...afin de ne pas risquer un nouveau blocage dans la construction de cette Europe démocratique, sociale et pacifique, dont le rêve a commencé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et dont nous avons aujourd'hui plus que jamais besoin.
J'ai pourtant bien conscience, mes chers collègues, des insuffisances de ce texte, voire des dangers qu'il comporte.
C'est bien dans le cadre des nouvelles institutions prévues par le traité qu'il faudra donner du contenu politique à la construction européenne.
Le Conseil européen d'après-demain est, de ce point de vue, une étape importante puisque l'ordre du jour en est particulièrement chargé.
Outre les questions institutionnelles, notamment la ratification du nouveau traité et la charte des droits fondamentaux, la question du changement climatique, l'élargissement de l'espace Schengen, la perspective de développement de l'Union méditerranéenne, le partenariat entre l'Union européenne et l'Afrique, ainsi que la lutte contre le terrorisme international constituent les sujets majeurs pour définir le modèle politique original que l'Europe peut proposer à ses citoyens.
Sur ce point, il faut bien reconnaître qu'il existe un danger de voir l'Europe se construire au détriment des droits, de la sécurité juridique et de l'égalité entre les citoyens européens.
Le risque est en effet sérieux de voir se créer au sein de l'Union européenne deux catégories de citoyens : ceux qui bénéficient de droits pleins et ceux qui devront se contenter de la portion congrue. Cette disparité est évidemment dangereuse dans la mesure où elle peut porter atteinte à la citoyenneté européenne globale, alors même que celle-ci n'est encore, pour l'essentiel, qu'une citoyenneté en devenir.
En définitive, toute la question est de savoir si l'on veut une Europe à la carte, différenciée selon les sujets - méthode qui ferait la part belle à l'approche intergouvernementale -, ou si l'on veut, au contraire, favoriser une organisation politique européenne plus intégrée autour d'un corps de politiques publiques communes.
En ce qui me concerne, c'est évidemment cette dernière perspective que je souhaite privilégier, étant entendu que les nécessaires harmonisations fiscales et sociales devront se faire vers le haut et non vers le bas, même si ces rapprochements, à l'évidence, prendront, chacun le sait, beaucoup de temps.
Je terminerai en soulignant que si ce traité constitue un pas dans la bonne direction, les choix politiques principaux restent aujourd'hui en suspens. Quelle Europe voulons-nous construire ? Quels transferts de compétence sommes-nous prêts à accepter dans le cadre de la subsidiarité ? Quel socle commun sur les plans économiques et sociaux serons-nous capables de promouvoir dans la disparité des situations des membres de l'Union européenne ? Quelles frontières souhaitons-nous, à terme, pour l'Union européenne ?
Toutes ces questions sont aujourd'hui ouvertes et il conviendra, dans le cadre notamment de la présidence française de l'Union européenne, de les inscrire à l'ordre du jour.
Il faudra que nous sortions des discussions interminables sur les problèmes institutionnels pour nous concentrer résolument sur les questions de fond. Nos concitoyens européens attendent des réponses sur ces questions essentielles qui concernent leur vie quotidienne.
Au nom du groupe socialiste, mes chers collègues, je voudrais rappeler la nécessité impérieuse de construire l'Europe des citoyens et de les associer à ce projet afin qu'ils se l'approprient. Jean Monnet disait : « Rien n'est possible sans les hommes ».
L'Europe se fera si elle apporte le progrès aux nations qui la composent. L'Europe ne se fera pas si elle apparaît seulement comme une superstructure technocratique. Elle a en revanche toutes ses chances si elle apporte un plus aux nations et aux citoyens qui la composent parce qu'ils se sentiront personnellement concernés.