5 % du PIB mondial chaque année, alors qu'agir pour réduire les gaz à effet de serre suppose une dépense annuelle limitée à 1 % environ du PIB mondial.
Comme l'indique le rapport Stern, il ne s'agit plus d'avoir à choisir entre éviter le changement climatique et promouvoir la croissance et le développement. Bien au contraire, il faut encourager les mutations de nos systèmes économiques, à travers la promotion de nouvelles technologies sobres en carbone, afin de pérenniser les perspectives de croissance tant des pays riches que des pays pauvres.
Le dernier rapport publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat confirme cette analyse en indiquant que l'on peut agir contre le réchauffement climatique avec des moyens relativement peu coûteux qui favoriseraient la croissance.
L'Union européenne s'affiche en position de leader pour entraîner le reste du monde sur le chemin d'une croissance vertueuse. La France s'inscrit dans cette dynamique, comme l'a affirmé le Président de la République lors de la conclusion du « Grenelle de l'environnement ». Rappelons que, pour la période après 2012, les vingt-sept États membres ont décidé de se fixer un objectif de réduction de 20 % de leurs émissions, objectif qu'ils proposent de porter à 30 % si un accord international est trouvé sur cette période.
Je mesure, à sa juste valeur, toute la difficulté qu'il y a à conduire une négociation globale, alors même que vingt pays concentrent 80 % des émissions et que les impacts négatifs de ces émissions vont frapper principalement les pays pauvres.
Il est donc impératif de progresser sur plusieurs thèmes et principalement sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, les transferts de technologies et l'aide aux pays pauvres pour s'adapter au changement climatique.
Quant aux moyens à mettre en oeuvre dans le cadre d'un accord international, il convient d'en proposer plusieurs, à employer de manière pragmatique.
Il en est ainsi du mécanisme, défendu par la France, d'ajustement aux frontières taxant le contenu en C02 des importations provenant de pays hors protocole de Kyoto, ou encore de la mise en place d'un système international d'échange des droits d'émission de carbone. Il faut aussi innover pour lutter contre la déforestation, responsable de 20 % des émissions de carbone, - pourquoi pas ? - par un mécanisme de compensation pour dédommager les pays qui préserveraient leurs forêts. Enfin, une piste de réflexion à privilégier porte sur la conclusion d'accords sectoriels - sur le ciment, l'aluminium, ou encore l'acier - dans lesquels les pays émergents pourraient accepter de s'engager à limiter leurs émissions.
Les enjeux, au niveau mondial, de la lutte contre le changement climatique, me conduisent tout naturellement à plaider une nouvelle fois encore pour le nécessaire renforcement de la gouvernance mondiale en matière d'environnement.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques soutient sans réserve la position de la France et de l'Union européenne sur la création de l'Organisation des Nations unies pour l'environnement.