Oui, mais c'est déjà un volet du projet d'établissement, qui doit avoir une cohérence. On ne peut pas isoler les problématiques, sinon on risque de se heurter à des dysfonctionnements. Nous disposons de tous les outils.
Pour commencer, le climat scolaire est fondamental. Un climat scolaire apaisé est un élément de prévention contre le harcèlement.
Le projet d'établissement est également un dispositif intéressant : c'est tout naturellement dans ce document qu'on élabore collectivement tous les projets de lutte contre le harcèlement. Je reviendrai dessus pour dire en quoi cela est compliqué.
Nous disposons aussi d'un règlement intérieur, qui est un texte juridique à visée éducative. La mention du harcèlement dans ce texte peut être l'aboutissement d'une première prise en main par l'ensemble de la communauté.
Par ailleurs, le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) est un lieu collégial d'échange où l'on peut construire des plans d'action, élaborer une stratégie concertée contre le harcèlement. On peut construire ainsi l'information en classe et auprès des personnels, la sensibilisation des parents d'élèves, la mise en place de dispositifs d'interventions, de prise en charge des victimes et des harceleurs.
L'heure de vie de classe est aussi un moment de régulation de groupe. Les problématiques de citoyenneté et de santé peuvent y être évoquées, et notamment celle du harcèlement, en co-animation avec le professeur et, le cas échéant, un professeur documentaliste, une assistance sociale, une infirmière, le CPE mais aussi le personnel de direction. Pour ce qui concerne mon établissement, nous travaillons la vie de classe avec l'équipe de direction. Cela peut être utilisé pour résoudre un cas de harcèlement avéré dans la classe, parallèlement au suivi de la victime et de l'agresseur. Un temps collectif est aussi important dans la résolution des difficultés : il permet, après coup, aux élèves de comprendre la démarche des adultes et de se repositionner en toute connaissance de cause par rapport aux protagonistes. Aucune des parties n'est donc à négliger, que ce soit les victimes, les agresseurs, les complices et les spectateurs.
Nous disposons aussi des instances d'élèves : le conseil de la vie lycéenne ou le conseil de la vie collégienne. Tout un travail est fait autour de la formation des délégués. La lutte contre le harcèlement trouve naturellement sa place au sein de ses instances.
Nous avons ces outils à disposition, qui nécessitent un travail collégial. Mais ce n'est pas toujours évident, car on se heurte parfois aux incohérences de notre institution. Par exemple, les personnels défendent le projet d'établissement, mais l'institution a fait un autre choix ces dernières années, où on a vu les projets d'établissement plus ou moins abandonnés au profit des contrats d'objectif et des lettres de mission des chefs d'établissement. C'est une vision plus managériale, qui a mis à mal le travail collectif des projets d'établissement. On en reparle et ils réapparaissent.
En outre, le travail de vie de classe a été ébranlé avec la réforme du lycée, puisqu'on assiste à l'explosion du groupe classe. Le travail qu'on pouvait faire en partant de l'unité de la classe dans différents domaines a été secoué, voire annihilé. Les enseignements de spécialité et les groupes recomposés qu'ils induisent rendent ce travail très compliqué. On l'a vu l'an dernier lors de la constitution des conseils de classe, où l'on a dû gérer 50 professeurs pour un même groupe d'élèves, ce qui a été très compliqué.
En tant qu'acteurs de terrain avec tous les outils dont on essaie de s'emparer, on éprouve aussi cette difficulté : ces outils très intéressants sur le papier sont compliqués à l'usage, dans des situations de gestion de l'institution qui évolue. Lorsqu'on est dans une vision managériale et qu'on administre la tâche éducative, ce travail de fond est sacrément secoué.