Intervention de Jean Pujol

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 23 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jean Pujol avocat conseiller élu des français à l'étranger

Jean Pujol, conseiller des Français de l'étranger :

Évidemment, je ne peux que me référer aux chiffres qui circulent, lesquels sont d'ailleurs extrêmement disparates.

Comme je l'ai rappelé dans mon exposé, le Français a une nature très étrange, caractérisée par un manque de mobilité et un goût du terroir, qu'on lui a souvent reprochés.

Je crois que ce qui caractérise l'exilé fiscal, au sens où la vindicte publique l'entend, c'est qu'il voudrait mettre à l'abri patrimoine et revenus, tout en continuant à habiter en France. C'est ma définition de l'exilé fiscal.

En réalité, il s'agit donc d'un faux exil. C'est pourquoi je disais tout à l'heure que l'arsenal législatif français, s'il est bien utilisé, voire tout simplement utilisé, ce qui n'est pas le cas, est à même de détecter ce genre de situation.

Il en va de l'évasion fiscale comme de l'évasion de prison : il n'est pas d'endroit d'où les gens ne peuvent pas s'évader. Bien sûr, tout cela aura un prix pour le candidat au départ.

Mais, à mon sens, l'« exilé fiscal » est celui qui refuse les inconvénients de l'expatriation, lesquels sont nombreux.

Le chiffrage est très difficile à faire, d'autant que la catégorie regroupe non seulement les Français, mais également les domiciliés fiscaux qui ne sont pas français. Mais, à mon avis, si l'on parle de personnes qui véritablement quittent le confort de leurs habitudes, le pourcentage doit difficilement arriver à 1 %, d'après les chiffres qui circulent.

À la lecture du rapport que j'ai cité au début de mon intervention, il est frappant de constater que l'expatriation des personnes susceptibles d'avoir ce profil, c'est-à-dire les plus de soixante ans, est en diminution. Je le répète, le chiffrage est difficile, mais je ne pense pas que le nombre soit vraiment supérieur à celui que j'ai cité.

S'agissant de la personne qui s'en va vraiment, non pas pour s'installer sous les cocotiers, à Tahiti - l'exemple serait mal choisi, puisque, si ce territoire fait bénéficier ses habitants d'importants avantages fiscaux, sous les auspices de la mère patrie, l'installation en question ne constituerait pas un exil fiscal - disons plutôt aux Marquises ou, pas très loin, aux îles Fidji, je peux dire avec certitude que la personne qui utiliserait des conventions de non-imposition pour aller se mettre à l'abri dans un pays doit absolument y séjourner plus de 183 jours et être susceptible, à tout moment, de démontrer au fisc français que le centre principal de ses intérêts a été déplacé à cet endroit.

Cela nous renvoie à la théorie de l'abus de droit que j'ai évoquée tout à l'heure : la requalification, instrument extraordinaire à la disposition du fisc, est tout à fait dissuasive. Si vous entendez des fiscalistes français, ils vous confirmeront que c'est un obstacle majeur, non seulement pour les personnes souhaitant s'expatrier en toute légalité, mais surtout pour le candidat à l'exil qui souhaite « le beurre et l'argent du beurre ».

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