Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer l’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, le troisième volet des lois dites Égalim, c’est-à-dire pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Le législateur tente de nouveau dans ce texte de réguler des relations commerciales plus tendues que jamais entre industriels et distributeurs, dans un contexte d’inflation croissante.
Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord entre sénateurs et députés sur des points cruciaux, comme le rééquilibrage des rapports de force entre ces acteurs, en affirmant le caractère d’ordre public de notre droit commercial et en protégeant la valeur des matières premières agricoles, donc le revenu des agriculteurs.
Les discussions ont été vives, compte tenu des éléments nouveaux que le Sénat a introduits dans le texte et des divergences de vues initiales entre nos deux assemblées, notamment sur les articles 2 et 3, mais nous avons su trouver des compromis au service de l’intérêt général.
Je tiens à souligner l’écoute et la qualité des échanges sur ce texte, que ce soit entre nous, mes chers collègues, ou avec l’auteur et rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, M. Frédéric Descrozaille – qu’il en soit remercié, ainsi que ses équipes.
La grande majorité des apports du Sénat, et ils sont nombreux, ont été conservés par la commission mixte paritaire.
Premièrement, nous avons contribué à protéger l’emploi, l’investissement et l’innovation dans nos territoires, en mettant fin pour les produits non alimentaires aux « promos chocs », qui sont devenues destructrices de valeur et qui mettent en jeu la survie des entreprises. Je pense bien sûr aux produits bradés, parfois jusqu’à des taux de 90 %, qui sont imposés aux fournisseurs par les distributeurs.
À l’heure où les politiques publiques tentent de réindustrialiser notre pays pour plus d’emplois et de souveraineté, il était essentiel d’être attentif aux entreprises du secteur de la droguerie, parfumerie, hygiène (DPH), ô combien déterminantes durant la crise sanitaire, qui produisent et créent de l’emploi dans nos territoires.
Mes chers collègues, je vous proposerai un amendement visant à ce que cette mesure entre en vigueur en 2024 ; s’il n’était pas adopté, tous les accords et plans d’affaires élaborés ces dernières semaines, pendant les négociations, deviendraient caducs.
Deuxièmement, nous avons complété le dispositif de protection des matières premières agricoles au sein des négociations commerciales, pour une plus juste rémunération des agriculteurs.
En effet, si ces matières premières sont sanctuarisées pour ce qui est de la négociation sur les marques nationales depuis la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2, ce n’était pas le cas pour les produits vendus sous marque de distributeur (MDD), alors même que ces produits prennent de plus en plus de place dans les rayons. C’est désormais chose faite.
Dans la même perspective de protection des filières agricoles, la commission mixte paritaire a conservé l’exclusion de la filière des fruits et légumes du dispositif de seuil de revente à perte, dit « SRP+10 », qui s’est révélé préjudiciable aux producteurs de cette filière depuis quatre ans. Il était temps de les en sortir, pour soutenir la production française de fruits et légumes et garantir sa pérennité.
Troisièmement, en ces temps d’inflation, nous avons renforcé les obligations de transparence des distributeurs quant à leur usage des 600 à 800 millions d’euros de recettes suscitées chaque année par le SRP+10.
Depuis 2018, le Sénat pointe la fragilité de ce dispositif opaque, unique en Europe, qui consiste à donner un chèque en blanc aux distributeurs en espérant qu’ils utiliseront cette marge pour mieux rémunérer les producteurs.
En CMP, nous sommes tombés d’accord avec nos collègues députés pour exercer un contrôle renforcé et raccourcir d’un an la durée de l’expérimentation, jusqu’en 2025.
Quatrièmement, les avancées du Sénat sur les pénalités logistiques ont été conservées. Si leur existence même n’est pas contestable, encore faut-il qu’elles soient utilisées à leur juste mesure et à bon escient par les distributeurs. Les dispositions que nous avons adoptées permettront de s’en assurer.
Enfin, nous avons longuement débattu de l’article 3, qui entend régir les cas où industriels et distributeurs ne se mettent pas d’accord au 1er mars.
Le compromis trouvé permet seulement au fournisseur, à titre expérimental, de choisir entre cesser subitement de livrer ou appliquer un préavis de rupture qui tiendra compte des conditions économiques du marché. Cette solution, qui ne nous semblait pas idéale, présente des inconvénients qui, nous l’espérons, ne se révéleront pas trop importants. Mais c’est le propre des CMP que de rechercher des compromis…
Tels sont, mes chers collègues, les différents points d’accord auxquels la CMP est parvenue. Je vous invite bien évidemment à en adopter les conclusions pour permettre la mise en œuvre rapide de ces dispositions, qui constituent des avancées considérables en matière de rééquilibrage des relations commerciales et, surtout, de protection de la rémunération des agriculteurs.