Intervention de Fabien Gay

Réunion du 16 mars 2023 à 9h00
Allocation logement et habitat non décent — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Mes chers collègues, en février dernier, vous étiez nombreux dans cet hémicycle à ne pas avoir de mots assez durs pour condamner les locataires dans l’incapacité de payer leurs loyers. Ce sont d’ailleurs les mêmes à qui vous avez décidé d’ajouter deux ans de travail…

Aujourd’hui, nous nous retrouvons pour aborder l’autre partie du contrat, si l’on peut dire. Les locataires ne sont pas les seuls à avoir des devoirs ; il y a aussi, et même d’abord, les propriétaires.

La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui est audacieuse. Elle a le mérite de poser clairement le problème du mal-logement et d’y apporter des éléments de réponse.

En vous attaquant aux logements non décents, vous soulevez aussi, et peut-être même surtout, la question des passoires thermiques.

Plusieurs catégories de logements seront progressivement interdites à la location ; tant mieux pour les locataires et pour la lutte contre le gaspillage d’énergie ! Cela concerne d’abord les logements G+, dès cette année, puis G, à partir de 2025, F en 2028, et ainsi de suite.

Nous sommes tout à fait convaincus qu’il faut développer des mesures fortes contre ces passoires thermiques. Les situations sont très inégales sur le territoire, mais elles sont trop nombreuses. Il sera nécessaire d’agir en profondeur pour mieux isoler les logements et mieux protéger les locataires. Quelque 12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique. Cet enjeu doit être prioritaire.

Tous les outils pour mesurer les performances énergétiques des logements ne sont pas toujours concordants. Il est nécessaire d’affiner quelque peu ces instruments, pour qu’aucun logement ne sorte des radars ou ne soit intégré à la mauvaise catégorie.

Il y a un besoin réel et urgent de vérifier la fiabilité de la classification et de déterminer des outils et un référentiel qui soient identiques, quelles que soient la localisation du logement et la nature du propriétaire.

Cependant, il faut distinguer le propriétaire de bonne foi, qui possède un logement mis en location et qui n’a pas les moyens de réaliser les travaux, du multipropriétaire qui empoche de nombreux loyers sans jamais mettre un euro dans l’entretien ou l’isolation du logement.

Il faut aussi faire la part des choses avec les bailleurs sociaux, dont les finances ont été durement ponctionnées, notamment avec la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Pour les propriétaires de bonne foi, comme pour les bailleurs sociaux, la réponse selon laquelle il faudrait bloquer leurs ressources pour qu’ils fassent les travaux est un peu contradictoire. C’est à peu près le même niveau de réflexion que de dire que l’on bloque les APL pour les locataires qui n’arrivent plus à payer leur loyer !

Ce n’est pas toujours la volonté qui manque – voilà ce que je veux vous dire aujourd’hui. Ce sont parfois d’abord les moyens qui sont insuffisants.

Je vous le dis, oui, il y a besoin d’un grand chantier de rénovation thermique des logements, pour limiter la consommation et les dépenses d’énergie, ainsi que pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ce sera bon pour les finances de nos concitoyens comme pour notre planète. Il faudra donc, avant tout, proposer des moyens aux bailleurs, publics comme privés, pour que chacun vive dignement dans un logement décent.

Telle est notre préoccupation première : que chacun puisse vivre dans un logement digne.

Le groupe CRCE a déposé une proposition de loi visant à garantir l’accès au logement pour tous et la préservation du pouvoir d’achat des ménages. Elle est assez fournie et avance plusieurs idées sur le sujet.

Par exemple, l’article 16 tend à rendre possible la préemption des passoires thermiques. Au travers de notre article 28, nous souhaitons rendre obligatoire les permis de louer. L’article 35, quant à lui, vise à donner au juge la responsabilité de suspendre le bail et de décider du montant de loyer versé, le temps que le propriétaire fasse les travaux de mise aux normes, avec une prise différée du bail pour empêcher la mise à la rue du locataire qui aurait fait valoir ses droits.

Nous nous exprimerons aussi au sujet des logements décents, plus particulièrement des passoires thermiques, dans le cadre de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

Pour l’heure, votre proposition de loi demeure incomplète, peut-être même contre-productive, et surtout cantonnée à une partie du territoire français, ce qui est à notre avis regrettable.

C’est pourquoi, en l’état, notre groupe s’abstiendra.

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