Intervention de Julien Bargeton

Réunion du 16 mars 2023 à 14h30
Fraudes en matière artistique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Julien BargetonJulien Bargeton :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu’il était traîné en justice par le prieur de la chartreuse de Naples pour avoir copié La Guérison du paralytique de Dürer, le peintre baroque Luca Giordano fut acquitté par ses juges, qui trouvèrent qu’il avait parfaitement imité le grand peintre allemand et que cela valait bien un acquittement. Auteur de près d’un millier d’œuvres dans sa carrière, Luca Giordano fut d’ailleurs surnommé par la suite Luca Fà-presto. C’était l’époque des ateliers, c’était une autre vision.

Ce n’est pas un hasard si la loi Bardoux tombe à la fin du XIXe siècle, au temps des impressionnistes et des beaux-arts. C’est le moment où l’artiste est reconnu. La vision de l’artiste romantique l’a alors définitivement emporté.

Aujourd’hui, à l'heure où les fraudes représentent 6, 5 milliards de dollars, soit l’équivalent du chiffre d’affaires d’une grande maison comme Sotheby’s par exemple, la proposition de loi de Bernard Fialaire est la bienvenue.

La loi Bardoux était certes utile, mais elle est désormais dépassée. Les peines qu’elle prévoit – deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – sont tellement insuffisantes et peu répressives que des mafias et organisations criminelles ont investi le champ de la fraude en matière artistique.

Enfin, les enjeux ont changé. La photographie, qui est maintenant un art ancien, n’était pas prise en compte par la loi Bardoux, pas plus évidemment que les NFT, qui révolutionnent la façon de rémunérer les artistes.

Si les NFT ne représentent que 1, 6 % du marché de l’art, ils pèsent déjà plus lourd que la photographie, qui en représente 1 %. Leur développement est évident. Il faut donc prendre en compte ce nouveau champ de l’art.

Cette proposition de loi se justifie, car elle permet non pas simplement un toilettage, mais une refonte qui tient compte des évolutions en cours.

Le texte aligne les sanctions judiciaires sur des escroqueries comparables, comme la contrefaçon. Ainsi, les peines encourues passeraient à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Enfin, les amendements proposés améliorent le texte initial. Je pense aux circonstances aggravantes pour la fraude pratiquée par un professionnel, la rupture de confiance étant telle dans ce cas de figure que le marché de l’art s’en trouve pénalisé sur le long terme.

Je pense aussi au recentrage de la définition considérée sur les manœuvres frauduleuses.

À la fois parce que ce texte répond aux évolutions du secteur et parce que vous proposez des amendements, notre groupe votera en sa faveur.

Nous restons évidemment dans l’attente du rapport que doit rendre le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Ses conclusions viendront enrichir le texte, puisque vous-même, mon cher collègue Fialaire, vous reconnaissez qu’il n’est qu’un jalon ou une étape.

Cette étape est utile, ce qui explique notre vote positif et constructif. Il faut lutter davantage contre ces fraudes qui deviennent massives et qui prennent de l’ampleur, notamment avec la montée en puissance des plateformes numériques.

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