Intervention de Kristina Pluchet

Réunion du 15 mars 2023 à 15h00
Défense extérieure contre l'incendie et territoires ruraux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Kristina PluchetKristina Pluchet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires », voilà tout l’enjeu de la défense extérieure contre l’incendie depuis l’application du décret du 27 février 2015.

C’est une conciliation difficile que j’appelle sincèrement de mes vœux dans mon département et que permettra cette proposition de loi.

Dans l’Eure, il ne se passe pas une semaine sans que je sois confrontée, lors de mes visites sur le terrain, à l’incapacité des maires de mettre en œuvre le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie, soit parce qu’il est foncièrement irréalisable d’y parvenir, soit parce que l’application de ce règlement serait budgétairement insoutenable.

Le RDDECI, élaboré en 2017, prévoit un cadre uniforme pour nos 585 communes très rurales : il impose un point d’eau incendie tous les deux cents mètres, sans prendre en compte la diversité de l’habitat, qui est souvent diffus dans la plupart des communes de l’Eure.

Pour les unes, le manque de débit rend impossible l’installation de points d’eau supplémentaires ; pour d’autres, c’est l’absence de foncier disponible qui empêche la mise en place de bâches à eau ; pour d’autres encore, la mise en œuvre de toutes les préconisations en matière de défense extérieure contre l’incendie siphonne littéralement les capacités d’investissement de la commune pour plusieurs années.

Enfin, quand la mise aux normes n’est pas possible, les élus sont contraints de bloquer de nombreux permis de construire, ce qui est source d’incompréhension et de conflits avec leurs concitoyens. Aussi les élus exercent-ils leur mandat en craignant d’engager la responsabilité de la commune en cas de sinistre.

Pourtant, à l’origine, cette élaboration déconcentrée des règlements départementaux a été décidée pour que soit mise en œuvre une défense extérieure contre l’incendie évolutive, au plus près de la réalité des territoires et en concertation avec ces derniers.

Force est de constater que le dispositif a manqué sa cible dans un certain nombre de départements.

Le dernier rapport d’évaluation du Gouvernement, remis au mois de juin 2022 en application de la loi 3DS, dresse la liste des dysfonctionnements. Il reconnaît l’existence de crispations dans certains départements, essentiellement ruraux, et préconise pour ces cas emblématiques la révision et l’adaptation des règlements à un niveau infradépartemental.

D’après ledit rapport, l’Eure est l’illustration parfaite de la mise en place d’une défense extérieure contre l’incendie « coûteuse et pénalisante pour assurer la couverture incendie d’un bâti à risque très faible ». « Les distances et délais d’intervention » la rendraient « parfois inopérante ».

Mon département avait déjà tristement illustré un débat qui a eu lieu il y a plus d’un an dans cet hémicycle, en présence de la secrétaire d’État chargée de la biodiversité d’alors, Bérangère Abba.

Dans l’Eure, le montant des dossiers de demande de subvention au titre de la DETR pour des projets de défense extérieure contre l’incendie est vingt fois supérieur au montant moyen enregistré dans les autres départements ! Cela témoigne du caractère disproportionné de cette compétence pour l’État, le département et les communes, pour un résultat très en deçà des objectifs du règlement départemental.

Alors que d’autres départements sont parvenus à trouver une issue favorable aux situations de blocage, notamment grâce à des systèmes de dérogation, à une évolution des doctrines de lutte ou tout simplement par l’intermédiaire d’une révision de leur règlement départemental – dix-sept d’entre eux l’ont déjà fait –, je déplore que la situation ne s’améliore pas dans l’Eure.

Vous le comprendrez, mes chers collègues, je suis favorable, pour en revenir à l’esprit d’une défense extérieure contre l’incendie déconcentrée et évolutive, à ce que la loi encadre et prévoie une concertation qui se déroulerait de manière périodique : cela permettrait aux collectivités de trouver une issue favorable en cas de règlement trop uniforme et trop rigide.

L’intégration de ce règlement dans le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques est une mesure cohérente, tout comme l’obligation, pour les départements dans lesquels sa révision est trop ancienne, de le réviser dans l’année qui suit l’adoption de ce texte.

Comme le souligne à propos le rapport du Gouvernement, l’effort en matière de défense extérieure contre l’incendie doit être pondéré par l’analyse pragmatique et locale du risque, la prise en compte de la disponibilité de la ressource et la nécessité d’éviter de faire peser des investissements hors norme sur les budgets des collectivités.

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