Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 15 mars 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Véronique Guillotin a opportunément évoqué les menaces que la Russie fait peser sur la Moldavie.

La Géorgie, elle, fait face à un mouvement contestataire d’ampleur depuis le 7 mars dernier, date à laquelle le Parlement a adopté la loi dite des « agents étrangers ». Inspiré de la législation russe, ce texte était censé museler les ONG et les médias d’opposition dans le pays.

Des rassemblements spontanés de plusieurs milliers de personnes à Tbilissi, la capitale, ont fait plier le gouvernement. Quel avenir proche pour la Géorgie, pays paradoxal dirigé par des gouvernements inféodés à la Russie, mais dont la population est acquise à plus de 80 % à la cause de l’Europe ?

En début de semaine, Sergueï Lavrov n’a pas hésité à comparer ce soulèvement à la révolution ukrainienne de 2014, dénonçant par là même des influences cherchant à provoquer un sentiment antirusse. Et le représentant des affaires étrangères de la Crimée de renchérir : « Nous recommandons au peuple géorgien de se souvenir d’une situation similaire en Ukraine en 2014, et de ce à quoi elle a finalement mené. »

En juin dernier, l’Union européenne s’est déclarée prête à donner le statut de pays candidat à la Géorgie. Quelles sont les prochaines étapes envisagées pour cette adhésion, madame la secrétaire d’État ? Les conditions nécessaires à l’activation de ce statut sont-elles réunies ? La situation de la Géorgie fera-t-elle l’objet d’un point précis lors du Conseil européen de la semaine prochaine ?

Alors que les combats et les bombardements en Ukraine s’intensifient, l’Europe a annoncé qu’elle se prépare à mettre en œuvre un plan d’action qui prévoit d’utiliser les ressources de la Facilité européenne de paix à hauteur de 1 milliard d’euros, afin de libérer les stocks de munitions déjà existants et de passer de nouveaux contrats.

Comme l’a indiqué M. Rapin, Thierry Breton a détaillé cet enjeu existentiel pour l’Europe en expliquant qu’il fallait identifier les goulets d’étranglement qui empêchent l’Union européenne de produire des munitions de manière massive et qu’il convenait de procéder, avec les entreprises qui produisent des munitions, presque au cas par cas.

Cette stratégie permettra-t-elle à court terme de produire plus de munitions et de préserver notre souveraineté européenne en la matière ?

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur la proposition de résolution de mon collègue André Gattolin, déjà évoquée par notre collègue Colette Mélot. Adopté il y a quelques jours par la commission des affaires européennes, ce texte, qui dénonce les transferts forcés et massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie, sera examiné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dans les tout prochains jours.

La France et, plus largement, l’Union européenne mettront-elles des moyens pour enquêter sur ces disparitions d’enfants ?

Je souhaite enfin vous alerter, madame la secrétaire d’État, sur l’Indopacifique.

Le président chinois a apporté son appui politique à Moscou. Comme Poutine, il combat le monde démocratique et cherche à le soumettre.

Alors que les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni affirment leur stratégie dans l’Indopacifique et ont fait une déclaration commune voilà quelques jours, l’Union européenne peine à fournir une réponse à la hauteur des enjeux de la région.

Au mois de septembre 2021, l’Union européenne a présenté sa stratégie pour la région indopacifique. Celle-ci a vocation à répondre aux grands défis mondiaux en matière de sécurité, de climat ou encore de transition numérique.

Cette zone est au centre d’une concurrence géopolitique très intense. Preuve en sont notamment les tensions croissantes autour de territoires et de zones maritimes contestés par la Chine, qui affiche son expansionnisme.

La Chine augmente encore son budget militaire et investit dans sa capacité à prendre le contrôle de Taïwan et à chasser les États-Unis hors de la région.

Au mois de décembre 2022, le Japon a modifié radicalement sa doctrine de défense et prévoit désormais de doubler son budget annuel consacré à celle-ci, le portant d’environ 1 % de son PIB actuellement à 2 % d’ici à 2027.

Le mois dernier, à Manille, le président Marcos a convoqué l’ambassadeur chinois pour dénoncer l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des actions menées par la Chine contre les garde-côtes et les pêcheurs philippins.

En février, les États-Unis et les Philippines ont signé un accord pour créer quatre bases militaires américaines supplémentaires dans ce pays d’Asie du Sud-Est.

Compte tenu de la proximité de Taïwan et de ses eaux voisines, les Philippines occupent une position stratégique dans l’éventualité d’un conflit avec Pékin, pronostiqué par certains généraux dès 2025.

Comme nous l’indiquait Gillian Bird, ambassadrice d’Australie en France, la situation dans l’Indopacifique n’a jamais été aussi dangereuse depuis la Deuxième Guerre mondiale.

La France a toujours eu la volonté de porter une stratégie européenne sur ce sujet. Cette question sera-t-elle discutée lors du prochain Conseil ?

La loi sur la sécurité nationale de 2020 à Hong Kong a par ailleurs porté un coup fatal au cadre « un pays, deux systèmes » mis en place au moment de la rétrocession par le Royaume-Uni de Hong Kong à la Chine en 1997.

Le procès de quarante-sept personnes accusées de subversion pour avoir organisé une élection primaire non officielle à Hong Kong en 2020 a commencé le mois dernier. Il vise à écraser la dissidence.

La plupart de ces personnalités prodémocratie sont détenues depuis deux ans. Seules seize d’entre elles seront jugées, tandis que trente et une personnes ont plaidé coupable et seront condamnées à l’issue du procès.

Ce procès montre que Pékin s’est affranchi du respect de ses engagements internationaux, comme l’a dénoncé l’ONU et comme l’avait anticipé Josep Borrell.

L’Union européenne prévoit-elle de prendre position sur ces procès politiques qui nous rappellent les procès staliniens et démontrent que le concept « un pays, deux systèmes » a disparu ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion