Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 15 mars 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 55 milliards d’euros de recettes commerciales en 2021, 431 milliards d’euros de déficit commercial en 2022 : voilà l’évolution de l’Union européenne, une illustration de plus du choc et de l’importance de la remise en cause de notre modèle européen.

Face à cette remise en cause, il est indispensable de faire preuve d’humilité, mais aussi de solidarité. Nous sommes en effet tous responsables, et chercher des boucs émissaires parmi nos partenaires ne nous permettrait pas de trouver, en solidarité, une réponse à ce défi commun : définir un nouveau modèle sans se battre sur les questions de nucléaire ou de production et de transmission d’hydrogène…

Nous devons plus que jamais, et de manière encore plus résolue au vu de ce que nous avons vécu en 2022, avancer vers le Green Deal, encore une fois en solidarité, en sachant que nous trouverons ensemble une solution.

En effet, malgré les échos pessimistes qui nous reviennent, l’Union européenne est encore un espace fort en matière commerciale.

La puissance commerciale de l’Union est, certes, un atout, mais qui n’est pas suffisant. Nous l’avons vu, lorsque l’on commerce sans s’aimer, survient le Brexit… Et lorsque l’on commerce sans se comprendre, à un moment se produit un choc : c’est ce que nous vivons aujourd’hui avec la Russie.

Chercher à construire un nouveau modèle ne peut pas se faire en autarcie ; il faut en passer par des accords commerciaux qui sont assumés par l’ensemble des populations et qui répondent aux exigences actuelles en matière de respect de l’environnement et de compréhension des questions climatiques, environnementales et sociales.

Madame la secrétaire d’État, nous entendons dire que la Commission européenne pourrait dissocier les accords commerciaux, afin d’éviter le passage devant les parlements nationaux : il y aurait, d’une part, une partie strictement commerciale, ainsi qu’on l’entendait dans les années 1980, et, d’autre part, une partie politique. Ce n’est ni sérieux ni correct !

Si nous avons de bons accords politiques et de bons accords commerciaux, nous pourrons avancer. Mais passer des accords commerciaux comme au siècle dernier n’est certainement pas le bon moyen de placer l’Union européenne en position de force !

Tout ce qui a pu être dit sur nos faiblesses, en termes notamment d’aides d’État, justifie que nous construisions nos projets différemment, de façon plus politique. La Commission européenne doit savoir avancer avec l’ensemble des parlements nationaux pour que nous ne nous trouvions pas devant le fait accompli en matière d’accords commerciaux.

Nous devons plus que jamais nous mobiliser pour soutenir l’Ukraine et lui fournir les armes qui lui permettront, demain, d’imposer la paix sur son territoire. Il nous faut aussi soutenir les réfugiés que nous accueillons.

Nous devons, en outre, reconnaître le droit pour la Cour pénale internationale (CPI) de lancer des mandats d’arrêt contre toutes les personnes responsables de crimes de guerre en Ukraine. À cet égard, je veux saluer la proposition de résolution européenne dénonçant les transferts forcés d’enfants, présentée par André Gattolin. Aucun niveau de la chaîne de commandement et d’exécution de ce qui peut être qualifié de crime de génocide ne doit bénéficier d’une quelconque impunité.

Nous devons au peuple ukrainien, à ses souffrances et à son combat de défendre l’État de droit plus résolument que jamais, auprès des pays membres et des pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne, l’Ukraine en premier lieu.

Aucun pays de l’Union européenne et aucun candidat à l’adhésion ne saurait transiger sur les principes d’indépendance de la justice, de lutte contre la corruption, de liberté de la presse et de liberté d’opinion !

Nous avons conféré à l’Ukraine la qualité de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. C’est une bonne chose, et c’est indispensable. Ce doit être la source d’un nouveau dynamisme en vue de l’adhésion des pays candidats, en particulier ceux des Balkans, qui ne croient plus à la perspective européenne.

Il convient de crédibiliser la perspective d’adhésion des peuples des Balkans et de ne pas décevoir demain le peuple ukrainien, qui a commencé son combat parce qu’il voulait entrer dans l’Union européenne. Nous devons à ces peuples d’avancer dans cette voie. Le veto qui fut opposé à la Macédoine, par exemple, doit faire partie du passé.

Ce nouveau dynamisme est nécessaire, mais il faut être conscient que le processus d’adhésion sera difficile. Rappelons que l’Ukraine, en tant que grande puissance agricole, est dans une situation unique sur le continent européen. Il faudra cependant avancer, et ce sera positif pour l’ensemble des pays européens.

Il faut également progresser sur le pacte sur la migration et l’asile : pas seulement sur la base de données Eurodac, sur la procédure de filtrage dite « screening », en bref sur le volet « répressif », mais aussi sur les questions de solidarité. Nous devons tirer les enseignements de ce que nous avons bâti pour la protection temporaire des réfugiés, en accordant la liberté de circulation dans l’ensemble de l’Union européenne et le droit au travail aux Ukrainiens que nous avons accueillis et protégés.

Je n’évoquerai pas l’ensemble des relations entre l’Afrique et l’Union européenne, dont la politique de visas me semble particulièrement préoccupante ; elle influe sur la perception par les Africains de l’Europe et de la France. Mais permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de vous faire partager mon inquiétude sur l’évolution de la Tunisie.

L’Europe ne peut pas rester tétanisée face à un pays dont l’avenir est lié à sa relation avec l’Union. Nous ne pouvons pas fermer les yeux en imaginant le pire, avec toutes les conséquences que cela entraînerait.

L’Europe est véritablement elle-même lorsqu’elle est fidèle à ses valeurs et qu’elle défend résolument, tout en étant consciente de son histoire, la liberté de l’ensemble des peuples du monde.

Cela vaut pour l’Ukraine comme pour tous les peuples du monde. Nous savons crier avec les peuples qui revendiquent la liberté : « Femme, vie, liberté » ! Il revient à l’Union européenne de montrer sa solidarité sans limites avec le combat du peuple iranien, comme avec ceux de tous les autres peuples. C’est pour cela qu’elle doit se développer pour être plus forte !

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