Intervention de Laurence Harribey

Réunion du 21 mars 2023 à 14h30
Violences intrafamiliales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une bien triste litanie que je reprends : près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent ; dans 21 % des cas, ils en sont directement victimes. Ces violences – nous le soulignons tous – leur laissent des séquelles psychologiques et physiques.

Cette proposition de loi, déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago, présente aujourd’hui dans les tribunes du Sénat, et votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, après – il est vrai – un certain nombre de modifications et un travail avec la Chancellerie, a pour objectif de mieux protéger les enfants victimes et covictimes, directes ou indirectes, de ces violences.

Ce texte est pour nous important, car il constitue un pas de plus vers la protection des enfants et prend place dans un continuum législatif qui, peu à peu, se consolide. À chaque fois, nous sommes au rendez-vous.

Rappelons, par exemple, que nous avons approuvé la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, qui a opéré un changement attendu dans l’appréhension pénale des violences sexuelles perpétrées sur des victimes mineures, en insérant dans le code pénal de nouvelles infractions d’agressions sexuelles autonomes sur mineur de moins de 18 ans dans le cas de l’inceste. Rappelons tout de même que c’est le groupe socialiste qui avait, par amendement, proposé de relever l’âge du non-consentement de 15 ans à 18 ans dans le cas du crime d’inceste.

De même, nous avions proposé par amendement le retrait de l’autorité parentale, notamment dans le cadre de l’ordonnance de protection, lors de l’examen de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, mais cela avait été rejeté. C’est regrettable, car de nombreux mois ont été perdus.

Pour nous, la question de la protection des enfants victimes ou covictimes de violences intrafamiliales doit être comprise dans un ensemble plus large, qui prend en compte aussi la protection du parent victime et la question de l’emprise du parent violent sur la victime par l’instrumentalisation de l’enfant. Protéger l’enfant est primordial, mais c’est aussi une manière de protéger le parent victime, la plupart du temps la mère. Rappelons que le nombre de féminicides a augmenté de plus de 20 % lors des trois dernières années et que nous en sommes à 34, déjà, pour l’année 2023.

Le cœur de ce texte, c’est bien l’article 1er relatif à la suspension de l’exercice de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement, non seulement après une condamnation, mais aussi pendant toute la période présentencielle.

Cet article, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, a été voté à l’unanimité par nos collègues députés. Aussi regrettons-nous, comme d’autres sur ces travées, que la commission des lois du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteure qui a pourtant fait un travail approfondi – je le sais pour avoir auditionné avec elle de nombreuses personnes –, l’ait en partie vidé de son contenu. C’était pourtant un point majeur pour la portée de ce texte.

En effet, si la commission a maintenu l’élargissement du dispositif au crime ou à l’agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant, elle est en revanche revenue sur la suppression du délai maximal de six mois, limitant ainsi la suspension de l’exercice de l’autorité parentale, ainsi que sur le nouveau régime prévu en cas de condamnation pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours.

Dans la mesure où – je le rappelle – une procédure peut durer plusieurs années, il est à nos yeux nécessaire de protéger l’enfant pendant l’intégralité de cette période.

Nous souhaitons aussi que la loi précise que la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement doit être effective dans un délai maximal de six jours. Ce délai est calqué sur celui prévu par l’article 515-11 du code civil relatif à la délivrance de l’ordonnance de protection.

Si ces dispositions étaient rétablies, ce qui permettrait de recentrer le texte sur son objet initial, nous pourrions le voter. Tel est l’objet de nos amendements, ainsi que de nombreux amendements issus de toutes les travées – nous tenons à le souligner, car cela montre qu’il manque encore des éléments essentiels dans cette proposition de loi.

Nous attendons encore des évolutions en termes de droits de l’enfant, notamment le droit pour un enfant d’être entendu ou celui d’être automatiquement assisté par un avocat lors de toute procédure judiciaire le concernant.

Les annonces gouvernementales vont certes dans la bonne direction, mais, au-delà des textes, se pose aussi la question des moyens. Il ne faudrait pas, au prétexte que l’argent manque, limiter la portée de cette proposition de loi.

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