Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 15 mars 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir suspendu l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance en 2020, pour permettre aux États de mettre en œuvre les réponses budgétaires qui s’imposaient face à la crise sanitaire, la Commission européenne a engagé, à partir du mois d’octobre 2021, une réflexion sur la révision de la gouvernance des finances publiques en Europe.

Reposant sur un déficit inférieur à 3 % du PIB, sur une dette publique contenue en dessous de 60 % du PIB et sur la mise en œuvre de procédures de coordination entre les États et de correction des écarts, la gouvernance prévue par le pacte de stabilité et de croissance et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) n’a pas véritablement permis d’assainir les finances de l’ensemble des États membres de l’Union. Plusieurs critiques avaient été adressées aux mécanismes prévus jusqu’ici.

D’abord, ils s’appliquaient de manière uniforme, c’est-à-dire sans tenir véritablement compte des grandes différences de situations qui peuvent exister entre les États, tant du point de vue des finances publiques que des capacités des économies. Aussi, une approche plus prudente, pragmatique et différenciée peut être souhaitable dans les phases de consolidation.

Ensuite, ils étaient sans doute trop complexes, puisque reposant, pour beaucoup, sur des variables économiques difficilement observables, et dont l’évaluation fait débat, à l’instar du PIB potentiel.

Enfin, ils n’étaient pas suffisamment souples pour permettre de différencier les dépenses qui doivent évidemment être maîtrisées de celles qui sont nécessaires pour faire face aux défis d’avenir : transition écologique, souveraineté en matière de sécurité, formation. Tout en étant particulièrement sensible au fait que les finances publiques des États membres, et plus particulièrement celles de la France soient davantage maîtrisées, j’ai salué l’ouverture d’une réflexion sur la réforme de la gouvernance budgétaire pour l’adapter aux enjeux du XXIe siècle.

La Commission européenne a proposé plusieurs pistes d’évolution dans une communication du mois de novembre 2022. Elles ont été présentées hier au Conseil Affaires économiques et financières du Conseil de l’Union européenne et adoptées par ce dernier.

Sans revenir sur la règle de limitation des déficits et de l’endettement à, respectivement, 3 % et 60 % du PIB, la Commission européenne propose notamment de maintenir le cadre commun de surveillance en rendant plus automatique la mise en œuvre des sanctions et que les États s’engagent sur des trajectoires pluriannuelles de moyen terme en décrivant leurs cibles budgétaires, ainsi que les réformes et investissements envisagés.

Il s’agit également de tenir compte des investissements prévus pour la transition écologique, le numérique et la défense. La Commission propose enfin de différencier les objectifs prévus pour chacun des États en fonction de la situation de leurs finances publiques.

Ces propositions devraient donner lieu prochainement à des initiatives au plan législatif de la part de la Commission européenne.

L’existence et la bonne application des règles de convergence budgétaire en Europe sont la condition de notre participation à la monnaie unique et au marché commun.

Par ailleurs, je crois que le pragmatisme du cadre de gouvernance qui est proposé engage la France. Alors que notre endettement s’élève en 2022 à près de 3 000 milliards d’euros et notre déficit à 4, 7 % du PIB, le Gouvernement doit faire davantage d’efforts pour réduire les dépenses publiques à l’horizon 2027.

La trajectoire proposée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques n’était, à cet égard, pas conforme à nos engagements européens. Elle ne l’aurait pas été davantage avec ceux qui découleraient des propositions de la Commission européenne. Il est donc temps d’anticiper et d’agir !

Je dirai également un mot de la crise des prix de l’énergie, qui, depuis son déclenchement, a conduit l’État à engager des dizaines de milliards d’euros pour en contrer les effets sur les ménages et les entreprises. Ces dépenses sont nécessaires à court terme, même si elles grèvent durablement nos finances publiques et si elles peuvent ne pas toujours paraître à la hauteur, notamment pour soulager nos entreprises les plus fragiles ou les plus exposées.

À plus long terme, nous le savons tous, une telle situation n’est pas tenable. Pour nous prémunir à l’avenir d’avoir à affronter ce dilemme entre la protection légitime de nos compatriotes et l’emballement incontrôlable de notre dette, une réforme structurelle du marché de l’électricité est indispensable.

Or les espoirs que nous portions sur la proposition qui doit être présentée cette semaine par la Commission européenne devraient malheureusement être déçus. Le Gouvernement semble n’avoir pas réussi à faire valoir nos intérêts, qui reposent sur un mix électrique décarboné et aux coûts de production faibles. De toute évidence, cet ajustement des règles du marché de l’électricité ne permettra pas de décorréler les prix du gaz et de l’électricité. Par conséquent, à la prochaine crise des prix, j’ai bien peur que nous soyons de nouveau contraints de prendre des mesures palliatives d’urgence, fortement coûteuses et moins efficaces.

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