Intervention de Renaud Van Ruymbeke

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 22 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Renaud Van ruymbeke premier juge d'instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de paris

Renaud Van Ruymbeke, premier juge d'instruction au pôle financier du Tribunal de grande instance de Paris :

Cette procédure est très utile au niveau franco-français. Les agents de TRACFIN ont une masse d'informations, puisque l'obligation de dénonciation existe, avec ce qu'ils appellent les déclarations simplifiées. Le handicap, c'est qu'ils ne sont pas très outillés et sont limités juridiquement pour traiter ces informations, mais ils pourraient vous l'expliquer mieux que moi.

Souvent, ils transmettent les informations au parquet - on ne peut pas le leur reprocher, au contraire ! -, mais ils n'ont pas, à mon sens, suffisamment de prérogatives pour opérer un tri sélectif entre ce qui relève véritablement du pénal et ce qui relève uniquement du fiscal ou d'un autre domaine. En la matière, il faudrait peut-être leur donner plus de pouvoirs.

L'autre intérêt, qui est peut-être moins connu, c'est que TRACFIN est en contact avec des structures équivalentes dans d'autres pays, au Luxembourg, par exemple.

Ainsi, lorsqu'une banque luxembourgeoise - le Luxembourg a aussi une législation anti-blanchiment, mais, malheureusement, les banquiers font souvent semblant de ne pas voir ce qui passe chez eux ! - signale qu'une certaine somme d'argent lui paraît suspecte, l'information remonte à cette cellule, qui en informera parfois TRACFIN, lequel la transmettra à la justice. C'est par ce biais que l'on va pouvoir apprendre que M. Untel, sur le dossier duquel on travaille, a un compte à l'étranger.

Comment le sauront-ils ? Alors là, me direz-vous, c'est le dysfonctionnement total ! Je l'ai vu à Jersey, ils ont lu dans un article de presse qu'un dossier est instruit contre untel à tel endroit, qui est recherché dans le cadre d'une affaire pénale en France, ce qui va entraîner un signalement de la banque à l'organe équivalent à Jersey, lequel le signalera à TRACFIN, qui nous le signalera à son tour, et nous permettra de trouver le compte bancaire.

Vous le voyez, il s'agit d'un fonctionnement un petit peu particulier. Toutefois, pour ma part, je raisonne en termes d'efficience. Si on apprend à Jersey, par exemple, par le biais de la presse, qu'une personne est poursuivie pénalement en France, la banque dans laquelle est domicilié le compte de ce client ne pourra plus se cacher derrière son petit doigt en prétextant ne pas être au courant. Elle se sentira donc obligée de le signaler. C'est ainsi que l'information peut nous parvenir. La clé de ces enquêtes, c'est cette information-là.

En effet, dès lors que l'on sait par TRACFIN que ladite personne a un compte dans telle banque, on peut travailler sur cette piste. Dans les banques, - et je pense que cela fait également partie de vos travaux - il y a aussi des services de compliance. La banque, qu'elle soit en Suisse ou au Luxembourg, est maintenant obligée de s'assurer de la licéité des fonds, et ce en vertu des législations anti-blanchiment existantes. Mais on entre là évidemment, vous le sentez bien, dans une zone un peu grise, empreinte d'hypocrisie.

Ainsi, j'ai eu affaire à quelqu'un - ce n'était pas un ressortissant français - qui était poursuivi dans une affaire de corruption. Voici ce qu'il avait répondu à la banque : j'ai effectivement vendu une propriété au Brésil, j'ai hérité et je suis dans les affaires. Jusqu'où va l'obligation de la banque et jusqu'où a-t-elle envie d'aller ? Aussi, il me paraît important d'assurer un contrôle en amont.

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