Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 16 mars 2023 à 9h00
Lutte contre la désertification médicale des collectivités — Rejet d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la désertification médicale ne cesse de progresser en France. Derrière cette expression, entrée dans le langage courant, il y a une réalité pour 49 millions de Français et de Françaises.

Nous avons tous entendu les mêmes récits et les mêmes questions : comment faire renouveler son ordonnance quand il n’y a plus de médecin généraliste ? Comment accéder à un spécialiste quand ce dernier n’a pas de remplaçant ? Comment se faire soigner s’il n’y a pas de médecin près de chez soi ?

Lutter contre la désertification médicale constitue un enjeu de santé publique pour une population qui augmente, qui vieillit et qui souffre de plus en plus souvent de maladies chroniques.

Dans certains territoires, il faut parfois attendre vingt jours pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste. Pour ce qui est des consultations chez un spécialiste, les délais augmentent : il y a jusqu’à cinq mois d’attente pour obtenir un rendez-vous auprès d’un ORL. Il s’agit d’un vrai problème en matière de soins et de dépistage, qui augmente les risques d’aggravation de l’état de santé des patients.

Ce problème affecte également tous les professionnels de santé, qui sont confrontés à une charge de travail très importante, dont une partie n’est pas consacrée à la médecine.

Par ailleurs, cette question accentue le désintérêt des étudiants et des étudiantes pour l’exercice de la médecine générale en libéral.

Pendant cinquante ans, le numerus clausus a contribué à tarir l’offre de soins. Si sa réforme, en 2019, a été une bonne nouvelle, nous savons tous qu’il nous faudra attendre plusieurs années avant d’en voir les premiers effets.

D’autres réponses ont également été apportées, mais la politique qui a été menée associe insuffisamment les collectivités.

En effet, les élus locaux se retrouvent démunis face à des départs de médecins, les moyens dont ils disposent étant insuffisants pour rendre leur territoire attractif afin d’en faire venir de nouveaux. Pourtant, les maires font preuve d’initiatives et proposent des réponses innovantes.

Nous devons leur faire confiance. J’en veux pour preuve que les collectivités se sont systématiquement et pleinement saisies de chacun des outils mis à leur disposition en matière de santé.

Par exemple, les collectivités se sont montrées innovantes en étant à l’origine de 23 % des créations de centres de santé. Elles ont également été pragmatiques et volontaristes, en mettant des locaux à disposition auprès des médecins qui s’installeraient sur leur territoire ou en offrant à ceux-ci des aides financières.

Face au désarroi de nombreux maires, il m’est apparu utile de leur donner de nouveaux moyens d’agir en matière de santé.

Nous savons tous que les médecins croulent sous les tâches administratives. Aussi pouvons-nous comprendre leur inquiétude de s’installer dans un territoire inconnu, auprès d’une patientèle nouvelle, sans personnel administratif. C’est pourquoi j’ai proposé de mettre à la disposition des cabinets médicaux et des maisons de santé situées dans un désert médical des fonctionnaires territoriaux.

Pourquoi des fonctionnaires territoriaux, me direz-vous ? En réalité, cela relève de l’évidence. Imaginons une commune mettant à disposition un agent municipal afin d’officier temporairement en tant que secrétaire d’un cabinet médical. Cet agent serait en parfaite mesure d’accueillir les patients et d’apporter un appui administratif au médecin. Il connaîtrait et les professionnels de santé locaux et les habitants et pourrait ainsi assurer une bonne coordination entre ceux-ci et le médecin nouvellement arrivé. Il s’agit d’une mesure simple, pragmatique et efficace.

Je profite de cette intervention pour remercier très chaleureusement l’ensemble de la commission et le rapporteur Daniel Chasseing de leur excellent travail. Fort de son expérience en tant que médecin généraliste en milieu rural, le docteur Chasseing a parfaitement compris l’esprit que j’ai voulu donner à cette proposition de loi et l’intérêt pour certaines communes de recourir à ce dispositif.

Aussi a-t-il proposé une nouvelle rédaction particulièrement claire afin de délimiter le dispositif avec précision. Le texte de la commission qui est soumis au vote de notre Haute Assemblée ouvre ainsi la possibilité, pour les collectivités territoriales situées dans les déserts médicaux, de mettre un agent à la disposition d’un médecin. Cet agent devra exercer la mission de service public de permanence des soins et sera mis à disposition pour une durée de trois mois, renouvelable deux fois et seulement à l’arrivée du médecin sur le territoire.

Le droit commun prévoit, sauf dérogation, que le salaire de l’agent doit être remboursé par la structure d’accueil. Aussi ce dispositif peut-il se concevoir comme une avance de trésorerie pour les médecins nouvellement arrivés.

Il s’agit de donner aux élus locaux la possibilité d’accueillir dans les meilleures conditions un médecin lorsqu’il n’y en a plus. Une fois lancé, le médecin recrutera son équipe ou bénéficiera des différentes aides proposées par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) ou par les agences régionales de santé, et l’agent recouvrera ses fonctions initiales. Les cabinets libéraux doivent bien entendu rester libéraux !

Mes chers collègues, l’urgence de la situation nous oblige à faire feu de tout bois dans la lutte contre la désertification médicale. Je vous sais tous concernés et compte sur vous.

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