Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 15 mars 2023 à 15h00
Représentation des communes au sein des conseils communautaires — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si « l’unité dans la diversité » est la devise de l’Union européenne, elle pourrait être aussi celle de toutes les intercommunalités de France.

Regroupant plus de 34 000 communes, elles sont toutes différentes. Plus ou moins grandes, plus ou moins riches, plus ou moins vastes, elles se sont progressivement constituées pour exercer leurs compétences dans un contexte de décentralisation. Ces regroupements ont fait émerger une nouvelle gouvernance fondée sur la légitimité des élus municipaux.

Au Sénat, nous savons que l’intercommunalité est un organe de coopération au sein duquel chaque commune doit avoir sa juste représentation. Toutefois, cet échelon soulève des questions légitimes comme la représentativité de son conseil à la fois entre les oppositions et la majorité, entre les communes, selon leur population, et entre les hommes et les femmes.

Ainsi, un équilibre subtil est à trouver entre l’exigence légale d’égalité entre hommes et femmes, et l’indispensable « représentation juste et continue des communes » au sein des conseils communautaires, selon les mots de notre collègue rapporteure Nadine Bellurot.

Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Françoise Gatel, tend à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires.

Je me félicite que notre collègue se saisisse de ce sujet important pour la démocratie locale et qui touche particulièrement les intercommunalités de la Seine-Maritime. Tout particulier et ponctuel qu’il soit, le cas dont nous débattons aujourd’hui n’en est pas moins problématique. Il s’agit de la vacance d’un siège faute de candidat du même sexe pour remplacer un conseiller communautaire démissionnaire.

Les règles actuelles ont montré leurs limites. La vacance durable de siège communautaire conduit à un amoindrissement de la représentation des communes ou des droits de l’opposition, ou encore à un défaut de représentativité et de légitimité. Un siège durablement vide au conseil communautaire alimente, tant l’on connaît le rôle des EPCI dans la vie des Français, un sentiment pernicieux dont nous pouvons faire l’économie : l’incompréhension.

Le pragmatisme du Sénat est donc, une fois encore, exigé pour régler les problèmes posés par l’insatisfaisante règle actuelle, à savoir concilier les principes de parité et de représentation des communes.

Occasion nous est donnée de mesurer les effets inattendus de l’exigence légale qu’est la parité. Dans le département que je représente, plusieurs exemples attestent la nécessité de faire évoluer une règle générale et absolue qui résiste mal à la réalité du terrain.

À Tourville-sur-Arques, en Seine-Maritime, le maire a dû composer avec les volontés, les aspirations et les attentes de chacun. Ainsi, il a souhaité s’entourer de deux adjointes, car elles avaient vraiment manifesté leur souhait de s’engager pour cette commune de 1 300 habitants. Eh bien non ! La parité a interdit au maire de les nommer. Il a fallu choisir un homme, pas forcément volontaire, et une des deux femmes a dû devenir simple conseillère municipale déléguée. Vous le savez, l’engagement devient rare. Il ne faut pas gaspiller nos chances d’avoir des élus volontaires, qu’ils soient homme ou femme.

Autre exemple, celui d’une commune que je connais particulièrement bien puisque j’y suis élue, Le Havre voit son conseil municipal siéger en totalité au conseil communautaire. Or, depuis le 3 janvier 2022, un siège y est vacant. En effet, la conseillère municipale de la majorité du Havre dernièrement désignée ne peut pas siéger au conseil communautaire, où elle doit remplacer un collègue masculin. Elle est la seule des élus du conseil municipal du Havre qui n’ait pas le droit de siéger au sein de l’instance intercommunale. Des cas similaires se retrouvent dans l’agglomération de Fécamp, voire celle de Bolbec – je viens d’avoir un échange sur ce dernier cas avec Mme Brulin.

Par conséquent, en ce qui concerne la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, un siège demeurera vacant jusqu’en 2026. Comment le comprendre quand, dans les communes, en cas de démission, il n’est pas nécessaire d’avoir un suivant de liste de même sexe ?

Ainsi, la représentation des communes n’est pas assurée dans son intégralité au sein des intercommunalités quand la parité prédomine sur la représentativité démocratique, ce qui est particulièrement vrai pour les communes les plus rurales. Il est donc urgent d’adopter cette très bonne proposition de loi, particulièrement pragmatique, qui répond à cette difficulté, certes parfois mineure, mais réelle, rencontrée sur le terrain.

Pour toutes ces bonnes raisons, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion