Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 14 mars 2023 à 14h30
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la déclinaison de l’objectif du zéro artificialisation nette dans les territoires est sans doute le sujet qui, depuis la promulgation de la loi Climat et Résilience, constitue la principale préoccupation de nos élus, quels que soient leur département et leur sensibilité politique.

Leur inquiétude a trait aux quatre points suivants.

Premièrement, quels sont les outils pour freiner les projets très consommateurs d’espace et respecter le calendrier imposé ?

Deuxièmement, comment répartir l’effort de réduction de l’artificialisation d’un territoire à l’autre ?

Troisièmement, comment associer les collectivités du bloc communal aux décisions structurantes qui seront prises à l’échelle régionale ?

Quatrièmement, quelle place auront les grands projets d’avenir dans le modèle du ZAN ?

En résumé, comment réussir à articuler des objectifs légitimes de sobriété foncière avec le développement des territoires ?

Les zones plus rurales craignent en effet de devenir la « variable d’ajustement » des zones plus attractives et d’être empêchées dans leurs projets de développement. Sobriété et développement peuvent apparaître comme une injonction paradoxale.

À cet égard, je tiens à souligner que le groupe socialiste n’a jamais remis en cause l’objectif du ZAN, comme d’ailleurs la plupart des maires et des élus. En témoignent les résultats de l’enquête qui avait été conduite par la commission des affaires économiques.

Pour autant, il faut entendre les craintes des élus, et nous estimons que la différenciation locale demeure, en l’espèce, un enjeu essentiel. Pour y répondre, nous demandons simplement au Gouvernement de la lisibilité, une concertation ascendante, une égalité de traitement entre les territoires, une implication de l’État pour les grands projets d’intérêt général et des moyens d’accompagnement.

En réalité, nous suivons attentivement cette question depuis les travaux préparatoires du projet de loi Climat et résilience, il y a deux ans.

Au mois de mai 2021, un groupe de travail spécifiquement consacré à ce texte avait été créé sur l’initiative de la commission des affaires économiques. À partir de la trentaine d’auditions menées auprès d’acteurs de l’aménagement du territoire, notre rapport avait posé trois principes permettant d’articuler une politique ambitieuse de lutte contre l’artificialisation : territorialiser, articuler et accompagner.

La conclusion de ce rapport n’a pas été suivie d’effet, pas plus que les réserves formulées par les acteurs locaux. Il nous faut donc rappeler que ce sont les deux décrets d’application publiés au printemps de 2022 qui ont contribué à la levée de boucliers des élus locaux contre l’objectif du ZAN.

Le Sénat y a répondu en proposant dans un premier temps une consultation en ligne des élus locaux. Le constat qui en fut tiré était simple : le cadre du ZAN est perfectible ; il doit être précisé et complété.

Pour ce faire, la mission conjointe de contrôle créée en septembre 2022, sur l’initiative de quatre commissions permanentes du Sénat, a réalisé un cycle d’auditions qui ont débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci contient 13 articles, articulés autour de quatre axes : le dialogue territorial et la gouvernance ; l’accompagnement des projets structurants de demain ; la prise en compte des spécificités des territoires ; la préparation de la transition vers le ZAN.

Les sénateurs socialistes ont proposé plusieurs enrichissements essentiels, qui ont été retenus par la commission.

Première avancée : le maintien de l’objectif de sobriété foncière, tel qu’il avait été adopté dans la loi Climat et résilience. L’article 4 prévoit désormais que l’artificialisation des sols résultant des projets d’intérêt national fasse l’objet d’une comptabilisation séparée et d’une trajectoire spécifique d’atteinte des objectifs du ZAN, placée sous la responsabilité de l’État.

Un rapport du Gouvernement présentera, tous les trois ans, l’état d’avancement des projets, et surtout les actions de réduction du rythme de cette artificialisation que l’État entend mettre en œuvre pour respecter ses propres engagements : utilisation des friches lui appartenant ; financement ou actions de renaturation. Nous avons aussi obtenu une comptabilisation séparée de l’artificialisation des projets d’envergure régionale au sein du Sraddet.

Seconde avancée : la réappropriation des friches, qui sont autant de terrains disponibles pouvant être réinvestis ou renaturés.

Compte tenu de l’importance des enjeux de territorialisation et de mutualisation, les territoires pourront désormais bénéficier, en toute transparence, d’un état exhaustif et documenté du stock disponible, des détails sur la localisation des terrains par département, sur leur nature et leur statut juridique, ainsi que d’une estimation des coûts des opérations de renaturation.

Lors de l’examen du texte en séance publique, nous souhaitons formuler des propositions sur la réhabilitation du bâti existant, car celle-ci répond, à la fois, aux objectifs du ZAN et aux besoins de logements ou de nouvelles activités dans les territoires ruraux. Un amendement visera à prévoir des dispositions spécifiques pour les bâtiments agricoles.

De même, nous proposerons un amendement tendant à insérer un article additionnel en vue de pondérer l’artificialisation issue de projets de construction ou d’aménagement pour des opérations destinées à la réalisation de programmes comportant majoritairement des logements sociaux.

Monsieur le ministre, quelques points devront être résolus durant nos débats : les modalités de mise en œuvre de la garantie rurale ; le choix entre rapport de compatibilité et rapport de prise en compte pour les règles du fascicule du Sraddet ; enfin, dans une moindre mesure, la qualification des pelouses et jardins en terrains artificialisés ou non.

Il nous faudra alors aborder la nécessaire suite qui s’imposera après le vote de cette loi, à savoir les questions de la fiscalité et du financement, qui sont, comme toujours, les sujets qui fâchent le plus.

Je salue, monsieur le ministre, votre volonté de laisser au Sénat la primauté des améliorations à apporter pour une application raisonnée du ZAN.

Cette question concerne évidemment en premier lieu les territoires et leurs élus. J’espère donc que nos débats et la commission mixte paritaire qui suivra seront rapidement conclusifs ! Nous aurons obtenu l’essentiel : que nos maires disposent enfin de clés d’application pour tenir cet objectif.

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