Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans la vie législative – nous ne le savons que trop –, de simples amendements peuvent avoir une immense portée.
C’est en effet par un simple amendement gouvernemental au funeste projet de loi NOTRe, en 2015, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État, que le gouvernement d’alors avait fait adopter le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux EPCI, y compris dans les communautés de communes.
Face à l’opposition farouche de l’Association des maires de France et d’une bonne partie du Sénat, nous avons depuis obtenu de haute lutte un certain nombre d’assouplissements : plusieurs reports de la date de transfert, finalement fixée au plus tard au 1er janvier 2026 sous conditions, la possibilité de déléguer la compétence à un syndicat ou à une commune par la loi du 3 août 2018 et la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019. Enfin, la loi 3DS du 21 février 2022 prévoit le maintien après le 1er janvier 2026 des syndicats infracommunautaires de gestion des eaux existant au 1er janvier 2019 au sein d’une communauté de communes, sauf délibération contraire de cette dernière.
Nonobstant ces différentes mesures d’adaptation législative, le résultat final ne semble pas avoir répondu totalement aux inquiétudes des élus de la ruralité et de la montagne, car il ne résout pas le problème de fond : la loi oblige toujours les communes à transférer l’eau et l’assainissement à leur communauté de communes.
La mise en place de cette communautarisation généralisée a été voulue, nous dit-on, pour éviter une trop forte dispersion des modalités d’exercice de ces compétences, laquelle, selon le législateur de l’époque, serait à l’origine d’un manque de rationalisation des services.
La loi NOTRe se donnait ainsi pour objectif une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers nécessaires à une meilleure maîtrise des réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement, notamment dans les zones rurales.
Nous y voilà, les mots magiques sont lâchés : « rationalisation, maîtrise, mutualisation, circulez ! »
Combien d’inepties génératrices de gabegie d’argent public ont été inventées sur la base de ce mirage ? Comment un principe aussi général peut-il être opérant au vu de la très grande hétérogénéité des situations locales ?
L’Assemblée des communautés de France (AdCF) a constaté que, à la fin de 2021, seules 33 % des communes avaient effectivement transféré aux communautés de communes la compétence en question.
À l’évidence, la fixation du niveau d’exercice de cette compétence ne peut être uniforme et déconnectée du terrain, mais doit a contrario relever de considérations matérielles et techniques propres à chaque territoire.
Cela vaut encore davantage pour les territoires ruraux, où les modalités de gestion d’un service public peuvent varier d’une commune à l’autre et nécessiter de maintenir une gestion directe par la commune ou les syndicats en place afin de permettre une capacité d’intervention plus souple et plus efficace.
Que dire encore des investissements coûteux et des recrutements qui seraient nécessaires à la seule mise en œuvre de ces transferts, si tant est qu’ils ne soient pas contestés par la Cour des comptes, sans réel bénéfice en termes d’efficacité pour les territoires concernés ? À n’en pas douter, ces transferts s’accompagneraient dans certains cas d’une hausse importante du prix de l’eau !
Aussi, en ce qui concerne les communautés de communes, les auteurs de la présente proposition de loi entendent privilégier une approche pragmatique, moins coûteuse et technocratique, adaptée aux réalités géographiques et hydrologiques des territoires. Suivant l’essence même du principe de subsidiarité, il reviendrait aux communes de décider du niveau d’exercice de ladite compétence en matière d’eau et d’assainissement.
Nous sommes donc impatients de connaître la position du Gouvernement et, par la suite, l’avis de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement finira-t-il par accepter de revenir sur une disposition profondément contestée sur le terrain ?
Le fait qu’à peine un tiers des communautés de communes se soient vu transférer la compétence eau, presque dix ans après la loi NOTRe, montre que les maires restent prudents sur le sujet, ce qui devrait suffire à faire réfléchir le Gouvernement.
Pour conclure, et avant même d’examiner le texte proposé par nos collègues du groupe RDSE, que je remercie, il me semble indispensable de préciser un point technique qui peut prêter à confusion lorsque l’on évoque, sans autre précision, l’eau et l’assainissement.
Le réseau d’eau potable est sous pression et peut donc avoir n’importe quel périmètre. En revanche, les réseaux d’eaux pluviales et d’eaux usées sont gravitaires. L’eau potable est facturée, comme l’assainissement des eaux usées, via une redevance pour la collecte, le transport et l’épuration. Au contraire, …