Intervention de Laurence Boone

Réunion du 15 mars 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Laurence Boone :

Madame la présidente, messieurs, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. Je tâcherai de répondre à toutes les questions que vous m’avez posées. Mais le temps qui m’est imparti étant restreint, je me tiendrai à votre disposition avec mon cabinet si vous avez besoin d’éléments supplémentaires.

Monsieur le président Rapin, monsieur le rapporteur général Husson, madame la sénatrice Guillotin, monsieur le sénateur Gattolin, madame la sénatrice Mélot, vous avez été très nombreux à évoquer la guerre en Ukraine, où les combats sont toujours très intenses.

La Russie tirant environ 10 000 obus par jour, les Ukrainiens ont cruellement besoin de notre aide, notamment en matière de munitions. Les discussions qui se tiennent à Bruxelles ont abouti à la proposition de prélever 2 milliards d’euros sur les fonds de la Facilité européenne de paix pour accélérer la fourniture de munitions, essentiellement de 155 millimètres, à l’Ukraine.

L’objectif de cette initiative est triple.

Premièrement, encourager la cession des stocks en remboursant à hauteur de 1 milliard d’euros des cessions consenties par les États membres à l’Ukraine.

Deuxièmement, faciliter les achats conjoints via l’Agence européenne de défense.

Troisièmement, renforcer les capacités de production de l’industrie européenne, notamment par la mobilisation du budget européen pour aider nos industriels à augmenter l’offre européenne de munitions.

Cette initiative devrait être validée lors du Conseil affaires étrangères et défense du 20 mars, puis endossée par le Conseil européen.

Monsieur le sénateur Chevrollier, vous m’avez demandé s’il y avait une ligne rouge dans l’aide à fournir à l’Ukraine. Le Président de la République a été très clair à ce sujet. Rien n’est exclu, mais nos choix doivent répondre à trois exigences : ils doivent être efficaces et utiles immédiatement pour les Ukrainiens – ce n’est pas le cas de toutes les armes que nous leur fournissons –, ils ne doivent pas contribuer à l’escalade et ils ne doivent pas obérer nos propres capacités de défense nationale.

Vous avez été nombreux – MM. les sénateurs Cadic et Leconte, ainsi que Mme Mélot, qui a évoqué le projet de résolution de votre collègue André Gattolin – à mentionner les transferts forcés et massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Ces transferts forcés sont ignobles.

Le Conseil européen s’est emparé du sujet, puisque le dixième paquet de sanctions contre la Russie, adopté le 25 février, a déjà permis de sanctionner quatre personnes responsables de la déportation et de l’adoption forcée d’enfants ukrainiens.

Il s’agit de deux responsables politiques dans des régions russes – le vice-premier ministre de la République de Bachkirie et le chef adjoint de l’oblast de Moscou –, ainsi que de la commissaire russe aux droits de l’homme et d’une responsable de fondation russe. Tous ont contribué à l’adoption illégale d’enfants ukrainiens par des citoyens russes. Nous n’hésiterons évidemment pas à renforcer ses sanctions.

Monsieur le président Rapin, madame la sénatrice Guillotin, vous m’avez également interrogée sur la Moldavie, où je me suis rendue la semaine dernière. Je ne peux que vous encourager à vous y rendre également pour apporter votre soutien à sa présidente Maïa Sandu.

Lors de mon entretien avec Mme Sandu la semaine dernière, nous avons abordé trois thématiques principales.

La première est la coopération apportée par la France pour renforcer la démocratie, l’État de droit et la justice en Moldavie. Vous savez à quel point la présidente s’est attaquée à la corruption et à la rénovation de la justice dans son pays.

La deuxième thématique est celle du soutien que nous apportons à la société civile moldave, notamment dans la continuité de l’aide d’urgence qui est apportée depuis l’an dernier.

Nous avons enfin évoqué les préparatifs du deuxième sommet de la Communauté politique européenne (CPE) qui se tiendra à Chisinau le 1er juin et qui est un événement très important pour la Moldavie.

La diplomatie parlementaire a un rôle majeur à jouer, d’autant que comme cela a été indiqué, dans de nombreux pays des Balkans, la demande de soutien parlementaire est très forte.

Vous avez également évoqué la Géorgie, monsieur Cadic. J’ai reçu ce matin la présidente de la commission des affaires européennes du Parlement géorgien – si mes informations sont bonnes, vous l’avez également rencontrée, monsieur le sénateur –, qui m’a fait part des progrès réalisés par son pays sur onze des douze recommandations qu’il doit mettre en œuvre, la polarisation de la vie politique demeurant un sujet difficile.

De notre côté, nous avons salué le retrait du projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère, qui n’était pas compatible avec le processus de rapprochement de la Géorgie avec l’Union européenne.

Ce pays a besoin de tous les soutiens possibles, notamment techniques, pour parvenir à mettre en œuvre les recommandations de façon satisfaisante

Plus largement, dans le cadre de l’élargissement de l’Union européenne aux Balkans occidentaux, nous devons parvenir à fournir une assistance technique plus importante à ces pays de manière à ne pas les laisser dans une chambre d’attente trop longtemps.

M. le rapporteur général Husson, ainsi que Mmes et MM. les sénatrices et sénateurs Berthet, Joly, Chevrollier et Fernique, Guillotin et Arnaud m’ont également interrogée sur la compétitivité de l’Union européenne en matière d’énergie et sur l’IRA.

