Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 15 mars 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plus d’une année s’est écoulée depuis l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Ce que l’on redoutait se produit : le conflit dure.

Il est trop tôt pour parler d’enlisement, mais on peut certainement déplorer un durcissement. Sur le terrain, la dureté des combats à Bakhmout illustre en effet une situation très difficile.

Devons-nous craindre qu’une guerre initialement confinée à l’Europe ne se mue en conflit plus général ? Le flou de Pékin sur d’éventuelles livraisons d’armes à Moscou interroge, de même que les manœuvres de Vladimir Poutine pour pousser l’Iran à l’offensive contre l’Occident. Aussi, l’Union européenne doit s’apprêter à affûter ses armes, si j’ose dire.

Tout d’abord, à ce stade de la guerre, il ne reste plus de place pour l’hésitation. L’Europe doit définitivement s’accorder sur une vision unique : si le peuple russe n’est pas l’ennemi, la Russie de Vladimir Pouline l’est devenue. Tant que ce dernier restera au pouvoir, il apparaît difficile de rétablir la confiance.

Pour garantir la sécurité collective, les pays membres de l’Union européenne doivent donc tous partager les craintes exprimées depuis longtemps par les membres du centre de l’Europe et les pays baltes. À cet égard, en tant que présidente du groupe d’amitié sénatorial France-Moldavie, je suis inquiète face aux tentatives de déstabilisation de Chisinau. La présidente moldave, Maia Sandu, redoute un plan russe visant à troubler son pays, qui est, je le rappelle, candidat à l’Union européenne.

Dans ces conditions, je ne doute pas que le prochain Conseil européen réaffirmera, comme il l’a fait lors de sa dernière réunion du mois de février dernier, son soutien, non seulement à l’Ukraine, mais aussi à tous ses voisins menacés par l’impérialisme russe. Dans cette perspective, mon groupe soutient la politique de pression collective engagée par l’Europe, notamment le plafonnement des prix des produits pétroliers, toutes les mesures restrictives adoptées en étroite coordination et coopération avec les partenaires mondiaux, ainsi que les dispositifs anti-contournement qui les accompagnent.

Le dernier Conseil européen a exprimé son soutien à la formule de paix en dix points présentée par le président Zelensky. Au sein du RDSE, nous sommes bien entendu également dans l’attente de la recherche d’une paix négociée, même si, je l’ai dit, le dialogue avec Moscou est rompu.

En attendant, mes chers collègues, nous sommes dans une impasse face à un conflit qui a un impact direct sur l’économie européenne.

Si les prix de l’énergie se tassent un peu, cette question sera une nouvelle fois à l’ordre du jour du prochain Conseil. Madame la secrétaire d’État, comment recevez-vous les propositions avancées hier par Bruxelles sur le marché de l’électricité ? On voit bien qu’une vraie réforme de fond, promise par la présidente de la Commission, s’éloigne de plus en plus. Il semblerait que l’on se contente de stabiliser les prix, alors qu’il faudrait revoir leur mode de fixation.

En attendant, je dois dire que l’on ne peut qu’accueillir favorablement l’idée d’imposer à tous les fournisseurs d’énergie ayant plus de 20 000 clients particuliers des contrats à prix fixes. De même, la possibilité pour les États membres de réduire la facture des consommateurs est également une bonne chose, à un moment où nos concitoyens les plus modestes sont pris en tenaille entre les coûts croissants des charges contraintes et les dépenses alimentaires incontournables. Quant aux petites entreprises, les protéger contre les fluctuations des énergies fossiles par un régime de garantie ou un soutien public au contrat d’achat de combustibles non fossiles constitue aussi une initiative de bon sens.

Si toutes ces mesures, pour beaucoup conjoncturelles, méritent d’être soutenues, il faut que la France renforce encore sa vision de long terme. C’est une nécessité pour que notre pays retrouve une grande part de souveraineté énergétique.

Vous nous avez confirmé, madame la secrétaire d’État, que le nucléaire faisait bien partie de la réforme proposée par Bruxelles. Compte tenu de notre modèle énergétique, il est évident qu’il paraît difficile de se passer de centrales nucléaires. Pour autant, ce maintien de l’atome dans notre mix énergétique ne doit pas empêcher la France de combler le retard considérable qu’elle a pris dans le développement des énergies renouvelables. J’espère que la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables, tout juste adoptée, et que mon groupe a soutenue, tiendra ses promesses.

Pour terminer, je tiens à souligner la demande du Bureau européen des unions de consommateurs, qui recommande à l’Union européenne d’interdire les allégations climatiques trompeuses sur les aliments, telles que « bananes climatiquement neutres ». Ce bureau a publié une étude rappelant, notamment, que la production de tous les aliments et boissons nécessitera toujours l’émission de carbone et que ces allégations induisent les consommateurs en erreur. Attachée aux questions d’étiquetage des aliments, je souhaite, madame la secrétaire d’État, que la France soit attentive à cette politique, ainsi qu’à celle de la protection des indications géographiques protégées.

Sur ce dernier point, j’insiste pour qu’une approche harmonisée ne remette pas en cause la richesse, l’identité et les usages dans nos territoires des produits d’excellence. Comme vous le savez, près de 200 appellations viticoles de l’Union européenne se sont inquiétées de la proposition de réforme des règles en matière d’indications géographiques. Il serait question d’externaliser l’examen des cahiers des charges vers une agence de l’Union européenne, à savoir l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Merci de rassurer nos producteurs et artisans du goût sur ce volet.

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