Concernant les essais cliniques, bien que le délai réglementaire soit de 60 jours, l'ANSM s'astreint à un délai de 45 jours, se plaçant ainsi parmi les agences les plus performantes d'Europe. Ce délai est tombé à une vingtaine de jours en moyenne durant la crise, et même onze jours au cours des mois d'avril et mai.
À l'heure actuelle, 130 essais cliniques ont été soumis à l'agence : 70 ont été autorisés, 19 ont été suspendus ou terminés, 31 ont été refusés, et 10 sont en cours d'instruction. Il s'agit majoritairement d'essais cliniques sur des médicaments ou des RIPH1. Ce nombre considérable d'essais a exigé une importante coordination, désormais prise en charge par le ministère. La rapidité d'évolution de l'épidémie, que ce soit à la hausse ou à la baisse, nous contraint à faire preuve d'une grande adaptation et entraine parfois des difficultés d'inclusion, certains essais ne parvenant plus à trouver de patients.
Concernant les prescriptions hors AMM, je rappelle que de très nombreux médicaments et indications disposent d'une AMM. Le paracétamol, qui soulage le symptôme de fébrilité de la Covid, se trouve bien dans son AMM et ne constitue nullement un médicament anodin ou inefficace. D'un point de vie collectif, l'AMM reste donc notre coeur d'activité. Les prescriptions hors AMM peuvent intervenir dans plusieurs configurations :
- Les essais cliniques : la prescription est ici, par nature, hors AMM, et certains essais peuvent d'ailleurs être lancés pour des motifs compassionnels. L'ANSM a favorisé les essais cliniques pour des médicaments posant difficulté. La prescription dans le cadre des essais cliniques présente l'avantage de l'encadrement : l'autorisation accordée par l'ANSM permet de garantir la sécurité maximale de l'essai, bien supérieure à celle observée dans le cadre d'un traitement courant réalisé à l'hôpital.
- Les situations relevant du champ législatif ou réglementaire, comme l'article 3131, qui permet à l'État d'autoriser le recours à un médicament, hors mise sur le marché. L'agence fournit alors à l'administration toute information utile pour encadrer l'utilisation, ce qui a été le cas pour le Kaletra ou l'hydroxychloroquine. Des cadres réglementaires président aux prescriptions hors AMM, qui sont assujetties à une autorisation temporaire d'utilisation (nominative ou de cohorte), et à une recommandation temporaire d'utilisation (qui permet d'utiliser un médicament disposant d'une AMM, mais pour une autre indication). L'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) et la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) relèvent toutes deux de la responsabilité de l'ANSM.
- Le code de la santé publique autorise le recours à des médicaments, hors mise sur le marché, s'il n'existe aucune autre alternative et si des données scientifiques valident leur utilisation. Il est question ici d'une autorisation au cas par cas, soumise à une obligation d'information du patient, une obligation de traçabilité, et une obligation de déclaration auprès de la sécurité sociale.
Je souligne que les dispositifs d'ATU et RTU sont particulièrement développés en France, et que la RTU ne connait pas d'équivalent en Europe.
Les études interventionnelles portent sur les essais cliniques, en particulier les RIPH1. La prise en charge des patients est alors organisée dans la perspective d'une étude, avec obligation d'obtenir l'autorisation d'un comité de protection des personnes (CPP) et de l'ANSM. Les études observationnelles sont quant à elles rétrospectives et portent sur d'anciens patients ayant reçu un traitement ordinaire. Ces études ne répondent à aucune obligation particulière, en dehors de la traditionnelle autorisation de la commission nationale informatique et liberté (CNIL), et s'inscrivent normalement dans le cadre d'une AMM. Cependant, en cette période de crise sanitaire, des études observationnelles ont pu être conduites sur l'utilisation de médicaments hors AMM par volonté réglementaire, et selon un encadrement strict. Enfin, il faut garder à l'esprit que la médecine est d'abord empirique : de nombreuses initiatives hors AMM ont été lancées, puisqu'aucun traitement véritablement efficace n'était disponible. Cet élan était tout à fait légitime, tout en appelant bien sûr une validation scientifique.
Pour ce qui est du Remdesevir, il a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'agence européenne, le 3 juillet. Cette autorisation s'est basée sur une étude « Remdesevir versus placebo » ayant confirmé une réduction de la durée d'hospitalisation. Aucun effet significatif sur la mortalité n'a cependant été relevé. De façon à disposer d'un accès au produit, l'ANSM a mis en place une ATU de cohorte le 2 juillet, après avis du CHMP. Aucune étude particulière n'a présidé à cette ATU. Je souligne que l'AMM accordée est conditionnelle, car basée sur l'étude sus-citée.