Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Alphonse Karr, célèbre écrivain et journaliste français du XIXe siècle, écrivait : « En France, on parle quelquefois de l’agriculture, mais on n’y pense jamais. » Cette citation est à l’image de ce texte, surnommé « Égalim 3 » injustement, car il y est question non pas d’agriculture, mais de négociations commerciales entre les transformateurs et les distributeurs.
Or qui sont les vraies victimes de l’inflation et de l’augmentation du coût des intrants et de l’énergie ? Sur qui se répercutent les hausses ? Sur les consommateurs, bien sûr, mais aussi sur les agriculteurs.
Avec ce texte, nous examinons une énième loi agricole. Après Égalim 1, voilà Égalim 2, puis Égalim 3 ! Quelle sera la prochaine étape ?
Mes chers collègues, à la veille d’une grande loi agricole que nous appelons de nos vœux, nous devons impérativement nous intéresser à la situation de nos agriculteurs. Ne reproduisons pas les mêmes erreurs ! La situation n’est pas le seul fruit de la covid-19 ni de la guerre en Ukraine. Force est de le constater, la conjoncture n’est pas la seule responsable de ce manque de résultats.
Égalim 1 et Égalim 2 n’ont pas fait leurs preuves. Nous sommes loin du compte, et les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le groupe socialiste avait pourtant alerté le Gouvernement sur le manque d’ambition de ces textes au vu de la gravité de la situation de notre agriculture.
En effet, la ferme France est en déclin, notre agriculture souffre. Pourtant, des solutions existent. Dans La Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques Rousseau écrivait : « La condition naturelle à l’homme est de cultiver la terre et de vivre de ses fruits. » Mes chers collègues, nous devons mener bataille pour assurer notre souveraineté alimentaire.
Nous le savons, le juste partage de la valeur est la condition sine qua non d’un modèle vertueux. Agriculteurs, transformateurs et distributeurs, tous doivent trouver leur compte dans les négociations commerciales.
Nous déplorons que ce texte ne fasse pas de la question des agriculteurs le cœur de sa réflexion. Mais tel n’était sans doute pas son objectif ! Il s’agit d’une proposition de loi d’ajustement, qui, malgré ses lacunes, permet tout de même un certain nombre d’avancées que nous saluons.
Tout d’abord, nous nous félicitons que la plupart des améliorations votées par le Sénat aient été conservées dans la version finale.
Bien qu’ils aient des répercussions trop marginales sur les revenus des agriculteurs, nous sommes satisfaits du prolongement de l’expérimentation du SRP+10 et, surtout, de l’exclusion des fruits et légumes du dispositif. Mon groupe et moi-même avions notamment porté cette revendication de la filière par voie d’amendements.
Nous saluons aussi la réaffirmation du principe de la non-négociabilité de la matière première agricole pour les produits vendus sous marque de distributeur.
Parce qu’il est de la responsabilité du législateur de corriger les dispositifs au fur et à mesure, nous saluons l’article 1er, dont les dispositions visent à lutter contre les stratégies de contournement du droit par la grande distribution. Je pense à la constitution de centrales d’achat à l’étranger, pour échapper aux règles encadrant les négociations commerciales, telles qu’elles sont issues des lois Égalim.
N’en déplaise à la grande distribution, s’il y a des règles, c’est pour qu’elles soient respectées, et notre rôle est d’y veiller.
Mes chers collègues, je ne vais pas passer l’ensemble du texte en revue. Toutefois, nous notons avec intérêt l’accord en commission mixte paritaire sur l’article 3, qui tend à fixer les règles en matière de relations commerciales en cas d’échec des négociations.
Le texte que nous votons aujourd’hui n’a pas pour vocation d’inverser la vapeur. Selon moi, il ne donnera pas une toute-puissance aux transformateurs. Il s’agit au contraire d’équilibrer une situation qui ne l’était pas. Forcément, il y a des mécontents. Et ceux-ci se livrent au chantage en agitant la menace d’une explosion des prix.
La réalité, c’est que chacun doit faire un effort. Il convient de fournir une alimentation de qualité, produite par nos agriculteurs, à des prix abordables, quitte à rogner sur les marges de la distribution.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les socialistes voteront ce texte, même si nous considérons qu’il n’est qu’une goutte d’eau. Il doit s’inscrire dans une réforme globale de notre modèle agricole, dans le cadre d’une réflexion plus large à laquelle nous souhaitons être associés.
Je souhaite qu’il permette un rééquilibrage des relations commerciales entre industriels et distributeurs, ce qui devrait avoir, par ruissellement, des répercussions sur les producteurs.