Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 16 mars 2023 à 9h00
Lutte contre la désertification médicale des collectivités — Rejet d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lutter contre la désertification médicale dans les collectivités territoriales est une urgence que personne ne peut contester.

Les chiffres en attestent : il n’est pas acceptable que 30 % de la population française vive dans un désert médical.

Les difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste en secteur 1 ne sont plus spécifiques aux territoires ruraux ; elles concernent désormais les territoires périurbains et urbains. Face à ces difficultés d’accès aux soins, la colère monte chez nos concitoyennes et nos concitoyens.

Cependant, je m’interroge sur cette nouvelle initiative parlementaire. Le Sénat a déjà discuté de six propositions de loi relatives à l’accès aux soins en moins de six mois !

Le présent texte est examiné en séance publique, alors même que votre groupe, messieurs Wattebled et Chasseing, et la majorité sénatoriale ont voté en faveur de l’ensemble des projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui ont entériné la réduction des dépenses de santé.

On peut donc s’interroger sur l’objectif réel que vous visez, d’autant que nous débattons de cette proposition de loi quelques mois avant le prochain renouvellement du Sénat.

Depuis 2017, vous n’avez pas contesté, mes chers collègues, l’insuffisance des moyens mis en œuvre par le Gouvernement et le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus, qui n’a augmenté que de deux cents médecins le nombre de praticiens formés chaque année.

Pourtant, on évalue le manque de médecins ou professionnels de santé à 20 % en médecine générale, à 14 % en odontologie, à 8 % en pharmacie et à 4 % en maïeutique.

Sur le fond, le texte vise à lutter contre les déserts médicaux en améliorant l’attractivité des territoires. Il prévoit la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux pour assurer le secrétariat des cabinets médicaux en zone sous-dense, bien que les médecins bénéficient déjà, à ce titre, d’aides financières pour recruter du personnel.

On nie ainsi la réalité du métier de secrétaire médical, dont le quotidien ne se limite pas à la prise de rendez-vous, à la tenue du standard téléphonique et à l’archivage des documents. Ce métier implique, outre sa dimension humaine essentielle, une maîtrise du vocabulaire et de la réglementation des soins et une bonne connaissance des patients. On ne peut donc pas envisager sérieusement que des fonctionnaires mis à disposition pendant seulement trois mois, ce que propose le rapporteur, puissent correctement l’exercer.

On nie également, comme l’ont souligné les associations d’élus lors des auditions, le manque dramatique de moyens des collectivités locales.

J’ajoute qu’un tel dispositif constitue une remise en cause du statut de fonctionnaire.

Dans leur exposé des motifs, les auteurs du texte envisagent de transformer les postiers en secrétaires médicaux et, au passage, de casser encore davantage le service public postal. On marche sur la tête !

En outre, nos collègues proposent une disposition discriminatoire, puisque seuls les maisons de santé et les cabinets libéraux pourraient bénéficier du dispositif de mise à disposition, ce qui exclurait de fait les centres de santé. Cette inégalité de traitement est incompréhensible.

Enfin, la commission des affaires sociales a apporté sa touche libérale à ce texte, en suggérant d’exonérer le personnel territorial de cotisations sociales, certainement pour affaiblir encore davantage la sécurité sociale…

À la lecture de votre amendement, madame la ministre, une question m’est venue à l’esprit : ne trouvez-vous pas que les hôpitaux souffrent déjà suffisamment d’une pénurie de soignants, pour envisager de les mettre à disposition des médecins libéraux ? §Vous pouvez soupirer, vous apportez de mauvaises solutions à de vrais problèmes !

En résumé, cette proposition de loi apporte, je viens de le dire, une réponse simpliste à un problème complexe. Elle créera plus de difficultés qu’elle ne permettra de trouver des solutions.

Nous assistons à une compétition entre territoires pour attirer des médecins, conséquence de l’impuissance organisée par les gouvernements successifs en matière de formation des professionnels de santé. Il s’agit également de la conséquence du refus de s’attaquer au totem de la liberté d’installation, qui s’applique au détriment de l’accès aux soins de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Pour les professionnels de santé, l’attractivité des territoires découlera moins de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux que de l’existence de services publics – école, transports, sécurité sociale – et de la proximité d’un hôpital public.

Malheureusement, les politiques de restriction budgétaire menées par les différents gouvernements ces vingt dernières années – dont le vôtre, madame la ministre – ont entraîné la fermeture des hôpitaux et des maternités de proximité, ainsi que la disparition des services publics.

Pour moi, comme pour l’ensemble des membres de mon groupe, la réponse politique passe nécessairement par l’augmentation des moyens des universités, qui permettra de former davantage de professionnels de santé, d’un côté et de l’autre, par le développement des centres de santé et le rétablissement de la permanence médicale la nuit et le week-end, la revalorisation des gardes et la réquisition des spécialistes, y compris ceux des établissements privés.

En conclusion, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront contre cette proposition de loi.

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