Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 15 mars 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

Par cet acte manqué, 6 milliards d’euros échappent aux caisses de la sécurité sociale. Ils représentaient pourtant une piste de financement du système des retraites : 1, 25 milliard d’euros pour les retraites, la dignité pour les travailleurs. On aurait fait ainsi d’une pierre deux coups !

Contrainte par les luttes et les décisions judiciaires, l’Europe a franchi une première étape, mais, malgré une évolution du rapport de force en faveur de la requalification des travailleurs et du droit du travail, le Président de la République reste arc-bouté sur une défense obstinée des intérêts des plateformes.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement continuera-t-il à être récalcitrant à cette avancée sociale ? Mieux, prévoyez-vous de devancer l’adoption définitive de la directive pour consacrer, dès demain, un droit nouveau pour les travailleuses et les travailleurs de plateformes ?

Sur la réforme des retraites, le contrat pourrait être rempli d’ici au 23 mars et le texte adopté, contre l’opinion populaire majoritaire. Nous ne cesserons de rappeler que, comme ce fut le cas en Espagne, cette réforme répond à une exigence de la Commission européenne. Nul complotisme dans cette affirmation ; nul projet dissimulé : tout est public et transparent.

Dès le 5 juin 2019, le Conseil de l’Union européenne enjoignait à la France de réformer ses retraites ; bis repetita le 1er juillet 2022 : les ministres des États membres de l’Union recommandent que la France s’attache « à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite, en vue de renforcer l’équité et la soutenabilité de ces régimes ». Vous nous expliquerez – sans doute pas ce soir, car nous en avons déjà beaucoup débattu ! – où vous voyez de l’équité dans cette réforme !

La Commission, tout comme le Conseil, raffolait d’une retraite par point, comme le prévoyait la précédente réforme, mise en échec en 2019. Elle préparait plus frontalement, mais moins sournoisement, l’accroissement d’une part de capitalisation.

Le recul de l’âge de départ obligera ceux qui le peuvent à mettre de l’argent de côté pour se prémunir des décotes, de l’épuisement professionnel ou des minima sociaux. Cette manne va être captée par le système bancaire, puis placée sur les marchés financiers. Les banques américaines font faillite sans garantie des dépôts, sans garantie des placements ; cela devrait vous faire réfléchir. Il ne suffit pas de crier : « Calm down ! », comme Bruno Le Maire, pour faire cesser l’irrationalité des marchés devenus fous.

L’insistance européenne en faveur d’une réforme des retraites est un phénomène de longue date. Je le dis avec solennité, en France comme en Europe, en gouvernant par oppression, et en menant des réformes contre le progrès social, on réarme les extrêmes droites dans leur quête du pouvoir, le tout sur fond d’affaiblissement continu des parlements nationaux. Ainsi, nous réunissons les conditions d’émergence d’un régime autoritaire. Notre idéal démocratique est bien mis à l’épreuve.

La contre-réforme des retraites n’est pas la seule conséquence de la volonté d’ingérence de l’Union européenne dans la souveraineté budgétaire des États. Après leurs suspensions pendant la crise sanitaire, les règles budgétaires reviennent et seront probablement abordées au troisième point de l’ordre du jour du Conseil.

Nous en attendons les éléments, mais ce que nous entendons est extrêmement préoccupant et ne tire en rien les leçons des injonctions austéritaires inapplicables et inappliquées : 3 % de déficit – une hérésie ! – et 60 % de dette publique – une fable répétée à l’envi. Le peuple souverain a-t-il décidé de telles règles ? Je n’en trouve pas la trace démocratique. Osez donc consulter les parlements nationaux !

En tout état de cause, la Commission a présenté le 9 novembre 2022 une nouvelle méthode. Chaque État pourra définir lui-même sa propre trajectoire de réduction des déficits et de sa dette publique sur quatre ans. Il en serait ainsi terminé des règles uniformes, qui n’ont jamais fonctionné.

Pour autant, si un délai supplémentaire de trois ans est prévu pour les pays dont la dette publique dépasse 60 % du PIB, il ne serait accordé, selon Le Monde, qu’à condition que ceux-ci « s’engagent à adopter des réformes structurelles et à faire des investissements stratégiques de nature à alimenter la croissance ». « Réforme structurelle » est ici synonyme de chantage, pour mener des contre-réformes libérales contre l’intérêt des classes populaires.

Dès lors, des questions s’imposent. Quelle croissance ? Pour qui ? Pour quels nouveaux emplois ? Pour quels nouveaux métiers ? Pour quels progrès sociaux ? On ne saurait raisonner ainsi, tant la croissance pour la croissance ressemble à une impasse.

Un média allemand résume ainsi les annonces de la commission : « Plus de marge de manœuvre, mais aussi plus de rigueur ». Si j’ai du mal à voir les marges de manœuvre, je vois bien la rigueur !

Ainsi, la procédure d’infraction pour déficits excessifs est maintenue. En entendant l’expression, on sait déjà que l’on va prendre perpétuité, sans remise de peine. Les sanctions relatives au niveau de la dette publique sont renforcées par des sanctions financières et des sanctions de réputation, notamment par une convocation à une audition au Parlement et par le blocage des fonds structurels.

Rassurez-vous, mes chers collègues, tout cela sera préventif ; le goulot d’étranglement interviendra plus tôt, enfermant les États dans l’austérité en asséchant leur capacité budgétaire. Les mêmes causes emporteront donc les mêmes effets ; la Grèce en a déjà durement fait les frais !

En outre, les deux piliers du pacte de stabilité sont maintenus : déficit public limité à 3 % du PIB et plafond d’endettement à 60 %.

Les finances publiques ne sont pourtant pas qu’une dette ; elles constituent aussi un patrimoine financier et immobilier. Si nous procédions ainsi, la dette de la France n’atteindrait plus que 87 %, au lieu de 115 %, nous rapprochant de l’objectif infondé de 60 %. Nos concitoyens auraient dès lors le droit de décider de leur propre politique. (

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion