Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 16 mars 2023 à 14h30
Fraudes en matière artistique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 9 février 1895, dite loi Bardoux, est encore aujourd’hui le texte de référence en matière de fraude artistique.

Pourtant, avec l’évolution des escroqueries et la diversification des pratiques artistiques, elle est devenue lacunaire.

Le droit en vigueur n’apporte pas de réponse satisfaisante face à la prolifération des cas de fraude artistique, dont témoigne l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels.

La loi Bardoux limite l’incrimination à certains types de cas.

Premièrement, elle ne concerne que les œuvres de peinture, sculpture, dessin, gravure et musique. Cette considération énumérative de l’art est aujourd’hui très limitée au regard de la grande diversité de la création artistique.

Deuxièmement, l’œuvre d’art en question doit présenter une signature apocryphe ou un nom usurpé. Or les pratiques de falsification sont de plus en plus complexes et imaginatives.

Troisièmement, enfin, l’œuvre ne doit pas être tombée dans le domaine public, ce qui relègue dans l’oubli un vaste pan de l’art.

Les peines prévues par la loi de 1895 en cas d’infraction sont bien trop faibles et éloignées de celles qui sont prévues par d’autres dispositifs similaires, visant par exemple à réprimer la contrefaçon. Il est donc nécessaire de muscler l’arsenal de réponse à la fraude.

Notre pays représente le second marché de l’art dans le monde. Cela nous engage à veiller avec exigence à la transparence et à la fiabilité des acteurs.

Il nous faut rétablir la confiance en nos institutions culturelles, nos artistes, nos experts, nos lieux de vente, meurtris ces dernières années par de nombreux cas d’escroquerie.

Rappelons la tristement célèbre affaire des faux meubles achetés par le Château de Versailles entre 2008 et 2012 à plusieurs professionnels du marché de l’art, pour un montant total de 2, 7 millions d’euros.

Une réforme de la loi Bardoux, texte précurseur, mais aujourd’hui daté, se révèle donc nécessaire, afin de protéger au mieux le marché de l’art français et ses institutions, tout en rassurant les acquéreurs et les artistes.

Entre son dépôt et sa présentation en commission, le texte que nous examinons aujourd’hui a été enrichi par une série d’amendements.

Les différents apports qu’a proposés Bernard Fialaire, à la fois auteur et rapporteur de ce texte, se nourrissent d’une série d’entretiens, qui ont mis en lumière le caractère éminemment complexe de la réponse à apporter aux évolutions des fraudes artistiques.

Se pose notamment la question de la protection des créations artistiques numériques, sujet qui a fait l’objet d’une proposition de loi déposée par Colette Mélot au mois de janvier dernier.

J’en profite pour saluer le travail et l’engagement de Bernard Fialaire et pour remercier le groupe du RDSE de cette initiative.

Ce texte va dans le bon sens. Par son adoption, le Sénat donnera le coup d’envoi d’une vaste réflexion sur la prise en considération des évolutions de l’art et du droit d’auteur.

Cette réflexion sera également nourrie au mois de juillet prochain par les conclusions de la mission lancée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.

Ses apports permettront notamment de mieux définir le faux en art et de simplifier sa détection, preuve supplémentaire, s’il en fallait, que cette proposition de loi arrive à point nommé.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires accueille donc favorablement ce texte.

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