Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, présentée par notre collègue Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Je tiens à saluer son initiative, particulièrement judicieuse, ainsi que le travail de notre collègue rapporteure Nadine Bellurot.
Comme vous le savez, la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires a prévu que, pour les communes de plus de 1 000 habitants, la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire soit composée alternativement de candidats de chaque sexe.
Ce texte a contribué à améliorer la féminisation de la vie politique locale, ce dont nous nous réjouissons. Grâce aux lois adoptées depuis plus de vingt ans, l’engagement des femmes a considérablement progressé dans les assemblées élues des collectivités territoriales, même si nous pouvons déplorer que la parité réelle ne soit toujours pas atteinte.
La part des femmes dans les conseils municipaux s’élève à ce jour à 48, 5 %. La composition des organes délibérants et des exécutifs des intercommunalités reste en revanche imparfaite et les EPCI représentent sans aucun doute une zone blanche de la parité.
Ainsi que le relevait, en 2020, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans les conseils communautaires des EPCI à fiscalité propre, la part des femmes a certes augmenté de 5 points, celle des vice-présidentes de 5, 6 points et celle des présidentes de 2 points. Toutefois, en valeur absolue, cette part n’atteint respectivement que 36 %, 25, 6 % et 11 % de la composition générale de ces instances.
Bien entendu, il ne saurait être question de mettre en cause ces avancées, dont la portée est loin d’être symbolique, puisqu’elle favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Telle n’est d’ailleurs pas l’intention de Françoise Gatel, auteure de la proposition de loi. Pour autant, l’obligation de parité instituée par le législateur peut conduire à des situations incongrues qui n’avaient pas été identifiées à l’origine et que le texte examiné aujourd’hui a pour objectif de corriger.
L’impossibilité de remplacer une conseillère ou un conseiller communautaire démissionnaire par un élu de même sexe n’est pas sans conséquence, puisqu’elle peut rendre le siège vacant pendant toute la durée d’un mandat.
Pour les communes concernées, une telle situation est susceptible de créer un effet d’éviction du pouvoir intercommunal, d’autant plus préjudiciable que nous connaissons tous ici l’étendue des compétences acquises au fil du temps par les EPCI.
En outre, elle peut avoir pour effet de donner à la commune la plus importante de l’EPCI un poids et une représentation qui ne seraient démocratiquement pas justifiés, avec le risque de voir les décisions de l’intercommunalité entachées d’un défaut de légitimité.
Notre rapporteure signale le cas d’espèce que représente le recours gracieux formé en 2021 par le préfet de la Nièvre contre la délibération d’un conseil communautaire qui avait procédé au remplacement d’un conseiller démissionnaire de son mandat municipal par une conseillère municipale de sexe féminin, faute de candidats masculins.
La délibération contestée ne pouvait être que rapportée, puisque la désignation à laquelle elle procédait n’était pas conforme au droit en vigueur.
J’ajoute que, à l’avenir, nous pourrions être de plus en plus fréquemment confrontés à ce type de situations, en raison de l’augmentation constante des démissions d’élus locaux.
Mes chers collègues, nous ne devons pas ignorer la désaffection croissante des élus pour l’exercice d’un mandat qui s’avère, à bien des égards, difficile à assurer sur le temps long. Les maux sont connus : les élus assument toujours plus de responsabilités dans des conditions d’insécurité juridique et financière grandissante.
Tout le mérite de la proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel est de tenir compte de cette réalité et de proposer une solution qui, sans porter atteinte à la règle de parité prévue par le code électoral, permet de ne laisser aucune commune sans représentant au sein d’un conseil communautaire.
Il est ainsi proposé d’inscrire dans le droit positif deux facultés subsidiaires de désignation d’un conseiller municipal en remplacement d’un élu démissionnaire.
La première consiste à pourvoir le siège par le premier conseiller municipal fléché de même liste et de sexe opposé ou, à défaut, par le premier conseiller municipal non fléché de même liste et de sexe opposé.
Une telle dérogation ne serait possible qu’à compter d’une année suivant la date d’installation du conseil municipal, afin d’éviter des stratégies électoralistes inopportunes visant à contourner le principe de parité.
Indéniablement, cette solution est de nature à répondre aux inquiétudes des élus locaux et de leurs associations représentatives, qui nous avaient alertés.
Elle est marquée du sceau du pragmatisme et ne porte pas atteinte au principe de parité, qui, je le rappelle, n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
C’est la raison pour laquelle je voterai sans réserve, comme mon groupe, en faveur de la proposition de loi qui nous est soumise.