Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 21 mars 2023 à 14h30
Violences intrafamiliales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer notre collègue députée Isabelle Santiago, et à remercier notre rapporteure, Marie Mercier, pour le travail qu’elle a effectué sur ce texte.

Hannah Arendt écrivait que le développement de l’enfant était la continuité du monde. L’enjeu de cette proposition de loi est de faire en sorte que les enfants ne soient pas tributaires d’un passé douloureux, marqué par la violence, responsable de traumas lourds.

Les études et les statistiques sont glaçantes, sans équivoque : 60 % des enfants témoins de violence souffrent de stress post-traumatique ; 50 % des victimes de viol durant leur enfance ont fait une tentative de suicide.

Nombreux sont les psychiatres et pédopsychiatres, tels Muriel Salmona ou Luis Alvarez, à considérer que les enfants ayant été au centre de violences conjugales développent par la suite des symptômes caractéristiques d’un stress similaire à celui dont sont atteintes les victimes de guerre.

Grâce à la mobilisation des mouvements et des associations féministes, les violences faites aux femmes et les féminicides ne sont plus considérés comme des drames passionnels, mais comme la résultante du système patriarcal qui gangrène nos sociétés.

Permettez-moi de dénoncer de nouveau la culture du viol et de l’inceste, véhiculée par l’industrie pornographique notamment, et que nous avons analysée dans le rapport que nous avons présenté au nom de la délégation aux droits des femmes, ainsi que dans la proposition de résolution adoptée à l’unanimité par notre assemblée au début du mois.

Malheureusement, les enfants sont encore trop souvent des victimes collatérales, l’objet de chantages de la part de conjoints violents. Malgré les avancées législatives de 2019 et de 2020, les enfants ne sont toujours pas assez pris en considération.

Mes chers collègues, non seulement nous devons protéger les enfants témoins de violences commises sur la personne de l’autre parent – dans la majorité des cas, la mère –, mais nous devons également faire en sorte que plus aucun enfant ne meure des suites de maltraitance.

Aujourd’hui encore, un enfant meurt tous les cinq jours de maltraitance. Un an après l’adoption de la loi Taquet, nous considérons toujours que les moyens accordés à la protection de l’enfance sont insuffisants.

Il est plus que temps d’agir. C’est pourquoi nous saluons cette proposition de loi, inspirée des recommandations de la Ciivise, qui va dans le bon sens. Nous tenterons de renforcer la portée de ce texte par nos amendements, notamment à l’article 1er, en proposant la suspension de l’autorité parentale, et pas seulement celle de l’exercice de l’autorité parentale.

Pour ce qui me concerne, j’ai toujours considéré qu’un conjoint violent ne pouvait pas être un bon père, et je me réjouis que cette analyse soit de plus en plus largement partagée. La vulnérabilité des enfants nous commande de prévoir une protection stricte, sans concession.

Nous regrettons par ailleurs que la présente proposition de loi ne traite pas de tous les cas de violence à l’encontre de l’enfant qui, quelle que soit leur forme, doivent être dénoncés. Ayons en tête que la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) nous oblige à protéger les enfants contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalité physique ou mentale.

Mettons-nous réellement au service de l’intérêt supérieur de l’enfant, mes chers collègues, et ce d’autant plus que, bien souvent – on le sait –, les enfants victimes reproduisent ces violences à l’âge adulte.

Avant de conclure, je souhaiterais vous interpeller, monsieur le garde des sceaux, au sujet de l’un de nos amendements, qui a été déclaré irrecevable.

Il nous semblait pourtant essentiel de faire évoluer l’article 227-5 du code pénal relatif au délit de non-représentation d’enfant.

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