Intervention de Renaud Van Ruymbeke

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 22 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Renaud Van ruymbeke premier juge d'instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de paris

Renaud Van Ruymbeke, premier juge d'instruction au pôle financier du Tribunal de grande instance de Paris :

Le blanchiment de l'argent, c'est un problème simple, et c'est, là aussi, un problème de choix.

Sont punis pour un tel délit tous ceux qui, par exemple, font passer l'argent dans des circuits offshore. Toutefois, pour que le blanchiment existe, il faut démontrer que le placement est le produit d'une infraction.

Un jour, j'ai rencontré un intermédiaire qui avait quelques dizaines de millions de dollars placés, disons à Gibraltar, pour ne pas trahir le secret professionnel. Comme j'avais été saisi d'un dossier de blanchiment d'argent, je lui ai demandé d'où venait cet argent, car je n'en connaissais pas l'origine et ses activités n'étaient pas très claires. Sa réponse a été : « Je ne vous le dirai pas, car cela ne vous regarde pas ! » Que vouliez-vous que je fasse ? Le torturer jusqu'à ce qu'il me réponde ? Non ! J'ai pris mon bâton de pèlerin et j'ai envoyé une commission rogatoire internationale à Gibraltar, pour me rendre compte au bout de deux ans qu'il me faudrait x années pour parvenir à mes fins, car l'argent circulait d'une place à l'autre. D'ailleurs, je n'y suis pas arrivé parce qu'il y a eu, à un moment donné, une faille dans la coopération, comme cela existe malheureusement avec certains pays. Il s'avère que cette personne a obtenu un non-lieu.

Si l'on veut changer la règle, il faudrait - mais certains vont hurler ! - inverser la charge de la preuve : à partir du moment où vous avez de l'argent sur un compte, vous devez prouver que cet argent a une origine licite, sinon cela constitue un fait de blanchiment d'argent. Mais on n'y est pas prêt. Quand on parle d'évasion fiscale, qui est un délit, on se dit que l'on trouvera derrière une fraude fiscale, qui en est également un. Mais accepte-t-on l'idée que l'on puisse avoir de l'argent comme cela dans d'autres pays sans en justifier l'origine et sans que cela constitue du blanchiment ? En fait, il faut savoir ce que l'on veut.

Aujourd'hui, le problème, c'est que si l'on trouve beaucoup d'argent dont l'origine n'est pas justifiée et même si la personne est suspecte, c'est à vous d'apporter la preuve de l'origine, ce qui est parfois très difficile, voire impossible.

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