Intervention de Sandrine Gaudin

Commission des affaires européennes — Réunion du 10 décembre 2020 à 9h00
Institutions européennes — Audition de Mme Sandrine Gaudin secrétaire générale des affaires européennes et de M. Xavier Lapeyre de cabanes secrétaire général de la présidence française du conseil de l'union européenne

Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes :

Je commencerai par évoquer ce qu'est une présidence et la bonne organisation à mettre en place pour anticiper cet événement qui ne revient pas très souvent. Nous assurons pour la treizième fois la présidence tournante du Conseil européen et nous n'aurons pas l'occasion de le faire de nouveau avant sans doute une quinzaine d'années.

Cet exercice nécessite beaucoup de préparation et une grande anticipation, parce que c'est une responsabilité institutionnelle et politique majeure pour le bon fonctionnement des institutions de l'Union, à commencer par le Conseil des ministres.

Il appartient tout d'abord à une présidence d'assurer la continuité des travaux du Conseil, c'est-à-dire de bien conduire les travaux des différentes formations du Conseil, et de faire l'interface avec les autres institutions, à commencer par le Parlement européen puisque le Conseil est l'un des deux colégislateurs de la procédure législative ordinaire de l'Union européenne.

Il nous appartiendra à ce titre pendant ces six mois de faire progresser les travaux législatifs, qui sont toujours assez fournis puisque l'Union européenne est une organisation qui légifère et régule beaucoup de domaines.

Notre responsabilité consistera à conduire ces travaux de façon impartiale et dans l'intérêt général de l'Union, mais il va de soi que chaque présidence a à coeur de donner une impulsion particulière à sa vision de l'Europe. Nous essaierons non pas de favoriser notre agenda européen - l'agenda européen est déjà suffisamment fourni -, mais nous donnerons un relief particulier à notre vision de l'Europe. Cette vision de l'Europe et du projet européen est déclinée dans les discours du Président de la République, notamment dans celui qu'il a tenu à la Sorbonne. Nous aimerions laisser une marque particulière à l'issue de ces six mois par rapport à cette ambition portée par la France depuis 2017.

Une présidence, c'est aussi l'occasion de promouvoir l'Europe auprès des citoyens, de favoriser la communication sur l'Europe. Il est important de parler de l'Europe en France à cette période-là particulièrement, mais aussi de parler de la France en Europe, parce que c'est aussi l'occasion de valoriser son pays, comme le fait chaque présidence tournante du Conseil.

Comment nous organisons-nous pour réussir au mieux ce défi ? Nous passons beaucoup plus de temps, voire d'années, à nous organiser qu'à exercer à proprement parler pendant six mois la conduite des travaux du Conseil ! Nous voulons absolument marquer notre passage par des réussites, non seulement par des avancées dans le projet européen en matière législative, mais aussi par des progrès dans un certain nombre de domaines de coopération. Par exemple, en essayant d'approfondir les relations avec tel ou tel pays tiers ou de progresser dans la résolution de telle ou telle crise.

Nous allons préparer autant que possible les travaux que nous pouvons anticiper aujourd'hui, mais il faut être extrêmement modeste : nous devrons aussi gérer les crises du moment, en espérant qu'elles ne soient pas trop nombreuses. On l'a vu en 2008, lors de notre dernière expérience de présidence, elles peuvent parfois être importantes, se cumuler et, finalement, être au coeur de l'action des six mois de présidence du Conseil.

Nous devons aussi nous préparer à faire preuve d'une grande flexibilité pour faire face aux imprévus. On le voit aujourd'hui avec la crise sanitaire, faire fonctionner le Conseil dans ce genre de situation est un défi énorme.

La Représentation permanente à Bruxelles est l'acteur clé qui va piloter les négociations du Conseil. Elle doit être en mesure de s'appuyer sur un dispositif à Paris qui soit le plus efficace possible. De nombreuses réunions se passeront à Bruxelles, à Luxembourg, à Strasbourg, et à Paris comme le disait le secrétaire général de la présidence française - c'est sa mission d'organiser cette partie de l'activité que nous aurons pendant la présidence.

