Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun ici – cela va sans dire – mesure l’impact de la désertification médicale pour nos concitoyens et, incidemment, pour nos collectivités. Les conséquences sont nombreuses : urgences débordées, renoncement aux soins et, en conséquence, dégradation de l’état médical ou rupture du parcours de soins.
Désormais, comme cela a déjà été observé, 72 % de la population habite dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins ; 12 % dans un désert médical à proprement parler.
Dans mon département de la Haute-Savoie, le phénomène est amplifié du fait de la proximité avec la Suisse, qui entraîne une hausse du coût de la vie décourageant les professionnels de santé à s’y installer, mais aussi une fuite chez nos voisins helvétiques.
Certaines communes désespèrent de trouver des médecins. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai remarqué que l’une d’entre elles en était même venue à installer des panneaux à l’entrée du village, indiquant qu’elle cherchait désespérément un médecin généraliste.
Le problème de fond est celui du manque de médecins. Il est désormais identifié et des mesures ont été prises à l’échelon national pour y remédier, comme la fin du numerus clausus. Mais les effets ne seront pas tangibles avant quelques années… Dans l’attente, je suis plutôt favorable à ce que nous prévoyions des dispositifs complémentaires, en particulier s’ils offrent de nouveaux leviers aux collectivités volontaristes sur le sujet.
Nombre d’entre elles le sont déjà, malgré le peu d’outils à leur disposition. Elles créent des maisons de santé, mettent à disposition des locaux et offrent des aides financières aux nouveaux médecins qui s’installent. Il faut les en féliciter, tout en étant vigilants sur les possibles tendances à la surenchère de certains professionnels.
J’accueille donc plutôt positivement la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, visant à permettre aux collectivités de mettre des fonctionnaires territoriaux à disposition de cabinets médicaux et de maisons de santé dans les zones sous-denses. Elle ajoute une corde à l’arc des collectivités, et va dans le sens de la décentralisation et de la confiance en nos élus locaux pour être force de proposition.
Les modifications adoptées par la commission me semblent bienvenues, car elles viennent border le dispositif dans le but d’en faire une aide temporaire à l’installation de nouveaux médecins, qui pourraient y avoir recours pour un appui administratif ou pour la coordination avec d’autres professionnels de santé du territoire. De même, conditionner la mise à disposition à une participation à la permanence des soins ambulatoires permet de clarifier le lien avec le service public nécessaire à toute mise à disposition.
Le fait qu’il s’agisse d’une simple faculté et qu’il n’y ait pas d’impact financier pour la collectivité puisque les salaires devront être remboursés engendre une souplesse qui pourrait être appréciée par les médecins, comme par les collectivités. Par ailleurs, la crainte d’une concurrence entre communes me paraît infondée, dès lors que le dispositif est temporaire et qu’il interviendrait seulement après la prise de décision d’installation par le médecin.
Je voterai donc en faveur de ce texte, ma seule réserve étant que, compte tenu des difficultés rencontrées par les collectivités pour recruter, il est nécessaire que sa mise en œuvre aille de pair avec un travail sur l’attractivité de la fonction publique.
Enfin, avant de conclure, je tiens à insister sur le fait que la mise en place d’outils à destination des collectivités pour participer à la lutte contre les déserts médicaux ne doit pas conduire l’État à se dédouaner de sa responsabilité. C’est à lui que revient en premier lieu le rôle de trouver des solutions, et beaucoup reste encore à faire pour clore ce chapitre. Cela passera nécessairement par une différenciation en fonction des spécificités des territoires, par exemple, pour mon département, la mise en place d’établissements de santé et de formation transfrontaliers, une meilleure prise en charge des soins réalisés dans l’autre pays ou encore une prise en charge des frais de scolarité des personnels de santé en contrepartie d’un engagement à exercer un certain nombre d’années en France.
Je suis d’ailleurs, madame la ministre, à votre entière disposition pour échanger sur ces propositions.