Je vous remercie de cet exposé liminaire, monsieur Van Ruymbeke. Je voudrais d'emblée aborder la question de l'Union européenne, puisque nous sommes quelques-uns à avoir fait le déplacement à Bruxelles la semaine dernière. Nous y avons assisté à des échanges qui, une fois de plus, furent extrêmement intéressants et édifiants.
Chacun jugera par la suite de la sincérité de l'engagement des uns et des autres, mais l'on ne peut pas ne pas constater l'affichage d'une volonté internationale et européenne de lutter contre les phénomènes d'évasion fiscale. Après ce déplacement européen, j'ai le sentiment que nous avons un certain nombre de briques pour construire un mur permettant de combattre l'évasion fiscale, mais que ces briques ne sont pas nécessairement jointes, et qu'il existe un grand nombre de failles, y compris au sein de l'Union européenne, entre la volonté affichée de combattre les mécanismes d'évasion et la réalité.
Je pense par exemple à l'attitude de blocage complet du Luxembourg et de l'Autriche : ces deux pays de l'Union européenne s'opposent aux vingt-cinq autres pour mettre en place une position commune, unanime, sans faille par rapport à ce phénomène. C'est déjà un premier problème.
L'existence, au sein de notre continent, de paradis fiscaux, puisqu'il faut les appeler ainsi, en pose un autre.
On apprend également que seuls quatorze pays de l'Union sont membres du groupe d'action financière, le GAFI, ce qui veut dire que treize autres n'en sont pas membres. Pourquoi ? La question se pose. Peut-être ne voient-ils pas l'intérêt de cet organe, mais voilà en tout cas une faille qui s'ajoute à toutes les autres.
Cela permet finalement à tous ceux qui profitent de ce système de dire : nous faisons comme tout le monde. Si personne ne commence, rien ne changera jamais. Vous avez parlé de volonté collective ; elle est effectivement indispensable. Mais il me semble qu'une volonté politique forte, unanime, sans faille s'impose, et c'est l'un des premiers enseignements que je tirerai, à titre personnel, de ce séjour à Bruxelles, à propos duquel mes collègues pourront également s'exprimer s'ils le souhaitent.
Je voudrais aussi vous citer, monsieur Van Ruymbeke. Vous avez signé, en 1996, l'appel de Genève, qui évoquait une « Europe de l'ombre ». Puisque l'on vient de parler de l'Europe, pourriez-vous, dans un premier temps, éclairer ce point de vue et préciser ce que cette expression recouvre ? Qu'entend-on exactement, dans l'esprit du texte, par « Europe de l'ombre » ?