J'en viens au contexte politique dans lequel nous agirons en 2022. Nous serons à mi-parcours du mandat du Parlement européen et de la Commission issus des élections européennes de mai 2019. Nous serons à un moment charnière par rapport au cycle législatif et au « cycle de vie » des institutions. Il faut prendre en compte cet élément : nous hériterons sans doute d'un cycle de négociations qui ne sera pas achevé et peut-être d'une deuxième phase de ce quinquennat institutionnel européen à relancer.

Nous devrons piloter en début d'année les exercices rituels d'un agenda imposé à toutes les présidences de premier semestre. Par exemple, il faudra gérer la mise en oeuvre du semestre européen, c'est-à-dire l'exercice de coordination des politiques économiques. Comme nous serons en 2022 dans le plein moment de la mise en oeuvre des plans de relance nationaux et du plan de relance européen, cet exercice prendra un relief particulier.

Nous devrons aussi piloter des exercices plus traditionnels dans le domaine de la gestion des migrations ou des discussions sur l'élargissement - traditionnellement, des sujets de premier semestre.

Il faudra clôturer la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui sera lancée très prochainement.

Au niveau national, la France connaîtra un semestre électoral. Ce n'est pas inédit - ce fut le cas en 1995 - et cela arrive régulièrement à d'autres États, avec d'ailleurs parfois des changements politiques en cours de route.

La communication du Conseil des ministres du 4 novembre dernier a lancé le processus officiel de préparation de la présidence française. Je ne vais pas énumérer ici tous les défis à relever, ils sont fort nombreux.

Je terminerai sur le rôle des différents acteurs. La Représentation permanente est l'élément aux avant-postes de la présidence à Bruxelles. À Paris, nous avons plusieurs piliers. Il s'agit, d'abord, des ministères. Ce sont eux qui, via leur travail quotidien, animent chaque formation du Conseil. Chaque ministre aura la responsabilité extrêmement importante d'assurer la présidence de sa formation du Conseil avec toutes les enceintes préparatoires, qui sont pilotées par de hauts fonctionnaires. L'ensemble des ministères sont très fortement impliqués dans cette préparation. Un rôle central est bien sûr confié au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avec un ministre et un secrétaire d'État extrêmement engagés pour faire parler d'Europe en France. Ce ministère aura un rôle particulier dans la préparation de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, notamment dans l'exercice de clôture.

Le secrétariat général des affaires européennes, qui assure depuis près de 70 ans la coordination interministérielle sur les questions européennes, aura un rôle naturel dans la coordination interministérielle pour définir les priorités politiques de la présidence, pour faire en sorte que cette équipe de France qui travaille à la préparation de la présidence soit toujours active et mobilisée par l'organisation de réunions régulières, soit au SGAE, soit sous l'égide du cabinet du Premier ministre par des réunions interministérielles. Nous travaillons aujourd'hui à la préparation de nos priorités, notamment dans l'agenda législatif. Parmi tout ce qui figure déjà sur la table de négociation et ce qui pourrait arriver - la Commission européenne s'apprête à publier en 2021 un certain nombre de propositions législatives -, nous devons faire le tri entre ce que nous voulons absolument faire progresser pendant les six mois et ce qui nous paraît moins prioritaire.

La présidence est un exercice collectif majeur qui va impliquer, au plus haut sommet de l'État, le Président de la République et le Premier ministre, mais aussi, surtout depuis que le chef de l'État n'exerce plus la présidence du Conseil européen, les ministres qui seront en première ligne pour animer les travaux. Dans ce contexte, la relation avec le Parlement national est absolument essentielle. Les auditions régulières seront des moments clés, parce que vous pourrez entendre les ministres, mais aussi les hauts fonctionnaires que nous sommes à votre convenance, pour avoir avant et pendant la présidence des contacts forts et réguliers.

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