Je ne suis pas opposé à un tel allongement.
De toute façon, la notion de prescription est liée à celle de délit continu. Cela pourrait donc être l'objet d'une réflexion qui dépasse largement ce cadre pour entrer dans celui des prescriptions en général.
Mais pourquoi pas un délai de dix ans, de trente ans, voire un délai imprescriptible ?
Quand je suis arrivé en Andorre, il n'y avait pas de prescription. Grâce à l'Église, un délai de prescription a été fixé à cent ans, avant d'être ramené à trente ans grâce à l'influence des magistrats français dans les juridictions andorranes. Je suis donc très ouvert en matière de prescription.
À la déchéance de la nationalité s'oppose un principe de droit fondamental international que vous connaissez aussi bien que moi : on ne peut retirer la nationalité qu'à quelqu'un qui en possède une autre. Ce principe a, me semble-t-il, été posé par la convention sur la réduction des cas d'apatridie, signée à New York en 1954.
Permettez-moi une plaisanterie : puisque le président de la République est Coprince d'Andorre, pourquoi ne pas « donner » la nationalité andorrane à ceux à qui l'on aurait retiré la nationalité française ?
Plus sérieusement, la France n'ayant pas la capacité d'attribuer une autre nationalité, je ne vois pas très bien comment la déchéance pourrait être instituée tout en respectant le principe général posé par la convention de New York. En outre, si la philosophie fiscale française évoluait et si l'on rattachait la fiscalité, non plus seulement à la territorialité, mais aussi à la nationalité, vous n'auriez pas besoin d'instituer la déchéance.
Dans le cas contraire, les personnes ayant la chance d'être binationaux ou multinationaux partiront, non pour ne pas payer d'impôts, mais parce qu'elles y verront un rejet de leur mère patrie, une fustigation. Mais, comme je vous l'ai dit, cela concernera très peu de personnes.
J'ai déjà entendu des réactions en Andorre, dont il est très difficile d'acquérir la nationalité : il faut vingt ans de résidence pour devenir andorran. Quelques personnes de ma connaissance qui satisfont cette condition m'ont dit qu'elles prendraient la nationalité andorrane cette année et qu'elles désinvestiraient tout si la France ne voulait pas d'eux. Les réflexions sur l'institution d'une déchéance de nationalité passent très mal, car la relation avec le pays d'origine revêt un caractère émotionnel.
La déchéance est donc selon moi une très mauvaise piste.
En effet, imaginez que cette loi soit votée et qu'elle n'ait aucun effet : cela signifierait que la nationalité française n'a aucune attractivité ! Ce serait encore pire ! Si les gens se moquent d'être déchus de la nationalité française, s'ils considèrent que ne plus payer d'impôts vaut la peine d'être déchu de sa nationalité, on aura prouvé non pas que la France rejette les gens, mais bien que les gens rejettent la France !
Or la France doit être attractive ! La France, c'est le pays des droits de l'homme, c'est le pays de la liberté ; elle a un message à passer. À cet égard, le nombre de ses nationaux doit évoluer à la hausse, et non à la baisse.
Dernier point, cette histoire de France dont on parle a commencé il y a longtemps - nous avons, par chez moi, des grottes préhistoriques qui remontent à 20 000 ans avant Jésus-Christ - et continuera, je l'espère, encore bien longtemps.
Certes, la conjoncture actuelle est marquée par des difficultés importantes, mais, d'une manière ou d'une autre, nous les surmonterons, tous ensemble. Il ne faut donc pas se focaliser sur des mesures aussi brutales et aussi lourdes de sens - et, de surcroît, inefficaces.