Intervention de Françoise Thiébault

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 20 mars 2023 à 15h00
Audition d'associations agissant dans le domaine de la rénovation énergétique

Françoise Thiébault, coordinatrice du secteur de l'énergie au Conseil national des associations familiales laïques :

Je partage très largement, au nom de mon mouvement, tout ce qui vient d'être dit. Si les ménages ne s'engagent pas autant que nécessaire dans la voie de la rénovation énergétique, c'est qu'ils ont perdu confiance après que l'on a constaté énormément de fraudes, d'arnaques, de malfaçons, dans le domaine des rénovations par gestes, financées à grand renfort de certificats d'économies d'énergie (C2E) et de coups de pouce « isolation » à 1 euro. On a vu le mal que tout cela a produit quant à la perception par les ménages de ce qu'est une rénovation énergétique - et je ne parle pas de la stérilisation à grande échelle de gisements d'efficacité énergétique gigantesques.

La question du financement reste en suspens : chacun se demande s'il va gagner quelque chose à faire réaliser des travaux ou si cela risque de lui coûter très cher. Pour ce qui est des malfaçons imputables aux entreprises qui ont bénéficié d'effets d'aubaine absolument considérables, l'enquête sur les travaux de rénovation énergétique dans les maisons individuelles (Trémi) de 2019 montrait que 700 000 personnes avaient fait un ou plusieurs gestes de rénovation sans aucun changement sur leur facture à la clef - 240 000 personnes avaient constaté des malfaçons et s'en étaient plaintes.

L'accompagnement est prévu dans la loi, mais les choses ont beaucoup de mal à « décoller », faute de conseillers en nombre suffisant. Nonobstant Mon Accompagnateur Rénov', dispositif qui vient tout juste d'être lancé, les gens ne savent pas vers qui se tourner. Ils ont accès à des plateformes de demande d'aides sur internet, mais on sait que 13 millions de Français sont en grande difficulté là où il s'agit d'effectuer des démarches numériques ; certains, pour cette raison, renoncent à percevoir la prime à laquelle ils ont droit.

Mon association a notamment vocation à traiter les réclamations, à aider les gens à accéder à leurs droits, à les informer et à les éduquer. On voit bien quels sont les méfaits causés par le développement exagéré d'un marché de la rénovation par gestes trop peu contrôlé, dans lequel il est extrêmement difficile, une fois les travaux réalisés, de faire valoir que la rénovation n'a pas été bien faite.

Nous préconisons nous aussi une rénovation globale, si possible en un seul geste, le cas échéant par étapes, si vraiment il est impossible de faire autrement - mais ces étapes doivent être planifiées selon une approche systémique. Nous demandons, comme la loi le dispose, que des financements pour tous soient mis en place : des aides d'État prioritairement adressées aux ménages modestes et très modestes.

À observer les évolutions pour 2023 de MaPrimeRénov' et des aides distribuées par l'Anah, on constate l'augmentation des plafonds des forfaits travaux pour les ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs, ce qui nous semble anormal. Les aides de l'État doivent prioritairement aller à ceux qui en ont le plus besoin ! En revanche, à supposer que l'on oblige tous les ménages à rénover globalement leur logement, qu'ils en soient propriétaire occupant ou propriétaire bailleur, il faudra mettre à leur disposition des systèmes de financement divers et variés ; je pense aux financements de France Stratégie, mais également au tiers financement, qui est très sécurisant, ou aux prêts hypothécaires, qui peuvent être intéressants. On a su mettre en place une obligation analogue pour les systèmes d'assainissement, avec le service public d'assainissement non collectif (Spanc) : en cas de mutation ou de décès, il y a obligation de mettre en place un Spanc. Pourquoi n'y arriverait-on pas dans le domaine de la rénovation énergétique ?

Nous plaidons aussi pour une progressivité dans les approches, afin de répondre aux inquiétudes que suscite le constat suivant : en la matière, on peine à recruter des opérateurs qualifiés et compétents. Il existe donc un véritable enjeu de formation et de montée en compétences de tous ceux qui oeuvrent dans le secteur de la rénovation énergétique.

J'ai été rapporteure, en 2005, d'un groupe de travail du Conseil national de la consommation sur la sécurité des installations électriques intérieures des particuliers. Nous avions constaté, avec les professions du secteur, que cela poserait problème de prévoir une obligation applicable tout de suite à tout le monde. Nous avons donc choisi de lancer le mouvement en commençant par les mutations et par les immeubles de plus de quinze ans, recommandant de réserver à ces situations, dans un premier temps, l'obligation de joindre au dossier fourni au notaire, dans le cadre d'une vente, le diagnostic d'état de l'installation intérieure d'électricité. Désormais, lorsqu'il ressort d'un état des lieux que des travaux de sécurité sont nécessaires, soit le vendeur se décide à les réaliser, soit cela fait baisser le prix du logement.

Pourquoi ne pas suivre cet exemple pour engager une rénovation énergétique progressive, en commençant par les mutations et les successions et par les passoires, avant éventuellement d'aller plus loin ? De cette façon, il nous paraîtrait possible d'atteindre nos objectifs, à condition que les financements nécessaires soient mobilisés pour couvrir les restes à charge et que des professionnels compétents soient en mesure d'intervenir. L'enjeu d'une rénovation de bonne qualité est de ne pas laisser derrière nous ces gisements d'efficacité énergétique : cela serait bon pour le climat comme pour le porte-monnaie de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion