Intervention de Jean-Claude Anglars

Réunion du 16 mars 2023 à 14h30
Lutte contre la désertification médicale des collectivités — Rejet d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude AnglarsJean-Claude Anglars :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte tend à apporter une nouvelle solution à la désertification médicale, sujet déjà traité au cours des derniers mois, à travers les projets de loi de financement de la sécurité sociale et d’autres propositions de loi. Je pense notamment à la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, adoptée le 18 octobre 2022.

Le constat de la désertification médicale a déjà été longuement abordé dans cet hémicycle.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, comme cela a déjà été rappelé, vise à autoriser la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux auprès de cabinets médicaux ou de maisons de santé.

La possibilité offerte aux collectivités territoriales de mettre temporairement à disposition un agent public constituerait un nouveau levier d’attractivité médicale pour les territoires, en allégeant les contraintes financières et administratives qui pèsent sur l’installation des médecins. L’accompagnement serait prévu sur toute la durée de l’installation en zone sous-dense. Le fonctionnaire territorial pourrait, éventuellement, être chargé de l’accueil de la patientèle.

Si cette solution, visant à favoriser l’implantation de médecins dans les déserts médicaux, est louable, les moyens choisis interrogent. Malgré les améliorations apportées par le rapporteur Daniel Chasseing pour clarifier le caractère transitoire et temporaire du dispositif, celui-ci appelle des réserves.

En effet, le recours aux ressources humaines d’une collectivité locale pour la gestion d’un secrétariat médical soulève de nombreuses interrogations sur la formation professionnelle et les risques d’incompatibilités avec le statut du fonctionnaire, les filières et cadres d’emploi.

La proposition de loi ne traite pas la nature des missions qui pourraient être confiées au fonctionnaire territorial. Qu’il s’agisse de la responsabilité juridique de l’employeur et de la garantie du secret médical, le dispositif proposé ne paraît pas d’une opérationnalité optimale.

J’ajoute à cela les réserves émises par les associations d’élus locaux lors de leurs auditions sur différents points : les difficultés de recrutement rencontrées par les collectivités dans les métiers susceptibles d’être concernés par la mise à disposition ; le risque de doublon avec d’autres dispositions existantes, notamment la fonction d’assistant médical, ou d’inadéquation entre la formation des personnels mis à disposition et les besoins des cabinets médicaux ; les effets pervers de concurrence entre les collectivités en matière d’attractivité médicale.

Outre ces réserves, j’attire aussi votre attention sur les solutions existantes. Je rappelle, par exemple, que nous avons amélioré, simplifié et renforcé la coordination de l’installation des professionnels de santé, en harmonisant les dispositifs d’aide à l’installation dans l’article 24 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

De plus, les expériences locales peuvent aussi être source d’inspiration. En ce sens, j’évoquerai rapidement la politique d’attractivité expérimentée en Aveyron depuis 2010 pour inciter les médecins de médecine générale à s’installer.

L’implication des médecins en exercice et du Conseil de l’ordre des médecins a été cruciale dans la définition d’une politique d’attractivité médicale qui a emporté, dès ses débuts, l’adhésion de l’ARS. Aborder la désertification médicale recommande une approche globale et partagée à l’échelle d’un territoire.

La stratégie repose sur un accompagnement de la profession : d’abord, en favorisant l’accueil de stagiaires par la promotion des terrains de stage, par l’intégration des stagiaires et par une aide financière au transport et au logement des internes éloignés de leur résidence ; ensuite, en soutenant l’établissement de maisons de santé pluriprofessionnelles, adossées à un projet de santé ; enfin, en créant un guichet unique d’accompagnement à l’installation.

Le succès repose sur une coordination inédite de tous les acteurs. La cellule d’accueil des médecins s’est imposée progressivement comme un interlocuteur privilégié. Elle réunit plusieurs acteurs, dans une approche partenariale volontariste et informelle.

Depuis 2011, il y a eu 105 installations de médecins généralistes en Aveyron, pour 107 départs.

Au vu de ces éléments, nous sommes très réservés sur cette proposition de loi.

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