Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « ma conviction est que les statuts uniformes ont vécu et que chaque collectivité d’outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte un statut sur mesure ». Ces quelques mots du discours du président Jacques Chirac, le 11 mars 2000 à Madiana, en Martinique, font encore écho.
À l’instar de Victorin Lurel, je ne lirai pas l’allocution que j’avais préparée. Madame la ministre, finalement, vous nous aidez beaucoup : vous venez de nous donner raison. À entendre votre position – j’entends bien qu’elle n’est pas personnelle –, vous allez dans le sens des travaux qui sont actuellement menés par le groupe de travail sur la décentralisation dirigé par le président Larcher. Nous voyons à quel point l’État central fait preuve de rigidité.
Pour avoir participé à la dernière audition, très révélatrice, le démembrement d’une compétence entre État et collectivité, s’il peut se concevoir intellectuellement, est compliqué. Nous l’avons constaté s’agissant des liens entre Saint-Barthélemy, la direction de la sécurité sociale et la direction générale de l’offre des soins. Des points de blocage et des difficultés peuvent déjà être identifiés.
Je salue le travail de nos deux rapporteurs, qui ont pu aller jusqu’au bout de la démarche et trouver un équilibre dans le cadre des auditions – Victorin Lurel l’a rappelé –, avec l’auteur de la proposition. Cet équilibre, c’est l’expérimentation.
Il est étonnant que ce qui est possible dans certains territoires ne le soit pas dans d’autres. À Saint-Pierre-et-Miquelon, où nous n’avons pas la compétence du transport maritime en fret, nous venons de signer une convention avec le Gouvernement pour mener une expérimentation visant à faire en sorte que notre collectivité se l’approprie, sur une durée limitée.
Voilà pourquoi j’estime que le Gouvernement nous rend service sur ce texte : je ne comprends pas pourquoi ce qui est valable pour une collectivité mentionnée à l’article 74 de la Constitution ne l’est pas pour une autre dans le même cas.
La proposition des rapporteurs et de l’auteur relève du bon sens, car elle vise à mener une expérimentation dans le secteur de la santé et de la sécurité sociale, un domaine où les difficultés posées par le partage de compétences peuvent se comprendre ; j’entends les réserves évoquées par Victorin Lurel sur la multiplication ou, du moins, l’élargissement de l’expérimentation dans un second temps.
Je rends hommage à Micheline Jacques, qui a eu le mérite de vouloir faire bouger les choses. Charge au législateur et aux acteurs locaux de prendre leurs responsabilités dans les années qui viennent pour voir de quelle manière cette expérimentation peut vivre.
Je souhaite que le Sénat puisse se rallier non seulement à cette proposition de loi organique, mais aussi à la position de la commission.
De mon point de vue, ce texte est l’expression stricte de ce que nous demandons tous dans nos territoires : une approche de l’État différenciée, tenant compte des réalités de nos territoires, qu’ils se situent en outre-mer, dans l’Hexagone, dans les zones de montagne ou, de manière plus générale, dans des zones rurales.
Finalement, cette proposition de loi de Micheline Jacques ouvre la voie aux travaux menés par le Sénat, qui aboutiront, comme en 2020, à des propositions concrètes. Le président du Sénat l’a rappelé lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique, il faut plus de différenciation et de décentralisation, mais aussi un État plus fort dans les territoires.
Or la position du Gouvernement vient fragiliser cette saine et légitime ambition. Selon moi, quand les collectivités sont poussées à ce niveau de demande, c’est que les choses ne fonctionnent pas. Comme je le disais à Victorin Lurel, on parlera sans doute encore de cet hélicoptère dans une quinzaine d’années, parce que ce n’est pas si simple que cela à régler.
Sinon, les élus ne se seraient pas posé la question, madame la ministre, et Micheline Jacques n’aurait pas déposé cette proposition de loi organique. Nous ne sommes pas ici pour légiférer à tort et à travers ni pour nous faire plaisir en nous tapant sur la poitrine. Nous sommes ici pour régler des problèmes de nos concitoyens. Or il existe une vraie difficulté sur ce territoire, qui fait écho à une demande ancienne récurrente.
Le groupe RDSE dans son ensemble soutiendra bien évidemment cette proposition de loi organique modifiée avec l’assentiment des rapporteurs, qui ont trouvé, me semble-t-il, un point d’équilibre.
J’espère évidemment que nous trouverons également un équilibre dans le cadre de la navette parlementaire, si le texte est examiné par l’Assemblée nationale. Peut-être l’avis du Gouvernement évoluera-t-il. Au demeurant, j’aurais aimé connaître l’avis du ministre chargé des outre-mer, qui me semble fragilisé par une telle position. M. Carenco défend en effet l’ambition du Président de la République, qui s’est affirmé le 7 septembre dernier pour une approche différenciée en outre-mer, alors que Mme la ministre défend aujourd’hui une approche jacobine.
Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi, mes chers collègues.