Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, madame la sénatrice Françoise Gatel, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui réunis, dans le cadre de l’ordre du jour réservé du groupe Union Centriste, pour étudier la proposition de loi de la sénatrice Françoise Gatel visant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires. De fait, la continuité de la représentation des communes au sein des EPCI s’avère, pour la chambre haute que vous êtes, un sujet de préoccupation légitime.
Comme vous le savez, l’article L. 273-10 du code électoral dispose, dans son premier alinéa : « Lorsque le siège d’un conseiller communautaire devient vacant, pour quelque cause que ce soit, il est pourvu par le candidat de même sexe élu conseiller municipal […] suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu. »
Il est ajouté au deuxième alinéa : « Lorsqu’il n’y a plus de candidat élu conseiller municipal » de même sexe « pouvant le remplacer sur la liste des candidats au siège de conseiller communautaire, le siège est pourvu par le premier conseiller municipal […] de même sexe élu sur la liste correspondante des candidats aux sièges de conseiller municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire. »
Enfin, le troisième alinéa conclut : « Lorsqu’il n’existe pas de conseiller municipal […] pouvant être désigné en application des deux premiers alinéas, le siège de conseiller communautaire reste vacant jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal de la commune. »
C’est précisément de ce dernier point que Mme Gatel nous invite à débattre aujourd’hui au travers de sa proposition de loi. Elle souligne en effet que, tel qu’elle est conçue, la loi peut ponctuellement conduire à ce qu’une commune ne soit plus représentée au sein de l’organe délibérant de l’établissement de coopération intercommunale auquel elle appartient.
Ce dispositif législatif vise bien entendu, en première intention et conformément aux dispositions de la Constitution, à favoriser « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », objectif auquel je souscris totalement ; je sais, du fait de mon parcours d’élue locale, à quel point cet égal accès est cardinal pour la vitalité et la diversité démocratiques de nos territoires.
Il est important, néanmoins, d’affirmer que l’absence de représentation d’une commune au sein du conseil communautaire de son EPCI représente une difficulté significative pour ladite commune. Le cas n’est pas complètement d’école : si nous ne disposons pas de chiffres consolidés permettant d’établir l’éventuel caractère massif du phénomène – je ne pense d’ailleurs pas qu’il le soit – quelques situations ponctuelles nous ont été signalées et témoignent du fait que l’hypothèse peut se présenter.
Bien sûr, l’objectif de parité appelle un effort que nous devons poursuivre sans relâche ; ma collègue Isabelle Rome et moi-même savons à quel point cette parité est fragile. Les propositions formulées par la mission flash, citée par Mme la rapporteure, d’Élodie Jacquier-Laforge et de Raphaël Schellenberger lors de la précédente législature démontrent que notre dispositif électoral présente encore quelques angles morts et que nous devons donc achever le mouvement entrepris par la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, dont les dispositions, pour la première fois, prenaient en compte la parité dans les élections communales.
Pour autant, à ma connaissance, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le sujet nous invite aussi au pragmatisme. En effet, ce dernier considère qu’il est loisible au législateur d’adopter des dispositions contraignantes ou incitatives pour atteindre l’objectif d’« égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », ce qui signifie que nous avons une obligation de résultat, mais que nous sommes libres des moyens que nous donnons aux collectivités pour y parvenir.
La jurisprudence du même Conseil constitutionnel rappelle par ailleurs que le principe de parité doit être concilié avec d’autres impératifs. Il doit en particulier s’articuler avec le principe inscrit à l’article 4 de la Constitution : ne pas porter atteinte aux « expressions pluralistes des opinions ».
Je pense que le principe de parité doit aussi s’articuler avec l’exigence de représentation effective des communes au sein des organes délibérants des EPCI auxquels elles appartiennent. Il y a là un enjeu de continuité de leur représentation et de leur participation à la délibération collective.
Une commune qui ne participe plus aux décisions de son EPCI est une commune qui, dans tous les domaines de compétence de cet EPCI, ne pourra plus se faire entendre. Cette commune aura donc le sentiment d’être dépossédée d’une partie de ses choix et je suis trop attachée à ce que la gouvernance locale fonctionne bien pour admettre que cette hypothèse puisse, même dans un nombre limité de cas, se réaliser.
Vous le savez aussi bien que moi : la coopération intercommunale est construite pour fonctionner sur la base de la participation effective et active des communes. Si nous n’étions pas persuadés de la nécessité de favoriser une association effective des communes au fonctionnement de leur établissement de coopération intercommunale, nous n’aurions pas adopté, dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, les dispositions relatives au pacte de gouvernance ou celles relatives à la conférence des maires.
Soyons cohérents : si nous voulons que l’intercommunalité fonctionne bien – cela doit être un objectif commun – nous devons garantir à chaque commune qu’elle pourra, en toute hypothèse, participer effectivement aux délibérations de son EPCI.
En sens inverse, j’ai écouté attentivement ceux d’entre vous qui ont exprimé leurs doutes en commission et je salue l’engagement qu’ils marquent en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Je ne suis pas sûre, néanmoins, que la conséquence logique de cet engagement doive être d’en venir à priver une commune de sa représentation au sein de l’EPCI.
La proposition faite Mme Gatel, qui consiste seulement, dans le cas résiduel où aucun conseiller de même sexe ne pourrait occuper le siège vacant, à admettre qu’un conseiller de sexe différent l’occupe, me semble en tout état de cause tenir sur la ligne de crête. L’objectif n’est aucunement de revenir sur nos ambitions en matière de parité, mais cette proposition permet de traiter le cas dans lequel l’application des règles en la matière conduit à une impasse institutionnelle et, à la fin, démocratique.
Vous l’aurez compris, la problématique de la représentation des communes au sein des conseils communautaires est un sujet qui retient toute mon attention. Face à ce problème bien identifié, votre solution, madame la sénatrice Gatel, se détache. Je la soutiens…