Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bailleur doit mettre à disposition du locataire un « logement décent », notion introduite dans notre droit par la loi SRU.
C’est ainsi qu’on garantit que chacun pourra satisfaire l’un des besoins les plus essentiels et qu’on lui apporte sécurité physique et préservation de la santé. La lutte contre le mal-logement doit donc constituer une priorité nationale, quel que soit le territoire concerné.
Quelle réponse apporte-t-on aux territoires ultramarins ? Il est inacceptable que 13 % du parc de logements y relève de l’habitat indigne, soit dix fois plus qu’en métropole. À La Réunion, territoire cité dans l’exposé des motifs de ce texte, 18 000 logements seraient concernés ; la tendance est à la hausse. Les chiffres concernant la non-décence sont plus complexes à obtenir.
La présente proposition de loi procède à une légère modification de la loi en vigueur, de manière à inciter le propriétaire d’un logement non décent pour lequel des allocations de logement sont versées à réaliser les travaux de mise en conformité au plus vite. Elle dispose que le locataire consigne le montant du loyer qui lui incombe – déduction faite des allocations – auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), plutôt que de le verser au bailleur.
Il apparaît que la mise en place de la suspension du versement des allocations de logement au propriétaire pendant ce délai, limité à dix-huit mois, mais prolongeable de six mois, a porté ses fruits. Le droit en vigueur serait donc suffisamment dissuasif pour provoquer la remise en état du bien. En effet, le taux de libération des allocations serait de 95 %, soit une très forte effectivité.
La rapporteure a par ailleurs exprimé ses craintes quant au caractère contre-productif du dispositif proposé, qui retirerait aux propriétaires modestes les moyens financiers nécessaires à la réalisation des travaux. Or, rappelons-le, ces derniers peuvent donner lieu à des aides à la rénovation.
Encore faut-il que le locataire signale à la caisse d’allocations familiales l’état de non-décence de son logement. C’est tout le problème lorsque la demande est loin de satisfaire l’offre. Le locataire est prêt à tout accepter pour dormir sous un toit.
Que le dispositif ne soit pas adapté, soit ! Mais l’argument selon lequel il enverrait au locataire le signal de ne pas payer le loyer ne nous a pas convaincus. Si l’on exclut une minorité de mauvais payeurs, la principale préoccupation des locataires et notamment des plus modestes d’entre eux est de parvenir à régler le loyer, par peur de l’expulsion.
D’ailleurs, il aurait été intéressant de disposer de chiffres plus précis quant aux délais de réalisation des travaux. Est-ce qu’ils sont majoritairement réalisés dans un délai de 6, 12, 18 ou 24 mois ? S’ils sont achevés à la fin du délai réglementaire seulement, le dispositif proposé dans ce texte pourrait s’avérer utile pour accélérer la mise en décence du bien.
Bien que les deux tiers des logements non décents soient traités au bout d’un an dans le cadre de cette procédure, son expérimentation à La Réunion, proposée au travers de l’amendement déposé par M. Lagourgue, pourrait nous éclairer sur ce point.
Certes, les difficultés structurelles de l’accès à un logement décent en outre-mer méritent une réponse plus complète, notamment sur l’île de La Réunion. Nous sommes tous d’accord pour affirmer que, face à une telle hémorragie, il convient d’en traiter les causes plutôt que de proposer des pansements.
L’excellent rapport sur ce sujet de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont notre collègue Micheline Jacques était l’un des auteurs, pointe un certain nombre de défaillances.
Si le contrôle de la qualité des nouvelles constructions demeure déficient, on alimente la machine à produire de l’habitat indigne. Il est ahurissant de constater que la moitié des habitants de La Réunion affrontent des problèmes d’humidité dans leur domicile. La multiplication des malfaçons, notamment sur des constructions de moins de dix ans, alors même que les règles se renforcent, doit être rapidement réglée par les pouvoirs publics.
Nous faisons donc face à un défi à la fois quantitatif et qualitatif. Où en est-on des plans logement outre-mer ? Après l’échec du premier, le bilan en attente du deuxième et l’abandon du troisième, quelles solutions sont envisagées ?
J’espère, monsieur le ministre, que, après le débat qui s’est tenu en janvier dernier au sein de cet hémicycle, vous pourrez nous donner plus de précisions sur les réponses qui seront apportées à la crise du logement en outre-mer, en particulier à La Réunion, mais aussi, en général, sur l’ensemble du territoire.
Au vu des arguments que j’ai développés, le groupe du RDSE se partagera entre vote favorable et abstention sur la présente proposition de loi.