Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on ne peut pas se protéger soi-même, on doit pouvoir appeler à l’aide. Et quand on appelle à l’aide, on doit nous croire. Et quand on nous croit, on doit nous aider.
Ces principes très simples devraient aller de soi. Pourtant, les protections accordées aux enfants victimes de violences intrafamiliales sont en France largement insuffisantes. Or il y a urgence, compte tenu de l’ampleur du phénomène : 165 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année ; 400 000 enfants vivent dans un foyer dont un membre exerce des violences conjugales, et en sont les victimes directes ou collatérales ; 2 enfants par classe et 1 à 2 adultes sur 10 ont été victimes de violences sexuelles, soit entre 35 et 70 d’entre nous, au Sénat, avec les fractures perpétuelles que cela implique.
Les violences subies pendant l’enfance ont de graves conséquences psychologiques et somatiques qui durent souvent la vie entière. Le mouvement #MeTooInceste et la Ciivise, créée en réaction, ont démontré que la clé n’était pas tant la parole que l’écoute, car les victimes qui parlent ne sont que rarement crues, encore moins aidées convenablement, quand elles le sont.
Il y a donc urgence à agir pour renforcer le cadre légal pour la protection des victimes. À cet égard, je remercie Mme Isabelle Santiago de son initiative et Mme la rapporteure, Marie Mercier, de son travail. L’ensemble du groupe écologiste soutient bien évidemment cette proposition de loi, qui est une étape importante pour améliorer la protection des victimes.
En particulier, elle permettrait d’élargir les cas de suspension d’exercice de l’autorité parentale, et ce afin de protéger l’enfant du parent violent. Si l’on croit la parole des victimes, il faut les protéger et, dans les cas de violences intrafamiliales, cela veut dire aussi parfois qu’il faut les protéger de leurs propres parents. C’est pourquoi l’élargissement de ces cas est une bonne chose.
À ce titre, je voudrais m’attarder sur deux points qui me paraissent particulièrement importants.
Premièrement, je regrette que la commission ait voulu supprimer certaines dispositions adoptées à l’Assemblée nationale.
Elle a décidé, en particulier, de ne pas étendre la suspension de l’exercice de l’autorité parentale dans certains cas qui avaient été prévus par les députés. Or cette suspension est souvent essentielle pour permettre, dans les faits, la protection des enfants victimes de leurs parents violents.
Le mouvement #MeTooInceste nous a montré que, dans de trop nombreux cas, on ne croit pas les victimes. Et comme on ne les croit pas, elles ne sont pas protégées par la justice. C’est ce que l’Assemblée nationale a retenu, et c’est pour cette raison que les députés ont voté pour un élargissement de cette suspension. Aussi avons-nous déposé des amendements visant à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale.
Deuxièmement, je souhaite m’inscrire en faux contre la théorie du syndrome de l’aliénation parentale. Le texte ne revient pas sur ce point, et c’est particulièrement inquiétant. De quoi s’agit-il ?
Prenons le cas d’un couple marié qui a une fille âgée de 7 ans. Après un divorce conflictuel, l’enfant part vivre avec un des parents. L’autre parent obtient un droit de visite pour l’enfant, qui vient chez lui un week-end sur deux. Un certain dimanche, celle-ci revient incontestablement traumatisée. Elle se confie au parent chez lequel elle vit – disons que c’est la mère –, racontant qu’elle subit des violences chez l’autre parent – admettons qu’il s’agisse du père.
La mère établit qu’il s’agit de violences sexuelles, alerte la justice et refuse ensuite de laisser partir sa fille pour la protéger de son ex-conjoint violent. À ce stade, il faut remarquer que nous nous trouvons devant un cas rare : l’enfant parle, on le croit et on agit.
Or, au lieu de protéger l’enfant en retirant l’exercice de l’autorité parentale, la justice remet parfois en cause le récit du parent protecteur et le suspecte d’accuser l’ex-conjoint pour se venger et d’instrumentaliser l’enfant. On ajoute ainsi du traumatisme au traumatisme en prétendant que l’enfant ment et en condamnant le parent qui agit comme il se doit. Ce faisant, on laisse l’enfant en danger.
La fausse théorie du syndrome de l’aliénation parentale, qui fonde ce raisonnement, est malheureusement répandue en France. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs mis en garde la justice française à ce propos, mais trop peu a été fait jusqu’à présent pour lutter contre ces croyances qui ont cours dans l’institution judiciaire. Nous devons mettre fin à cette absurdité.
Je conclurai en rappelant ce qu’a dit M. le ministre dans son propos liminaire : la lutte contre les violences faites aux mineurs va être mise au même niveau que celle contre les violences conjugales.
Compte tenu du nombre croissant de féminicides – 112 l’année dernière ! –, …