Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que les conclusions de cette commission mixte paritaire interviennent dans un contexte complexe, dans lequel il est difficile de donner satisfaction à toutes les catégories impliquées, du producteur au consommateur, de la fourche à la fourchette.
Nous sommes invités à voter un texte dont l’objet affiché est de mieux protéger tous les acteurs de la filière, ce qui est fort louable du point de vue de l’intention, mais quasiment impossible dans le cadre dans lequel nous évoluons.
Les produits alimentaires connaissent une hausse spectaculaire, les prix de l’énergie restent à la hausse et nos agriculteurs demeurent confrontés à cette difficulté structurelle découlant du fait que l’essentiel de la valeur ajoutée des produits alimentaires ne revient pas à la production.
La vie chère s’installe de manière durable, et les salaires ne suivent pas. Au fond, consommateurs, salariés et paysans sont confrontés au même problème de la juste rémunération de leur travail.
Nous assistons à une hausse des prix, dont on ne sait pas toujours exactement à quoi elle est due, à une croissance faible, à une inflation forte et à un système économique saturé. Et ce sont toujours les mêmes qui en font les frais !
Bien entendu, l’objet de cette proposition de loi n’était pas de traiter la question des salaires ni du retour de la valeur ajoutée à la ferme. Pourtant, dans l’agroalimentaire, la proportion des entreprises voulant relever leurs prix atteint 70 %, ce qui laisse augurer une poursuite de la flambée des prix.
Le Gouvernement nous a annoncé la création prochaine d’un « chèque alimentaire pour les plus modestes », dont on ne connaît aucun détail. Nous savons seulement que le Gouvernement ne « souhaite pas distribuer d’aide alimentaire au niveau global, pour s’assurer que les consommateurs ne fassent pas le choix de la malbouffe dans les grandes surfaces. »
Le pays est au bord de la rupture, il s’appauvrit, et nous continuons à débattre d’une proposition de loi qui ne résoudra malheureusement pas le problème. Nous jouons les équilibristes, alors que nous avons besoin de mesures d’ampleur, de réformes de fond, et non pas de dispositifs qui toilettent le marché.
Or cette proposition de loi, nous le savons tous, aura un impact minime sur le revenu agricole et sur les 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Nous comprenons la recherche du compromis le plus équilibré possible, mais il ne faudrait pas que cette recherche d’équilibre conduise à une dualité entre les souhaits exprimés, d’une part, par le secteur de la production alimentaire, plutôt favorable au prolongement de l’expérimentation SRP+10, et, d’autre part, par les associations de consommateurs, plutôt opposées au prolongement de ce dispositif expérimental.
Je le reconnais, le compromis n’était pas facile à trouver ! Il conviendrait donc de traiter le sujet au fond, en reconsidérant la LME, la loi de modernisation de l’économie, qui fait peser de nombreuses hypothèques sur le secteur de la production.
Le pire, c’est que les entreprises sont incitées à payer peu. Ce sont les allègements généraux de cotisations sur les bas salaires qui pèsent sur les salaires et qui provoquent une forme de recul de la possibilité d’acheter.
Nous ne voulons pas décourager les bonnes intentions qui sous-tendent ce texte. Dans le même temps, nous en mesurons toutes les limites. Telles sont les raisons essentielles qui nous conduisent à nous abstenir.