Intervention de Marie-Rose Rodrigues Martins

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 9 juin 2021 à 16h35
Audition des représentants des syndicats de l'enseignement

Marie-Rose Rodrigues Martins, représentante du SNUIpp-FSU :

Je souhaite lire une déclaration au nom de la Fédération syndicale unitaire (FSU). Les professionnels de l'Éducation nationale sont depuis plusieurs décennies mobilisés contre les violences en milieu scolaire bien avant qu'Éric Débarbieux se voie confier une mission en 2011. Ces équipes, s'appuyant sur la professionnalité des personnels formés, ont développé des outils à l'époque où aucune ressource institutionnelle n'existait.

Pour cette table ronde à laquelle elle a été invitée, la FSU a fait le choix de porter ici même son analyse issue d'un travail de réflexion auquel ont participé les représentants des professionnels du terrain concernés par le problème des violences en milieu scolaire.

Concernant le questionnaire « indicatif » proposé aux syndicats enseignants, nous, représentants de la FSU présents à cette audience, avons considéré que cette modalité ne permettrait pas de débattre longuement. Toutefois la FSU s'engage à vous envoyer des éléments écrits pour le mercredi 30 juin.

Nous vous proposons donc quelques éléments d'analyse à partir d'éléments du terrain et de points et questions évoqués dans le questionnaire qui, nous l'espérons, contribueront au débat.

Il y a tout d'abord des points positifs. La politique publique depuis 2011 sur la problématique des violences en milieu scolaire avec inscription dans la loi, jusqu'à cette année essentiellement axée sur le second degré, donne des résultats. Le bureau du premier degré de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) reconnait aujourd'hui l'existence du harcèlement dans le premier degré, alors que l'enquête Debarbieux le montrait très bien dès l'âge de 7-8 ans. La dernière campagne de communication « ce n'est pas parce que je suis petit que j'ai des petits problèmes » ainsi que la mise en place d'une enquête premier degré élèves et personnels en 2019 sont des mesures que nous jugeons positives. Les enquêtes nationales de victimisation et de climat scolaire (tous les 3 ans dans les collèges, tous les 3 ans dans les lycées, et pour la première fois dans le premier degré) ont permis de montrer que le phénomène se tassait : on est passé de 10 % à 7 % environ.

Le programme pHARe du ministère de l'éducation nationale entend généraliser certaines mesures déjà existantes sur le terrain. C'est un élément positif. Nous appelons toutefois à la vigilance face aux injonctions descendantes pas toujours adaptées selon les territoires.

Nous avons néanmoins plusieurs points de vigilance : les mots sont importants. Harcèlement scolaire interroge une éventuelle violence de l'institution. Notre réflexion concerne le harcèlement subi par un ou une élève du fait de ses pairs. Il convient donc de préciser qu'il s'agit de harcèlement en milieu scolaire.

La politique de prévention se réduit actuellement à celle de la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire. Il convient de travailler sur le problème de façon systémique à partir des travaux et expérimentations menés sur le climat scolaire. Traiter les problèmes de violence nécessite de traiter les sept facteurs du climat scolaire dont la justice scolaire, dans une démarche d'objectif de réussite des élèves, et non pas dans l'objectif de faire du climat scolaire un critère de comparaison entre établissements comme le suggère le ministre.

La problématique du cyberharcèlement - à ce terme nous préférons celui de cyber-violence - nécessiterait des moyens plus importants car il y a un risque que cela devienne un problème de santé publique. Car à partir de quand considère-t-on que ce qui relève de la cyber-violence concerne l'école plutôt que la société toute entière ?

Lutter contre le harcèlement c'est faire un travail systémique sur le climat scolaire afin que le climat relationnel soit au centre des préoccupations de tous.

Trop souvent encore, face à une situation demandant une réaction urgente, la victime de harcèlement est déplacée dans une autre école ou un autre établissement, alors qu'il conviendrait de donner les moyens aux équipes d'engager une réflexion collective avec tous les partenaires et proposer des actions à court terme mais aussi à moyen terme et à long terme.

Le terme d'« enseignants pas armés » (sondage IFOP) est inapproprié. N'ayons pas peur des mots, ils et elles ne sont pas formés (ni en formation initiale, ni en formation continue) à gérer des situations de violences pas plus qu'ils et elles ne sont formés à celles d'élèves à besoins éducatifs particuliers ou à la co-éducation. Aujourd'hui ce sont encore les professionnels qualifiés dans l'écoute et la prise en charge qui interviennent. Si les ressources et outils existent pour les enseignants - le site web « climat scolaire » est très fréquenté - ils sont peu connus ou développés par l'institution et les moyens pour leur diffusion collaborative insuffisants. La formation ne peut être une auto-formation. Ce qui est encore malheureusement le cas dans le programme pHARe. Le e-learning a de réelles limites. Rien ne remplace les regards croisés. L'expertise des acteurs et actrices de terrain ne peut pas ne pas être prise en compte. Une formation en deux jours clef en mains peut-elle « armer » les personnels ?

Peu ou pas de référence à la nécessaire collaboration école/familles pourtant essentielle est faite. Comment faire des parents des personnes ressources ou a minima des partenaires ?

La façon dont est posée la question concernant les non-enseignants laisse entendre que les relations dépendent des enseignants. L'équipe pluri-professionnelle constituée de personnels du service public formés est un outil précieux dans la prévention des violences. Elle n'a pas les moyens de faire vivre (temps, formation commune...) le collectif. Le non-recrutement de psychologues, assistantes sociales infirmières ou de CPE constitue un obstacle au travail d'équipe et à leurs missions de service public.

Les numéros d'appel, même s'ils sont diffusés et connus restent un outil peu efficace. Trop d'intermédiaires dans le traitement des demandes. Peu de remontées du fait des multiples canaux qui nécessitent un suivi. Les personnes qui reçoivent les appels ne sont pas suffisamment formées. Les appelants finissent par abandonner.

La solution proposée relève le plus souvent de la sanction. L'arsenal juridique ne permettrait pas d'enrayer les incidents selon nous.

Il y a eu trop peu de recherches sur la question depuis Éric Debarbieux.

Oui, il faut libérer la parole. Mais quand, comment ? Et qu'en fait-on ?

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