Tous l’ont souligné, la première des raisons pour lesquelles nous avons un fossé de compétitivité avec les États-Unis et d’autres régions est bien le prix de l’énergie. Dans ce cadre, la réforme du marché de l’électricité est extrêmement importante, et la France s’est mobilisée en ce sens, notamment grâce à l’action du ministre Bruno Le Maire, de la ministre Agnès Pannier-Runacher et de tout le Gouvernement, depuis plus d’un an, pour protéger les consommateurs, pour lutter contre la volatilité des prix et pour donner de la visibilité à nos entreprises afin qu’elles puissent prendre leurs décisions d’investissement en Europe.

Je crois qu’il faut le reconnaître, la proposition de la Commission européenne est une base solide et large, puisqu’elle inclut le nucléaire existant. Elle aura pour effet non seulement de préserver les avantages de l’intégration des échanges d’énergie en Europe, mais aussi de nous apporter des bénéfices concrets en matière de stabilité. Elle nous permettra de bénéficier de la compétitivité du parc nucléaire.

Elle prévoit à la fois des contrats de long terme – certains d’entre vous le demandaient – et ce que l’on appelle des contrats « pour différence ». Ainsi, le Power Purchase Agreement (PPA) permet de sécuriser les consommateurs comme les entreprises en incluant le nucléaire existant, de faire baisser les prix au plus près des coûts de production de notre parc nucléaire existant et de fournir une certaine stabilité et une prévisibilité, qui sont très importantes pour nos entreprises.

Notre objectif est que cette réforme soit adoptée avant la fin de l’année. Nous disposerons probablement d’un certain nombre d’orientations au mois de juin prochain. Nous espérons – et je crois que le Parlement européen en fait aussi un sujet d’importance – parvenir à conclure rapidement, de façon à pouvoir présenter la mise en œuvre de cette réforme et son bilan dans le cadre des prochaines élections européennes.

Outre la question des prix de l’énergie, il faut aussi prendre en compte la nécessité de répondre au plan américain Inflation Réduction Act par le plan « zéro émission nette ». Cette réponse s’inscrit dans une stratégie très large, qui vise à faire en sorte que l’Europe se montre plus offensive en matière commerciale et industrielle. Je regrette que vous trouviez que ce plan ne produise pas d’« effet waouh », mais j’espère que dans sa mise en œuvre, ce sera le cas.

Il prévoit plusieurs dispositifs, au premier rang desquels un volet de propositions sur les marchés publics pour que tous les bons critères soient pris en compte dans l’attribution des contrats, que ce soit la performance environnementale ou la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne. L’objectif est d’éviter toute dépendance en faisant en sorte que nos services publics ne soient pas assurés par des entreprises de pays tiers.

Le deuxième dispositif consiste en la mise en place d’une plateforme d’investissement pour mieux coordonner les financements disponibles et pour mobiliser toutes les ressources dans les secteurs stratégiques de façon rapide.

Monsieur le rapporteur général, j’entends ce que vous dites sur la bureaucratie européenne, mais je peux vous assurer que le troisième pilier de ce plan est la réduction des délais d’octroi de permis pour faciliter la réindustrialisation de la France. Il sera complété par le futur projet de loi sur l’industrie verte en France qui est défendu par Bruno Le Maire. Nous voulons réduire la bureaucratie européenne et faire de la rapidité de nos procédures un réel avantage compétitif.

Je ne dirai pas qu’il n’y a pas encore de progrès à faire dans cette proposition de plan. La liste des technologies couvertes doit être étendue pour intégrer le nucléaire, puisque comme vous l’avez constaté, cela n’y figure pas encore. Il en va de même pour la chaleur renouvelable et la biomasse. Il faut que le règlement prenne en compte tous les projets de décarbonation du secteur industriel.

J’en viens à présent à la question du Royaume-Uni, sur laquelle m’ont interrogée Mme la sénatrice Mélot et M. le sénateur Gattolin, entre autres.

L’accord de Windsor a en effet été signé le 27 février dernier, ce qui est une bonne chose, puisqu’il nous permet d’avancer sur la mise en œuvre du protocole nord-irlandais.

Son dispositif est assez simple : il y aura des produits destinés à rester sur le marché britannique et des produits qui iront sur le marché unique. Sur le marché britannique, l’accord prévoit des tests aléatoires et sur le marché unique les tests seront systématiques. Nous aurons aussi un système de contrôle des données d’échanges commerciaux, de façon à détecter toute éventuelle fraude.

Plus largement, sur le Royaume-Uni, la ligne française n’a pas varié. Notre pays défend une exigence maximale sur le respect des accords conclus dans le cadre du Brexit et une ouverture maximale pour travailler avec le Royaume-Uni, car nous n’échapperons pas à notre géographie.

Messieurs les sénateurs Fernique, Gattolin, Arnaud et Chevrollier, en ce qui concerne l’interdiction des véhicules thermiques en 2035, la France est très claire : elle réaffirme qu’il faut garder cet objectif de 2035. Tout d’abord, c’est là un signal clair de notre mobilisation pour lutter contre l’urgence climatique. Cet objectif est nécessaire sur le plan écologique. Ensuite, il est aussi nécessaire sur le plan industriel. Nous l’avons dit aux producteurs de voitures : changer de direction serait nuisible à la prévisibilité que nous voulons donner à toutes nos entreprises industrielles. La décision est donc à la fois écologique et industrielle. Elle nous permettra en outre de renforcer notre indépendance énergétique.

Je note aussi que la ministre de l’environnement allemande ne dit pas autre chose, ce qui me donne beaucoup d’espoir pour sortir de cette situation malheureuse.

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