Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 16 mars 2023 à 9h00
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Vote sur l'ensemble

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte soumis au vote du Parlement aujourd’hui est le fruit d’une CMP sans suspense, au cours de laquelle l’opposition a pris connaissance du résultat de réaménagements à la marge, négociés en amont avec le Gouvernement pour assurer les votes de la droite dans les deux chambres.

Dans le cadre d’un budget alloué aux mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme, nous avons assisté au compromis final, troquant une mesure contre une autre, tout en préservant la philosophie générale, qui est de faire travailler plus, par le report de 62 ans à 64 ans de l’âge ouvrant droit à la retraite.

Ainsi, le CDI senior, proposé par le Sénat, a été cantonné à une expérimentation, afin de libérer quelques centaines de millions d’euros pour un meilleur calibrage des carrières longues, dont dépendaient quelques votes de l’Assemblée nationale.

Ne soutenant pas la première mesure, et constatant que la seconde n’a pas atteint son but, nous remarquons néanmoins que la droite sénatoriale a consenti à abandonner une partie de ses amendements et remaniements du texte pour éviter un 49.3 à l’Assemblée nationale, après avoir consenti au 44.3 au Sénat.

Défendue depuis plusieurs années, cette réforme valait bien quelques sacrifices du rôle du Parlement… Son cœur est inchangé, tout comme son injustice et sa brutalité, ou sa dimension productiviste, puisque son impact a été évalué au gain d’un point de PIB.

Un point de PIB, au prix, pour beaucoup, d’un prolongement du sas de précarité et de pauvreté, d’une explosion des arrêts maladie de longue durée, du chômage ou du basculement dans les minimas, soit un coût social inédit et une fracture sociale approfondie, ignorée par les partisans de la réforme, qui n’ont rien d’autre à proposer qu’un index non contraignant, l’expérimentation d’un CDI fin de carrière, prétexte à de nouvelles exonérations, et un peu de surcote, contre la liberté de partir à la retraite.

Un point de PIB, vanté à coups de mensonges sur les 1 200 euros et de marchandages entre les droites et le Gouvernement, pour troquer une mesure d’atténuation contre une autre, avec l’objectif partagé de réaliser l’économie des dépenses sociales qui financera, in fine, les nouvelles baisses d’impôts des plus fortunés.

Un point de PIB, en imposant une augmentation contrainte de l’offre de travail et la concurrence entre travailleurs pour faire pression sur les salaires, après avoir dérégulé le marché de l’emploi, permis la dégradation des conditions de travail et voté une restriction des droits au chômage.

Un point de PIB, à contre-courant, ignorant les transformations sociétales et sociales en cours, la crise de l’attractivité, les vagues de démissions et le ras-le-bol face à la subordination salariale, au manque d’autonomie et de sens au travail.

Un point de PIB, que vous grappillez encore sur le travail, aggravant l’inégalité du partage des richesses, alors que la ponction des dividendes explose et capte, justement, de plus en plus de points de PIB.

Un point de PIB, parce que vous ignorez la diversité et l’utilité des services non marchands et le logiciel nouveau pour relever les défis sociaux et climatiques de notre siècle.

Un point de PIB, contre les préconisations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), arraché à la Terre, alors que la France dépasse déjà six des neuf limites planétaires et que s’aggravent les inégalités de patrimoines inconciliables avec la bifurcation écologique.

Un point de PIB, parce que vous êtes prisonniers d’un logiciel productiviste, incapables d’imaginer une prospérité sans croissance, où serait possible, et même nécessaire, une réduction du temps de travail.

Un point de PIB, enfin, en bafouant les corps intermédiaires, acteurs représentatifs de la démocratie sociale moderne, en brutalisant le Parlement, en ignorant le refus radical de cette réforme par le peuple français, en l’imposant comme si ce n’était qu’un mauvais moment à passer.

Vous vous trompez ! Votre refus de la solution de cette impasse, à savoir le recours au référendum, est un nouvel aveu de faiblesse. Retirez votre projet ou soumettez-le au référendum, car vous n’avez pas de mandat du peuple français pour cette réforme.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte, bien entendu, et il vous appelle, messieurs les ministres, à faire preuve de responsabilité et à retirer votre réforme.

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