En vous entendant, on a un peu l'impression que le modèle économique du football français est en train de changer, et très rapidement. Non seulement il change rapidement, mais en plus il nous échappe jusqu'à un certain point.
Je reviens sur ce que vous avez dit à propos de la « solidarité », terme que vous avez utilisé deux fois, dans la réglementation qui est la nôtre sur le territoire national. La solidarité, c'est quand même une vertu.
Vous avez reconnu, et je crois partager votre avis sur ce point, que notre cadre juridique de fonctionnement était plutôt satisfaisant par rapport à d'autres pays, même s'il pouvait être imparfait.
Vous avez évoqué la solidarité entre la première division et la deuxième division.
À mon sens, l'évolution actuelle est largement incontrôlable. Il s'agit de puissances d'argent qui ne fonctionnent pas forcément sur les mêmes bases. Vous avez fait référence au cas espagnol, dont le mode de fonctionnement semble le plus erratique.
Il n'en demeure pas moins que Canal+ est effectivement un monopole - Le Figaro a publié aujourd'hui un grand article qui n'a pas dû vous échapper - et est devant l'Autorité de la concurrence. Si vous me permettez l'expression, Canal+ devra être un jour désossé pour être plus conforme aux règles de la concurrence, du moins telles que nous les concevons sur le territoire national.
Comme le groupe Orange est déjà évincé, on voit monter en puissance des forces étrangères, le Qatar, pour ne pas le citer. Pas plus tard que ce matin, ce pays a annoncé être prêt à investir - vous rectifierez si j'ai mal compris - plusieurs centaines de millions d'euros pour agrandir le Parc des princes.
Il s'agit de sommes colossales. Peut-être que je ne comprends pas très bien les règles du jeu - en m'adressant à vous, j'essaye justement d'avoir un point de vue un peu plus éclairé sur les questions que nous nous posons -, mais je m'interroge tout de même sur les conséquences possibles à terme.
Ce matin, j'ai entendu le président du Paris Saint-Germain déclarer en anglais : « Nous voulons faire du Paris Saint-Germain un club d'envergure internationale au même titre que les grands clubs comme le Barça ou le Bayern de Munich. » C'est tout à son honneur, mais cela peut avoir des conséquences.
En effet, si cette démarche peut dans un premier temps flatter notre fierté, quid à terme des autres ? Lorsque Canal+ sera placé en situation de respecter la concurrence - cela va prendre peut-être un certain temps, mais cela viendra tôt ou tard -, nous aurons un mode de diffusion éclaté.
On pourrait alors se retrouver avec deux ou trois clubs véritablement intéressants. Quant aux autres, ils seront du niveau de la deuxième division, avec tout le respect qu'on peut avoir pour la deuxième division, ou, pire, de la division d'honneur. Tout cela parce qu'on n'arrivera plus à suivre dans le modèle vertueux que nous nous sommes donné et que vous avez souligné à plusieurs reprises.
Mon propos n'est pas du tout ironique, ni calculé, ni stratégique. Je crois que la situation est dangereuse pour nous. Le président du Paris Saint-Germain est non seulement en mesure d'investir, et très rapidement, 400 millions d'euros dans la construction du stade, mais il dispose en plus de toute une armada audiovisuelle étrangère, sur laquelle il va naturellement s'appuyer - si j'étais à sa place, c'est ce que je ferais - pour évincer nos organes de diffusion audiovisuelle nationaux.
C'est sur cela que je voulais vous interroger.