Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 14 mars 2023 à 14h30
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a déjà été souligné, le rythme d’artificialisation de nos espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) est absolument insupportable. Il remet en cause notre autonomie alimentaire, la biodiversité de nos territoires et nos capacités de stockage du carbone.

Forte de ce constat, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) avait fait de l’objectif du zéro artificialisation nette l’une de ses propositions les plus fortes.

Nous le savons, l’engagement du Président de la République de reprendre « sans filtre » les propositions de la convention n’a vraiment pas été tenu, ce qui a suscité chez les 150 citoyens tirés au sort une immense déception.

Néanmoins, une mesure forte est passée à travers les mailles d’un tamis politique et technocratique pourtant particulièrement serré : l’objectif du zéro artificialisation nette en 2050, inscrit dans la loi Climat et résilience présentée par Barbara Pompili.

Cet objectif est ambitieux, car il rompt avec bien des logiques de développement.

Il rompt avec la course à l’installation de surfaces commerciales et de nouveaux habitants, dont les conséquences sont particulièrement visibles dans nos territoires, entre les lotissements s’étalant dans les périphéries des bourgs et les zones commerciales de nos entrées de villes.

Il est juste de dire que, avant même la loi ZAN, une prise de conscience était déjà à l’œuvre sur le caractère intenable de ce modèle de développement, ainsi que sur la nécessité de réduire la consommation des Enaf. Par exemple, dans bien des territoires, la taille des jardins des lotissements s’était déjà fortement réduite.

La loi Climat et résilience a le mérite d’accélérer le rythme pour atteindre les objectifs que nous nous sommes collectivement fixés. Pour notre part, nous soutenons donc clairement l’objectif du ZAN.

Cet objectif a, c’est vrai, inquiété les élus locaux, et le Sénat s’en fait l’écho. De fait, certaines difficultés réelles n’étaient pas résolues par le caractère quelque peu mécanique de l’application des objectifs initiaux. Ainsi, l’objectif de –50 % entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie passée devait s’appliquer à tous les territoires, quels que soient les efforts déjà effectués par les plus responsables d’entre eux.

Un éclaircissement était également nécessaire dans la prise en compte des grands projets nationaux qui ne pouvaient être intégrés dans le décompte local. La création d’une commission spéciale au Sénat pour répondre à ces questions et aboutir à une proposition de loi était donc légitime, et je souligne l’importance du travail mené par sa présidente et son rapporteur.

Le groupe écologiste approuve plusieurs points de ce texte, mais – et c’est un très gros « mais » ! – il ne peut pour autant soutenir d’autres propositions importantes qui en font partie.

Trois mesures nous semblent particulièrement problématiques et rejoignent les préoccupations de M. le ministre.

Tout d’abord, si nous soutenons la création d’un compte spécial pour les projets d’envergure nationale, il n’est pas possible de passer ceux-ci purement et simplement par pertes et profits sans les réaffecter aux enveloppes régionales, suivant une règle à préciser. Ce serait, sinon, remettre simplement en cause l’idée même du ZAN ; à ce stade, ce point n’est pas éclairci. Il reviendra aussi à l’État de préciser comment il s’applique à lui-même l’objectif de réduction de la consommation de terres naturelles, agricoles et forestières.

Ensuite, si nous soutenons les processus de renforcement en amont de la concertation, avec une conférence inter-Scot, ou ZAN, renforcée, nous ne pouvons remettre en cause le rapport de compatibilité dans le fascicule réglementaire entre Sraddet, Scot et PLU, sauf à prendre le risque que les élus de certains territoires ne rejouent le match en aval, ce qui conduirait à une multiplication des contentieux et à un ralentissement évident de la mise en œuvre du ZAN.

Enfin, l’ajout des terrains « herbacés » des particuliers dans la nomenclature après 2031 constitue une véritable aberration, qui pourrait permettre la construction au cours de la période 2031-2050 de lotissements ayant des parcelles de jardins plus grandes que dans la présente décennie, où la comptabilisation se fait sur la base de la consommation des Enaf. C’est, j’y insiste, aberrant !

Ce point, qui est pour nous un grand sujet de préoccupation, découle aussi d’un changement de méthode dont nous aurions pu nous passer en restant sur une logique de préservation des Enaf jusqu’en 2050.

Nous déposerons un amendement en ce sens, qui visera, pour pallier une véritable faiblesse de cette proposition de loi, à préciser les consommations maximales de foncier entre 2031 et 2041, ainsi qu’entre 2041 et 2050, avec une décélération progressive qui nous conduira au zéro artificialisation en 2050.

Si ces trois points devaient rester tels quels dans la proposition de loi, nous ne pourrions pas la voter, même si elle ne remet pas en cause, je le souligne, l’objectif du ZAN en 2050, qui est un enjeu environnemental majeur.

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