En inversant la charge de la preuve, on va quand même très loin puisque l'on crée en quelque sorte une présomption. Il y a donc là un vrai problème qui est posé, mais il faut bien sûr le poser.
Vous m'avez interrogé sur Monaco. Je suis incapable de répondre sur le plan fiscal parce que je ne relève pas de l'administration fiscale. Sur le terrain pénal, je puis vous dire que Monaco coopère très bien.
Pour avoir à examiner des comptes sur place, je puis vous dire que cela marche très bien. Je parle d'expérience. Il y a eu, à un moment donné, un flou parce qu'il fallait que les demandes passent par la Chancellerie. Là aussi, il faudrait créer un contact direct : il faut passer par le procureur général de Monaco.
Je vais vous dire une chose : lorsque j'ai une demande à faire à Genève - et je travaille souvent avec la Suisse -, je transmets directement par fax ou par mail ma demande au procureur de Genève, que je connais. Je n'ai pas besoin de demander l'autorisation à la Chancellerie. On dit toujours que l'on envoie un exemplaire par la voie diplomatique. Mais, à Genève, je peux bloquer de l'argent dans les vingt-quatre heures, et il en est de même au Luxembourg. Cela montre bien que ça peut fonctionner, mais grâce aux conventions.
Il n'en a pas toujours été ainsi, et il y a un certain nombre de pays, tels que Hong Kong - c'est loin, Hong Kong ! - pour lesquels la demande doit passer par la Chancellerie, le ministère de la justice, etc. D'entrée de jeu, vous savez que vous perdez presque un mois ou deux. En plus, à Hong Kong, ils arguent toujours du fait que quelque chose ne va pas : par exemple, une virgule n'est pas à sa place. On peut toujours vouloir coopérer, mais, dans certains pays, il y a toujours des problèmes là où il n'y en a pas ailleurs. Le dialogue n'est jamais direct, il faut passer par la Chancellerie. La procédure est très lourde et, à chaque fois, cela prend des mois et des mois. Si, dans un dossier, vous avez trois circuits qui passent par Hong Kong, Singapour ou encore l'île Maurice, que j'ai citée tout à l'heure, vous imaginez...
À l'île Maurice, certaines demandes de commissions rogatoires ne sont jamais arrivées, elles se sont perdues avant d'arriver sous les cocotiers ! Lorsque vous demandez au bout d'un an où est passée votre commission rogatoire, on vous répond qu'on n'a rien reçu.
Ce sont là des questions concrètes de coopération. L'idée, simple, c'est que chaque autorité judiciaire puisse avoir un contact direct avec l'autorité judiciaire qui exécute. Il serait déjà énorme d'arriver à ce résultat.
Permettez-moi de prendre encore l'exemple des Bahamas.
J'ai perdu des mois avec les Bahamas, sans que je puisse faire autrement, jusqu'au jour où j'ai appelé la Chancellerie pour lui demander ce qu'il était advenu de ma commission rogatoire. On m'a répondu : elle est partie au Quai d'Orsay ; on va les appeler. Je leur ai dit que j'allais moi aussi les appeler - vous savez, le Quai d'Orsay n'aime pas trop qu'on l'appelle ! - et j'ai appris que ma commission rogatoire était à l'ambassade de France à Kingston, une ville que je ne connaissais pas du tout, à la Jamaïque. Vous le voyez, il y a toujours des grains de sable qui font qu'il faut avoir des contacts directs.
Si vous voulez mon avis sur l'administration fiscale, il faut faire confiance aux inspecteurs des impôts, comme vous le disiez tout à l'heure. Eux aussi doivent pouvoir avoir des contacts directs, parce que, chaque fois, les circuits sont compliqués : il suffit que quelqu'un laisse traîner le dossier sur son bureau et cela prend un mois. C'est ce que j'appelle l'efficience. Moi, je crois beaucoup à l'efficience. Mais je sais malheureusement que si j'ai, demain, une demande à faire aux Bahamas, j'en ai pour trois mois au moins avant que celle-ci arrive. J'ai beau appeler partout, je ne peux rien faire.